Décision

Décision n° 2007-4162 AN du 17 avril 2008

A.N., Eure (1ère circ.)
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 19 décembre 2007, la décision en date du 29 novembre 2007 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Louis PETIET, candidat à l'élection législative qui a eu lieu les 10 et 17 juin 2007 dans la 1ère circonscription du département de l'Eure ;

Vu le mémoire en défense présenté pour M. PETIET, enregistré le 7 janvier 2008 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : « Tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique... - Le mandataire... règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou un groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal... » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; qu'en vertu du second alinéa de l'article L.O. 128 du même code, est inéligible pendant un an celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

2. Considérant que, si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense exposée en vue de la campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, tel qu'apprécié à la lumière des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 8 décembre 2003, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ;

3. Considérant que des dépenses électorales d'un montant total de 44 502 €, réglées directement par le candidat antérieurement à la désignation de son mandataire financier, n'ont pas fait l'objet ultérieurement d'un remboursement par celui-ci et ne figurent pas dans le compte bancaire ouvert en application de l'article L.52-6 du code électoral ; que ces dépenses représentent 93,5 % du total de ses dépenses de campagne et 67,7 % du plafond, fixé 65 754 € pour cette élection ;

4. Considérant que, si M. PETIET soutient qu'il a financé sa campagne sur ses fonds personnels de sorte qu'il a, de bonne foi, estimé possible d'opérer une contraction entre deux opérations de trésorerie consistant, d'une part, en un versement de sa part sur le compte de son mandataire et, d'autre part, en un remboursement par son mandataire à son profit à hauteur des mêmes sommes et s'il argue de ce que les dépenses regardées par la commission comme exposées directement par lui figurent intégralement dans son compte de campagne, ces circonstances ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-4, lesquelles ont été méconnues en l'espèce ; que c'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ; que, par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, en application de l'article L.O. 128 du code électoral, de constater l'inéligibilité de M. PETIET pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision,

D É C I D E :
Article premier.- M. Louis PETIET est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 128 du code électoral pour une durée d'un an à compter du 17 avril 2008.
Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. PETIET, au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 avril 2008, où siégeaient : Mme Dominique SCHNAPPER, exerçant les fonctions de Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE, Jean-Louis PEZANT et Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 25 avril 2008, page 6966, texte n° 128
Recueil, p. 232
ECLI : FR : CC : 2008 : 2007.4162.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement
  • 8.3.5.5.4.1. Dépenses antérieures à la désignation d'un mandataire financier

Si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par celui-ci, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral. En l'espèce, les dépenses électorales réglées directement par le candidat antérieurement à la désignation de son mandataire financier, n'ayant pas fait l'objet ultérieurement d'un remboursement par celui-ci et ne figurant pas dans le compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-6 du code électoral, représentent 93,5 % du total de ses dépenses de campagne et 67,7 % du plafond. L'invocation par le candidat de la circonstance qu'ayant financé sa campagne sur ses fonds personnels il a de bonne foi estimé possible d'opérer une contraction entre deux opérations de trésorerie consistant en un versement de sa part sur le compte de son mandataire et un remboursement par celui-ci à son profit à hauteur des mêmes sommes, et du fait que les dépenses regardées par la commission comme exposées directement figurent intégralement dans son compte de campagne, n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-4, lesquelles ont été méconnues en l'espèce. Rejet du compte à bon droit. Inéligibilité.

(2007-4162 AN, 17 avril 2008, cons. 1, 2, 3, 4, Journal officiel du 25 avril 2008, page 6966, texte n° 128)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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