Décision

Décision n° 2010-95 QPC du 28 janvier 2011

SARL du Parc d'activités de Blotzheim et autre [Projet d'intérêt général]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 novembre 2010 par le Conseil d'État (décision n° 340213 du 26 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL du parc d'activités de Blotzheim et la SCI Haselaecker, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour les requérantes par la SCP Defrénois et Levis, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 décembre 2010 ;

Vu les observations produites pour l'aéroport de Bâle-Mulhouse, par la SCP Odent et Poulet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 décembre 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 décembre 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Jean-Marie Defrénois pour les requérantes, Me Bruno Odent pour l'aéroport et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 janvier 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-9 du code du l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : « Des décrets en Conseil d'État déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre. Ces décrets précisent notamment la nature des projets d'intérêt général, qui doivent présenter un caractère d'utilité publique, et arrêtent la liste des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2 » ;

2. Considérant que les sociétés requérantes font grief à cette disposition de renvoyer à un décret en Conseil d'État le soin de définir la nature des projets d'intérêt général ; que le législateur aurait méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; que cette incompétence négative affecterait le principe de la libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution ainsi que le droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

4. Considérant que, s'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales et de leurs compétences ainsi que ceux du régime de la propriété, la fixation des modalités de mise en œuvre de ces principes a le caractère réglementaire en application de l'article 37 de la Constitution ; qu'il revient, en conséquence, au seul législateur de répartir les compétences en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme entre l'État et les collectivités territoriales ainsi que d'imposer à ces dernières de tenir compte des projets d'intérêt général dans l'élaboration de leurs documents locaux d'urbanisme ;

5. Considérant que l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme se borne à renvoyer à des décrets en Conseil d'État le soin de déterminer les conditions d'application du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme, relatif aux dispositions générales communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales ; qu'il ne met pas en cause les principes fondamentaux susmentionnés ; que la définition de la nature des projets d'intérêt général ne met pas davantage en cause ces principes ; qu'il s'ensuit qu'en tout état de cause, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté ;

6. Considérant que l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er.- L'article L. 121-9 du code de l'urbanisme est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 28 janvier 2011.

Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1896, texte n° 84
Recueil, p. 93
ECLI : FR : CC : 2011 : 2010.95.QPC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.1. Principe de libre administration des collectivités
  • 3.7.11.1.1. Compétence législative
  • 3.7.11.1.1.2. Urbanisme

S'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales et de leurs compétences ainsi que ceux du régime de la propriété, la fixation des modalités de mise en œuvre de ces principes a le caractère réglementaire en application de l'article 37 de la Constitution. Il revient, en conséquence, au seul législateur de répartir les compétences en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme entre l'État et les collectivités territoriales ainsi que d'imposer à ces dernières de tenir compte des projets d'intérêt général dans l'élaboration de leurs documents locaux d'urbanisme.
L'article L. 121-9 du code de l'urbanisme se borne à renvoyer à des décrets en Conseil d'État le soin de déterminer les conditions d'application du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme, relatif aux dispositions générales communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux cartes communales. Il ne met pas en cause les principes fondamentaux susmentionnés. La définition de la nature des projets d'intérêt général ne met pas davantage en cause ces principes. Il s'ensuit qu'en tout état de cause, le grief tiré de l'incompétence négative du législateur doit être écarté.

(2010-95 QPC, 28 janvier 2011, cons. 4, 5, Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1896, texte n° 84)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.4. Constitution du 4 octobre 1958
  • 4.1.4.3. Article 34

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

(2010-95 QPC, 28 janvier 2011, cons. 3, Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1896, texte n° 84)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi CE, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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