Décision

Décision n° 2007-3889 AN du 25 octobre 2007

A.N., Saône-et-Loire (2ème circ.)
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la requête présentée par M. Jacques REBILLARD, demeurant à Montceau-l'Étoile (Saône-et-Loire), enregistrée le 27 juin 2007 au secrétariat général du Conseil constitutionnel, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 10 et 17 juin 2007 dans la 2ème circonscription de la Saône-et-Loire pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par M. REBILLARD, enregistré comme ci-dessus le 17 juillet 2007 ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Marc NESME, député, enregistré comme ci-dessus le 18 juillet 2007 ;

Vu les mémoires en réplique présentés par M. REBILLARD, enregistrés comme ci-dessus les 4 et 23 octobre 2007 ;

Vu les nouveaux mémoires présentés par M. NESME, enregistrés comme ci-dessus les 4 et 22 octobre 2007 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, enregistrées comme ci-dessus le 13 août 2007 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 10 octobre 2007, approuvant après réformation le compte de campagne de M. NESME ;

Vu les procès-verbaux des opérations électorales et les documents annexés ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS A LA PROPAGANDE ÉLECTORALE :

1. Considérant, en premier lieu, que, si M. NESME, député sortant, a fait parvenir aux maires de la circonscription, pendant la campagne électorale, plusieurs lettres rédigées sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale, ces envois n'enfreignent pas les dispositions régissant le déroulement de la campagne électorale ; qu'en particulier, ces lettres ne constituaient pas des circulaires soumises aux règles de l'article L. 165 du code électoral ; qu'il résulte de l'instruction que si, dans l'une de ces lettres, adressée le 25 mai 2007 aux maires de plusieurs cantons, M. NESME répondait à des critiques formulées à son égard par M. REBILLARD et dénigrait l'action de ce dernier, le courrier n'a pas excédé les limites de la polémique électorale et le requérant a pu y répondre ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que ni la circonstance que M. NESME a adressé aux personnes ayant signé une pétition réclamant la construction d'une maison de retraite une lettre sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale dans laquelle il prenait l'engagement de faire financer une partie de cette construction par un syndicat mixte dont il assure la présidence, ni la circonstance que M. NESME a utilisé le logo de ce syndicat mixte dans un document de campagne n'ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

3. Considérant, en troisième lieu, que la publication, dans un document de campagne de M. NESME, d'une photographie représentant ce dernier avec le suppléant de M. REBILLARD n'a pas constitué, dans les circonstances de l'espèce, une manœuvre susceptible d'induire les électeurs en erreur ;

4. Considérant, en quatrième lieu, que M. REBILLARD invoque la méconnaissance par M. NESME des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral en vertu desquelles « aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin » ; que ni la pose, le 4 juin 2007, de la première pierre d'un centre médico-psychiatrique dépendant du centre hospitalier dont M. NESME préside le conseil d'administration, ni l'inauguration d'un réseau internet sans fil, quelques jours avant le premier tour de scrutin, dans la commune dont M. NESME est le maire, ne peuvent en l'espèce être regardées comme une campagne de promotion à caractère publicitaire au sens des dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral ;

5. Considérant, en dernier lieu, que le grief tiré de ce que M. NESME se serait prévalu de façon abusive du soutien apporté à sa campagne électorale par M. Bernard KOUCHNER, ministre des affaires étrangères et européennes, a été présenté après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'il est, par suite, irrecevable ;

- SUR LES GRIEFS RELATIFS AU DÉROULEMENT DES OPÉRATIONS ÉLECTORALES :

. En ce qui concerne les votes par procuration :

6. Considérant, en premier lieu, que l'absence de tout ou partie des mentions qui auraient dû figurer sur les listes d'émargement, en vertu de l'article R. 76 du code électoral, ne suffit pas à faire présumer l'existence de fraude, dès lors qu'il ne ressort ni des procès-verbaux des opérations de vote ni d'autres documents ou de témoignages que le contrôle du vote des mandataires aurait donné lieu à des difficultés ou anomalies ; que les divergences, relevées par le requérant, entre le nombre des votes par procuration porté sur les procès-verbaux de plusieurs communes et le nombre de ceux qui ont été enregistrés sur les listes d'émargement des mêmes communes s'expliquent par l'absence sur ces listes d'émargement d'indications relatives aux votes par procuration ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette anomalie, qui a un caractère purement formel, aurait eu pour effet d'empêcher le contrôle de l'identité des mandataires et celui de la régularité des procurations, ou d'affecter le décompte des votes ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence d'élément permettant de présumer une fraude, la circonstance que des corrections matérielles auraient été apportées sur plusieurs procurations et celle que deux procurations auraient été mentionnées au crayon sur la liste d'émargement d'une commune sont restées sans incidence sur le résultat du scrutin ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune réclamation relative aux votes par procuration n'a été portée sur les procès-verbaux des opérations électorales des communes en cause ni soumise à la commission départementale de recensement des votes ; qu'il n'est pas établi que les irrégularités commises dans la tenue des documents électoraux aient permis des fraudes de nature à altérer le résultat de l'élection ; qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés des irrégularités ayant affecté les votes par procuration doivent être écartés ;

. En ce qui concerne la régularité des listes d'émargement :

9. Considérant que le requérant soutient que, dans plusieurs communes, les listes d'émargement ont été tenues de manière irrégulière, soit que certains électeurs se sont bornés à signer d'une croix, soit que certains électeurs ont signé de façons très différentes au premier et au second tour de scrutin, soit enfin que certaines signatures ont été modifiées, raturées ou surchargées ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen des listes d'émargement des bureaux de vote concernés, que le grief tiré de signatures sous forme de croix manque en fait ; que les différences alléguées entre les signatures des deux tours de scrutin ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l'un des deux tours, ou à la circonstance que l'électeur a utilisé successivement ses initiales, un paraphe ou sa signature ou encore, pour les femmes mariées, leur nom de jeune fille ou leur nom de femme mariée ; que les modifications ou ratures ont eu pour seul objet de rectifier des erreurs commises par des électeurs ayant signé dans une mauvaise case ; qu'au surplus, dans les bureaux de vote dont les listes auraient comporté l'une ou plusieurs des irrégularités dénoncées par le requérant, les procès-verbaux régulièrement signés ne contiennent aucune observation à ce sujet et ne font apparaître aucune discordance entre le nombre des émargements constaté par les membres des bureaux et celui des bulletins et enveloppes trouvés dans les urnes ; que, dans ces conditions, le grief relatif aux listes d'émargement doit être écarté ;

. En ce qui concerne les procès-verbaux des opérations électorales :

11. Considérant que, si quelques rectifications ont été portées sur les procès-verbaux des opérations électorales de plusieurs bureaux de vote de la circonscription, il résulte de l'instruction et, notamment, de l'examen des procès-verbaux concernés, que ces rectifications étaient destinées à réparer des erreurs purement matérielles et n'ont pas altéré la sincérité du scrutin ; que la circonstance que les procès-verbaux de quelques bureaux de vote ne comporteraient pas l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 67 du code électoral ne saurait, à elle seule, porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée,

D É C I D E :
Article premier.- La requête de M. Jacques REBILLARD est rejetée.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 octobre 2007, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, M. Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125
Recueil, p. 352
ECLI : FR : CC : 2007 : 2007.3889.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.8. Lettres
  • 8.3.3.8.1. Envoi ou diffusion de lettres en faveur de candidats
  • 8.3.3.8.1.2. Lettres de parlementaires

Si le candidat, député sortant, a fait parvenir aux maires de la circonscription, pendant la campagne électorale, plusieurs lettres rédigées sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale, ces envois n'enfreignent pas les dispositions régissant le déroulement de la campagne électorale. En particulier, ces lettres ne constituaient pas des circulaires soumises aux règles de l'article L. 165 du code électoral. Il résulte de l'instruction que si, dans l'une de ces lettres, adressée aux maires de plusieurs cantons, le candidat élu répondait à des critiques formulées à son égard par son concurrent et dénigrait l'action de ce dernier, le courrier n'a pas excédé les limites de la polémique électorale et ce dernier a pu y répondre.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 1, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)

La circonstance que le candidat élu a adressé aux personnes ayant signé une pétition réclamant la construction d'une maison de retraite une lettre sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale dans laquelle il prenait l'engagement de faire financer une partie de cette construction par un syndicat mixte dont il assure la présidence, ni la circonstance que M. N. a utilisé le logo de ce syndicat mixte dans un document de campagne n'ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 2, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.12. Campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité (article L. 52-1, alinéa 2, du code électoral)

Ni la pose, le 4 juin 2007, de la première pierre d'un centre médico-psychiatrique dépendant du centre hospitalier dont le candidat élu préside le conseil d'administration, ni l'inauguration d'un réseau Internet sans fil, quelques jours avant le premier tour de scrutin, dans la commune dont il est le maire, n'ont été regardées comme une campagne de promotion à caractère publicitaire au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 4, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.2. Irrégularités vénielles ou sans influence sur le scrutin

Les divergences, relevées par le requérant, entre le nombre des votes par procuration porté sur les procès-verbaux de plusieurs communes et le nombre de ceux qui ont été enregistrés sur les listes d'émargement des mêmes communes s'expliquent par l'absence sur ces listes d'émargement d'indications relatives aux votes par procuration. Il ne résulte pas de l'instruction que cette anomalie, qui a un caractère purement formel, aurait eu pour effet d'empêcher le contrôle de l'identité des mandataires et celui de la régularité des procurations, ou d'affecter le décompte des votes.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 6, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.4. Signatures

Il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen des listes d'émargement des bureaux de vote concernés, que le grief tiré de signatures sous forme de croix manque en fait. Les différences alléguées entre les signatures des deux tours de scrutin ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l'un des deux tours, ou à la circonstance que l'électeur a utilisé successivement ses initiales, un paraphe ou sa signature ou encore, pour les femmes mariées, leur nom de jeune fille ou leur nom de femme mariée. Les modifications ou ratures ont eu pour seul objet de rectifier des erreurs commises par des électeurs ayant signé dans une mauvaise case. Au surplus, dans les bureaux de vote dont les listes auraient comporté l'une ou plusieurs des irrégularités dénoncées par le requérant, les procès-verbaux régulièrement signés ne contiennent aucune observation à ce sujet et ne font apparaître aucune discordance entre le nombre des émargements constaté par les membres des bureaux et celui des bulletins et enveloppes trouvés dans les urnes. Dans ces conditions, le grief relatif aux listes d'émargement doit être écarté.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 9, 10, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
  • 8.3.6.4.10.5. Omission ou erreur purement matérielle

L'absence de tout ou partie des mentions qui auraient dû figurer sur les listes d'émargement, en vertu de l'article R. 76 du code électoral, ne suffit pas à faire présumer l'existence de fraude, dès lors qu'il ne ressort ni des procès-verbaux des opérations de vote ni d'autres documents ou de témoignages que le contrôle du vote des mandataires aurait donné lieu à des difficultés ou anomalies.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 6, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.9. Établissement des procès-verbaux et de leurs annexes
  • 8.3.6.9.2. Procès-verbaux

Si quelques rectifications ont été portées sur les procès-verbaux des opérations électorales de plusieurs bureaux de vote de la circonscription, il résulte de l'instruction et, notamment, de l'examen des procès-verbaux concernés, que ces rectifications étaient destinées à réparer des erreurs purement matérielles et n'ont pas altéré la sincérité du scrutin. La circonstance que les procès-verbaux de quelques bureaux de vote ne comporteraient pas l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 67 du code électoral ne saurait, à elle seule, porter atteinte à la sincérité du scrutin.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 11, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Le grief tiré de ce que le candidat élu se serait prévalu de façon abusive du soutien apporté à sa campagne électorale par le ministre des affaires étrangères et européennes, a été présenté après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il est, par suite, irrecevable.

(2007-3889 AN, 25 octobre 2007, cons. 5, Journal officiel du 31 octobre 2007, page 17936, texte n° 125)
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