Décision

Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004

Traité établissant une Constitution pour l'Europe
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 29 octobre 2004, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre XV : « Des communautés européennes et de l'Union européenne » ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l'Union européenne ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel nos 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ;

Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n° 4774/98 (affaire Leyla Sahin c. Turquie) du 29 juin 2004 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :

1. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ;

2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ;

3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ;

4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ;

5. Considérant que la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution ; qu'en particulier, aux termes de son article 88-1 : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ;

6. Considérant que ces textes de valeur constitutionnelle permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;

7. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome le 29 octobre 2004, ainsi que de ses protocoles et annexes ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ;

- SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les Etats signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ;

10. Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des Etats membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent » ; qu'en vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ; qu'aux termes de l'article I-6 : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres » ; qu'il résulte d'une déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne ;

13. Considérant que, si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions susvisées, de l'article 88-1 de la Constitution ; que, dès lors, l'article I-6 du traité soumis à l'examen du Conseil n'implique pas de révision de la Constitution ;

- SUR LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION :

14. Considérant qu'il y a lieu d'apprécier la conformité à la Constitution de la « Charte des droits fondamentaux de l'Union » qui constitue la deuxième partie du traité soumis au Conseil constitutionnel ;

15. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article II-111 du traité et à l'exception de ses articles II-101 à II-104, lesquels ne concernent que les « institutions, organes et organismes de l'Union », la Charte s'adresse aux Etats membres « lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union » et « uniquement » dans ce cas ; qu'elle est sans incidence sur les compétences de l'Union ; qu'en vertu du paragraphe 5 de l'article II-112, elle comporte, à côté de « droits » directement invocables devant les juridictions, des « principes » qui constituent des objectifs ne pouvant être invoqués qu'à l'encontre des actes de portée générale relatifs à leur mise en oeuvre ; qu'au nombre de tels « principes » figurent notamment le « droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux », le « droit de travailler », le « droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle », le « principe du développement durable » et le « niveau élevé de protection des consommateurs » ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité, dans la mesure où la Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, « ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions » ; que sont dès lors respectés les articles 1er à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de son préambule, « la Charte sera interprétée par les juridictions de l'Union et des Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l'autorité du præsidium de la Convention qui a élaboré la Charte » ; que le paragraphe 7 de l'article II-112 du traité dispose également que : « Les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux sont dûment prises en considération par les juridictions de l'Union et des Etats membres » ;

18. Considérant, en particulier, que, si le premier paragraphe de l'article II-70 reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public, les explications du præsidium précisent que le droit garanti par cet article a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu'à la protection des droits et libertés d'autrui ; que l'article 9 de la Convention a été constamment appliqué par la Cour européenne des droits de l'homme, et en dernier lieu par sa décision susvisée, en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre ; que la Cour a ainsi pris acte de la valeur du principe de laïcité reconnu par plusieurs traditions constitutionnelles nationales et qu'elle laisse aux Etats une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, afin de concilier la liberté de culte avec le principe de laïcité ; que, dans ces conditions, sont respectées les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux termes desquelles « la France est une République laïque », qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ;

19. Considérant, par ailleurs, que le champ d'application de l'article II-107 du traité, relatif au droit au recours effectif et à un tribunal impartial, est plus large que celui de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il ne concerne pas seulement les contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d'une accusation en matière pénale ; qu'il résulte néanmoins des explications du præsidium que la publicité des audiences peut être soumise aux restrictions prévues à cet article de la Convention ; qu'ainsi, « l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ;

20. Considérant, en outre, que si, en vertu de l'article II-110, « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif », il résulte des termes mêmes de cet article, comme le confirment les explications du præsidium, que cette disposition concerne exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires ; que, de plus, la référence à la notion d'identité d'infractions, et non à celle d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre premier du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions et des intérêts spécifiques en cause ;

21. Considérant, en quatrième lieu, que la clause générale de limitation énoncée au premier paragraphe de l'article II-112 prévoit : « Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui » ; que les explications du præsidium précisent que les « intérêts généraux reconnus par l'Union » s'entendent notamment des intérêts protégés par le premier paragraphe de l'article I-5, aux termes duquel l'Union respecte « les fonctions essentielles de l'Etat, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale » ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS DU TRAITÉ RELATIVES AUX POLITIQUES ET AU FONCTIONNEMENT DE L'UNION :

23. Considérant qu'en vertu de l'article 88-2 de la Constitution, dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003 : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne. - Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. - La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne » ;

24. Considérant qu'appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 ;

25. Considérant que le « principe de subsidiarité », énoncé par l'article I-11 du traité, implique que, dans les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive de l'Union, celle-ci n'intervienne que « si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union » ; que, toutefois, la mise en oeuvre de ce principe pourrait ne pas suffire à empêcher que les transferts de compétence autorisés par le traité revêtent une ampleur ou interviennent selon des modalités telles que puissent être affectées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

26. Considérant que, conformément à l'article I-34 du traité, sauf disposition contraire, la « loi européenne » et la « loi-cadre européenne », qui se substituent au « règlement communautaire » et à la « directive communautaire », seront adoptées, sur proposition de la seule Commission, conjointement par le Conseil des ministres, statuant à la majorité qualifiée prévue à l'article I-25, et par le Parlement européen, selon la « procédure législative ordinaire » prévue à l'article III-396 ; que, sauf exception, relèveront désormais de cette procédure toutes les matières de la compétence de l'Union, notamment celles qui intéressent l'« espace de liberté, de sécurité et de justice » faisant l'objet du chapitre IV du titre III de la troisième partie du traité ;

. En ce qui concerne les transferts de compétence intervenant dans des matières nouvelles :

27. Considérant qu'appellent une révision de la Constitution les dispositions du traité qui transfèrent à l'Union européenne, et font relever de la « procédure législative ordinaire », des compétences inhérentes à l'exercice de la souveraineté nationale ; qu'il en est ainsi notamment de l'article III-265, dans le domaine du contrôle aux frontières, de l'article III-269, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile, et des articles III-270 et III-271, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, pour celles des compétences mentionnées auxdits articles qui n'entrent dans les prévisions ni des articles 62 et 65 du traité instituant la Communauté européenne, ni des articles 31 et 34 du traité sur l'Union européenne ;

28. Considérant qu'appelle également une révision de la Constitution, eu égard à la portée que revêt une telle disposition pour l'exercice de la souveraineté nationale, l'article III-274, relatif à la création d'un Parquet européen, organe habilité à poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et à exercer devant les juridictions françaises l'action publique relative à ces infractions ;

. En ce qui concerne les modalités nouvelles d'exercice de compétences déjà transférées, applicables dès l'entrée en vigueur du traité :

29. Considérant qu'appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision applicables, soit en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l'unanimité au sein du Conseil, privant ainsi la France de tout pouvoir d'opposition, soit en conférant une fonction décisionnelle au Parlement européen, lequel n'est pas l'émanation de la souveraineté nationale, soit en privant la France de tout pouvoir propre d'initiative ;

30. Considérant, en conséquence, qu'appellent une révision de la Constitution, dès lors qu'ils font désormais dépendre les mesures en cause d'une décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée, notamment les articles III-270 et III-271, en ce qu'ils se rapportent à des compétences déjà transférées dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, les articles III-273 et III-276, qui concernent la structure, le fonctionnement, le domaine d'action et les tâches d'Eurojust et d'Europol, et le b) du paragraphe 2 de l'article III-300, relatif aux actions ou positions de l'Union décidées sur proposition du ministre des affaires étrangères de celle-ci ;

31. Considérant qu'il en va de même, en tant qu'ils confèrent une fonction décisionnelle au Parlement européen, notamment de l'article III-191, qui prévoit que la loi ou la loi-cadre européenne établit les mesures nécessaires à l'usage de l'euro, et du premier paragraphe de l'article III-419 qui, dans les matières intéressant l'espace de liberté, de sécurité et de justice, soumet désormais à l'approbation du Parlement européen l'instauration de toute « coopération renforcée » au sein de l'Union ;

32. Considérant qu'il en va également de même de l'article III-264, en ce qu'il substitue au pouvoir propre d'initiative dont dispose chaque Etat membre en vertu des traités antérieurs l'initiative conjointe d'un quart des Etats membres en vue de présenter un projet d'acte européen dans des matières relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, comme celles mentionnées à l'article III-273 concernant Eurojust, et aux articles III-275 à III-277 relatifs à la coopération policière ;

. En ce qui concerne le passage à la majorité qualifiée en vertu d'une décision européenne ultérieure :

33. Considérant qu'appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité, dénommée « clause passerelle » par ses négociateurs, qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale, permet, même en subordonnant un tel changement à une décision unanime du Conseil européen ou du Conseil des ministres, de substituer un mode de décision majoritaire à la règle de l'unanimité au sein du Conseil des ministres ; qu'en effet, de telles modifications ne nécessiteront, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution ;

34. Considérant que tel est le cas en particulier des mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière prévues par le paragraphe 3 de l'article III-269, des règles minimales relatives à la procédure pénale prévues par le d) du paragraphe 2 de l'article III-270, ainsi que des règles minimales relatives à la définition et à la répression des infractions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière prévues par le troisième alinéa du premier paragraphe de l'article III-271 ; qu'il en va de même du paragraphe 7 de l'article I-40 et du paragraphe 3 de l'article III-300, qui permettent que des décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, dont la portée n'est pas limitée par le traité, soient désormais prises par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, s'il en est décidé ainsi par le Conseil européen se prononçant à l'unanimité, mais sans ratification nationale ;

. En ce qui concerne les procédures de révision simplifiée prévues par les articles IV-444 et IV-445 du traité :

35. Considérant, d'une part, que, pour les raisons exposées ci-dessus, doit être également examinée la « clause passerelle » générale figurant à l'article IV-444, qui institue une procédure de « révision simplifiée » du traité ; que cet article permet au Conseil européen, par son premier paragraphe, d'autoriser le Conseil, sauf en matière de défense, à se prononcer à la majorité qualifiée dans un domaine ou dans un cas pour lesquels le traité requiert l'unanimité et, par son deuxième paragraphe, d'autoriser l'adoption de lois ou lois-cadres conformément à la procédure législative ordinaire chaque fois que la partie III prévoit une procédure législative spéciale ; qu'en l'absence de procédure nationale de ratification de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité, ces dispositions appellent une révision de la Constitution nonobstant la faculté donnée à tout parlement national de s'opposer à leur mise en oeuvre ;

36. Considérant, d'autre part, que l'article IV-445 institue une procédure de révision simplifiée concernant les politiques et actions internes de l'Union ; qu'il prévoit que, sur proposition d'un Etat membre, du Parlement européen ou de la Commission, le Conseil européen, statuant à l'unanimité, « peut adopter une décision européenne modifiant tout ou partie des dispositions de la partie III, titre III » relatives aux politiques et actions internes de l'Union ; qu'aux termes du second alinéa de son deuxième paragraphe, cette décision européenne n'entre en vigueur qu'après son approbation par les Etats membres « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » ; que cette référence aux règles constitutionnelles des Etats membres renvoie, dans le cas de la France, à l'autorisation législative prévue par l'article 53 de la Constitution ;

- SUR LES NOUVELLES PRÉROGATIVES RECONNUES AUX PARLEMENTS NATIONAUX DANS LE CADRE DE L'UNION :

37. Considérant que le traité soumis au Conseil constitutionnel accroît la participation des parlements nationaux aux activités de l'Union européenne ; qu'il leur reconnaît, à cet effet, de nouvelles prérogatives ; qu'il y a lieu d'apprécier si ces prérogatives peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution ;

38. Considérant, en premier lieu, que l'article IV-444 instaure, comme il a été dit, une procédure de révision simplifiée du traité ; qu'il prévoit la transmission aux parlements nationaux de toute initiative prise en ce sens et ajoute que : « En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne... n'est pas adoptée » ;

39. Considérant, en deuxième lieu, que le second alinéa du paragraphe 3 de l'article I-11 prévoit que les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union conformément au protocole n° 2 ; qu'il résulte des articles 6 et 7 de celui-ci, combinés avec l'article 3 du protocole n° 1, qu'un parlement national ou, le cas échéant, chacune de ses chambres, pourra désormais, dans un délai de six semaines à compter de la date à laquelle lui est transmis un projet d'acte législatif européen, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet n'est pas conforme au principe de subsidiarité ; que le projet devra être réexaminé lorsque ces avis rassembleront un tiers des voix des parlements nationaux, ou un quart de ces voix dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale ou dans celui de la coopération policière ; qu'à cet effet, tout parlement national dispose de deux voix, chacune des chambres d'un parlement bicaméral disposant d'une voix ; qu'à l'issue de ce réexamen, l'organe dont le projet émane pourra décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer ;

40. Considérant, en troisième lieu, que l'article 8 du protocole n° 2 prévoit que la Cour de justice, compétente pour se prononcer sur les requêtes formées pour violation du principe de subsidiarité, pourra également examiner un recours transmis par un Etat membre « conformément à son ordre juridique au nom de son parlement national ou d'une chambre de celui-ci » ;

41. Considérant que le droit reconnu au Parlement français de s'opposer à une modification du traité selon le mode simplifié prévu par l'article IV-444 rend nécessaire une révision de la Constitution afin de permettre l'exercice de cette prérogative ; qu'il en va de même de la faculté qui lui est conférée, le cas échéant selon des procédures propres à chacune de ses deux chambres, d'émettre un avis motivé ou de former un recours devant la Cour de justice dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité ;

- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITÉ :

42. Considérant qu'aucune des autres dispositions du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'implique de révision de celle-ci ;

- SUR L'ENSEMBLE DU TRAITÉ :

43. Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe exige une révision de la Constitution,

Décide :
Article premier.- L'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 novembre 2004, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL

Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89
Recueil, p. 173
ECLI : FR : CC : 2004 : 2004.505.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.1. Préambule et article 1er
  • 1.5.1.5. Principe de laïcité (article 1er)

Affirmation de sa valeur constitutionnelle.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 18, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)

Si le premier paragraphe de l'article II-70 du traité établissant une Constitution pour l'Europe reconnaît le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public, les explications du præsidium précisent que le droit garanti par cet article a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu'à la protection des droits et libertés d'autrui. L'article 9 de la Convention a été constamment appliqué par la Cour européenne des droits de l'homme, et en dernier lieu par sa décision n° 4774/98 du 29 juin 2004, en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque État membre. La cour a ainsi pris acte de la valeur du principe de laïcité reconnu par plusieurs traditions constitutionnelles nationales et elle laisse aux États une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, afin de concilier la liberté de culte avec le principe de laïcité. Dans ces conditions, sont respectées les dispositions de l'article 1er de la Constitution aux termes desquelles " la France est une République laïque ", qui interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 18, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.16. Titre XV - Des Communautés européennes et de l'Union européenne
  • 1.5.16.1. Principe de participation de la République aux Communautés européennes et à l'Union européenne (article 88-1)
  • 1.5.16.1.1. Affirmation de la spécificité de l'ordre juridique communautaire ou de l'Union européenne

Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ". Le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 11, 12, 13, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.1. Principe

Le champ d'application de l'article II-107 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, relatif au droit au recours effectif et à un tribunal impartial, est plus large que celui de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il ne concerne pas seulement les contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou le bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Il résulte néanmoins des explications du præsidium que la publicité des audiences peut être soumise aux restrictions prévues à cet article de la Convention. Ainsi, " l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ".

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 19, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.3. Principes de nécessité et de proportionnalité
  • 4.23.3.4. Principe Non bis in idem

Si, en vertu de l'article II-110 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, " nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif ", il résulte des termes mêmes de cet article, comme le confirment les explications du præsidium, que cette disposition concerne exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires. De plus, la référence à la notion d'identité d'infractions, et non à celle d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus au titre premier du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions et des intérêts spécifiques en cause.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 20, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.2. Discriminations interdites

Conformément au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité établissant une Constitution pour l'Europe, dans la mesure où la Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, " ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions ". Sont dès lors respectés les articles 1er à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 16, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.3. Actes pouvant être soumis au contrôle de constitutionnalité
  • 7.2.4.3.1. Traités et accords internationaux

Il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé " traité établissant une Constitution pour l'Europe ", et notamment de celles relatives à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les États signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne. En particulier, n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité. En effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union et les États membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 9, 10, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.5. Normes de référence du contrôle
  • 7.2.4.5.2. Normes de référence prises en compte
  • 7.2.4.5.2.1. Principe

Par le Préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement " son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ".
Dans son article 3, la Déclaration de 1789 énonce que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation ". L'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum". Le Préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se " conforme aux règles du droit public international " et, dans son quinzième alinéa, que " sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix ". Dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de " traités ou accords relatifs à l'organisation internationale ", lesquels ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi. La République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution. En particulier, aux termes de son article 88-1 : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences. " Il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que la France peut participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres. Toutefois, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.1. Contrariété à la Constitution où à des droits et libertés constitutionnellement garantis
  • 7.2.5.1.1.4. Attribution de prérogatives communautaires au Parlement national

Il y a lieu d'apprécier si les prérogatives reconnues aux parlements nationaux par le traité soumis au Conseil constitutionnel, qui accroissent leur participation aux activités de l'Union européenne, peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution. Le droit reconnu au Parlement français de s'opposer à une modification du traité selon le mode simplifié prévu par l'article IV-444 rend nécessaire une révision de la Constitution afin de permettre l'exercice de cette prérogative. Il en va de même de la faculté qui lui est conférée, le cas échéant selon des procédures propres à chacune de ses deux chambres, d'émettre un avis motivé ou de former un recours devant la Cour de justice dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 37, 38, 39, 40, 41, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.2. Transferts de compétence portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.2.4. Procédure législative ordinaire

Appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 de la Constitution dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003. Il en est ainsi des dispositions du traité qui, nonobstant le principe de subsidiarité, transfèrent à l'Union européenne, et font relever de la "procédure législative ordinaire ", selon laquelle les lois et lois-cadres européennes sont adoptées sur proposition de la seule Commission, conjointement par le Conseil des ministres, statuant à la majorité qualifiée, et par le Parlement européen, des compétences inhérentes à l'exercice de la souveraineté nationale, notamment en matière de contrôle aux frontières, de coopération judiciaire en matière civile et de coopération judiciaire en matière pénale.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 23, 24, 25, 26, 27, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.2. Transferts de compétence portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.2.5. Privation de tout pouvoir d'initiative de la France

Appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 de la Constitution dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003. Il en est ainsi de toute disposition du traité qui, nonobstant le principe de subsidiarité, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision en privant la France de tout pouvoir propre d'initiative, par exemple en substituant au pouvoir propre d'initiative, dont dispose chaque État membre en vertu des traités antérieurs, l'initiative conjointe d'un quart des États membres en vue de présenter un projet d'acte européen dans des matières relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (Eurojust, coopération judiciaire).

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 23, 24, 25, 29, 32, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.3. Modification des modalités d'exercice des compétences transférées, dans des conditions portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.3.1. Passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée (généralités)

Appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 de la Constitution dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003. Il en est ainsi de toute disposition du traité qui, nonobstant le principe de subsidiarité, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision applicables en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l'unanimité au sein du Conseil, privant ainsi la France de tout pouvoir d'opposition. Tel est le cas notamment pour ce qui concerne la coopération judiciaire en matière pénale, Eurojust, Europol et les actions ou positions de l'Union décidées sur proposition du ministre des affaires étrangères de celle-ci.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 23, 24, 25, 29, 30, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.3. Modification des modalités d'exercice des compétences transférées, dans des conditions portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.3.3. Passage à la majorité qualifiée en vertu d'une décision européenne ultérieure (clauses passerelles)

Appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 de la Constitution dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003. Il en est ainsi de toute disposition du traité, dénommée " clause passerelle " par ses négociateurs, qui, nonobstant le principe de subsidiarité, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale, permet, même en subordonnant un tel changement à une décision unanime du Conseil européen ou du Conseil des ministres, de substituer un mode de décision majoritaire à la règle de l'unanimité au sein du Conseil des ministres. De telles modifications ne nécessiteront, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution. Tel est le cas des clauses passerelles prévues pour les mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière et pour les règles minimales relatives à la procédure pénale ainsi qu'à la définition et à la répression des infractions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière. Tel est encore le cas de la clause passerelle générale qui permet que des décisions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, dont la portée n'est pas limitée par le traité, soient désormais prises par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, s'il en est décidé ainsi par le Conseil européen se prononçant à l'unanimité, mais sans ratification nationale.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 23, 24, 25, 33, 34, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.3. Modification des modalités d'exercice des compétences transférées, dans des conditions portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.3.5. Attribution d'un pouvoir de décision au Parlement européen

Appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 de la Constitution dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003. Il en est ainsi de toute disposition du traité qui, nonobstant le principe de subsidiarité, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision en conférant une fonction décisionnelle au Parlement européen, lequel n'est pas l'émanation de la souveraineté nationale. Tel est le cas notamment des mesures nécessaires à l'usage de l'euro et de l'instauration de toute coopération renforcée au sein de l'Union.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 23, 24, 25, 29, 31, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.4. Autres atteintes aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.4.4. Création d'un parquet européen

Appellent une révision constitutionnelle les clauses du traité établissant une Constitution pour l'Europe qui, nonobstant le principe de subsidiarité, transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article 88-2 de la Constitution dans sa rédaction issue des révisions constitutionnelles des 25 juin 1992, 25 janvier 1999 et 25 mars 2003. Il en est ainsi, eu égard à la portée que revêt une telle disposition pour l'exercice de la souveraineté nationale, de l'article relatif à la création d'un parquet européen, organe habilité à poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union et à exercer devant les juridictions françaises l'action publique relative à ces infractions.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 23, 24, 25, 28, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
  • 7.2.5.2.2. Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la Charte n'appelle de révision de la Constitution. La Charte est en effet limitée dans son champ d'application. En vertu de l'article II-111 du traité établissant une Constitution pour l'Europe et à l'exception de ses articles II-101 à II-104, lesquels ne concernent que les " institutions, organes et organismes de l'Union ", la Charte s'adresse aux États membres " lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union " et " uniquement " dans ce cas. Elle est sans incidence sur les compétences de l'Union. En vertu du paragraphe 5 de l'article II-112, elle comporte, à côté de " droits " directement invocables devant les juridictions, des " principes " qui constituent des objectifs ne pouvant être invoqués qu'à l'encontre des actes de portée générale relatifs à leur mise en œuvre. Conformément au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité, dans la mesure où la Charte reconnaît des droits fondamentaux tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, " ces droits doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions ". Sont dès lors respectés les articles 1er à 3 de la Constitution qui s'opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d'origine, de culture, de langue ou de croyance. En particulier, n'est pas contraire à la Constitution l'article II-70 relatif aux pratiques religieuses manifestées en public. En effet, conformément aux " explications " annexées à la Charte (et qui ont la même valeur juridique que le traité), le droit mentionné par l'article II-70 a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Or la Cour européenne des droits de l'homme interprète cet article en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque État membre. Prenant acte de la valeur du principe de laïcité inscrit dans plusieurs traditions constitutionnelles nationales, elle laisse aux États une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, pour concilier la liberté religieuse avec le principe de laïcité. N'est pas non plus contraire à la Constitution l'article II-107 du traité, relatif au droit au recours effectif et à un tribunal impartial. En effet, en ce qui concerne la publicité des audiences, il résulte des explications du præsidium qu'elle peut être soumise aux restrictions prévues à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il en est également de même de l'article II-110, relatif au principe " Non bis in idem " qui concerne exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires et qui, par sa référence à la notion d'identité d'infractions, et non à celle d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus au titre premier du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions et des intérêts spécifiques en cause. Enfin, la clause générale de limitation énoncée au premier paragraphe de l'article II-112 prévoit : " Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ". Les explications du præsidium précisent que les " intérêts généraux reconnus par l'Union " s'entendent notamment des intérêts protégés par le premier paragraphe de l'article I-5, aux termes duquel l'Union respecte " les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale ".

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
  • 7.2.5.2.3. Primauté du droit communautaire

Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ". Le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international. Aux termes de l'article I-1 du traité : " Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les États membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des États membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent ". En vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des États membres " inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ". Aux termes de l'article I-6 : " La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres ". Il résulte d'une déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne. Si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions des 10 juin, 1er et 29 juillet 2004, de l'article 88-1 de la Constitution. Dès lors, l'article I-6 du traité soumis à l'examen du Conseil n'implique pas de révision de la Constitution.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 11, 12, 13, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.3. TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX EN VIGUEUR
  • 7.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
  • 7.3.3.2. Absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori
  • 7.3.3.2.1. Refus de transposer aux traités la jurisprudence État d'urgence en Nouvelle-Calédonie

Sont soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations d'un traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 8, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.1. Institutions communautaires
  • 7.4.1.2. Nature de l'Union (et des Communautés) européenne(s)

Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : "La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ". Le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 11, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.2. Spécificité des fondements constitutionnels
  • 7.4.2.1. Participation de la France aux Communautés européennes et à l'Union européenne (article 88-1)

La France peut participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 6, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)

Les conditions dans lesquelles la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne sont fixées par les dispositions en vigueur du titre XV de la Constitution. Aux termes de son article 88-1 en particulier : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ".

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 5, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.3. Hiérarchie des normes
  • 7.4.3.1. Primauté de la Constitution

Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : "La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ". Le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international. Selon l'article I-1 du traité : "Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les États membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des États membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent ". En vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des États membres " inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ". Aux termes de l'article I-6 : "La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres ". Il résulte d'une déclaration annexée au traité que cet article ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne. Si l'article I-1 du traité substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions des 10 juin, 1er et 29 juillet 2004, de l'article 88-1 de la Constitution.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 11, 12, 13, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.4. Autres procédures de contrôle et d'information
  • 10.4.4.2. Suivi des activités de l'Union européenne

Il y a lieu d'apprécier si les prérogatives reconnues aux parlements nationaux par le traité soumis au Conseil constitutionnel, qui accroissent leur participation aux activités de l'Union européenne, peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution. L'article IV-444, qui instaure une procédure de révision simplifiée du traité, prévoit la transmission aux parlements nationaux de toute initiative prise en ce sens et ajoute : " En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne... n'est pas adoptée. " Le droit ainsi reconnu au Parlement français rend nécessaire une révision de la Constitution afin de permettre l'exercice de cette prérogative. L'article IV-445 institue une procédure de révision simplifiée concernant les politiques et actions internes de l'Union. Il prévoit que, sur proposition d'un État membre, du Parlement européen ou de la Commission, le Conseil européen, statuant à l'unanimité, " peut adopter une décision européenne modifiant tout ou partie des dispositions de la partie III, titre III " relatives aux politiques et actions internes de l'Union, mais que cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres " conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ". Cette référence aux règles constitutionnelles des États membres renvoie, dans le cas de la France, à l'autorisation législative prévue par l'article 53 de la Constitution.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 36, 37, 38, 41, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)

Il y a lieu d'apprécier si les prérogatives reconnues aux parlements nationaux par le traité soumis au Conseil constitutionnel, qui accroissent leur participation aux activités de l'Union européenne, peuvent être exercées dans le cadre des dispositions actuelles de la Constitution. La faculté reconnue au Parlement français, le cas échéant selon des procédures propres à chacune de ses deux assemblées, d'émettre un avis motivé ou de former un recours devant la Cour de justice dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité, rend nécessaire une révision de la Constitution afin de permettre l'exercice de ces prérogatives.

(2004-505 DC, 19 novembre 2004, cons. 37, 39, 40, 41, Journal officiel du 24 novembre 2004, page 19885, texte n° 89)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Traité et annexes sur le site du Conseil de l'Union européenne, Traité et annexes sur le site du Sénat, Présentation du Traité par le service des affaires européennes du Sénat, Saisine par Président de la République, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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