Décision

Décision n° 2004-3390/3395/3397 SEN du 2 décembre 2004

Sénat, Guadeloupe
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu 1 ° la requête n°2004-3390 présentée par M. Robert NAPRIX, demeurant à Les Abymes (Guadeloupe), enregistrée au secrétariat du Conseil constitutionnel le 6 octobre 2004 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 26 septembre 2004 dans le département de la Guadeloupe en vue de la désignation de trois sénateurs en tant qu'elles concernent Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY ;

Vu 2 ° la requête n° 2004-3395 présentée par M. Moïse DANIEL demeurant au Lamentin (Guadeloupe), enregistrée à la préfecture de la Guadeloupe le 5 octobre 2004 et tendant, à titre principal, à l'annulation des mêmes opérations électorales et, à titre subsidiaire, à l'annulation desdites opérations électorales en tant qu'elles concernent Mme MICHAUX-CHEVRY ;

Vu 3 ° la requête n° 2004-3397 présentée par M. Léopold-Edouard DEHER-LESAINT demeurant à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), enregistrée à la préfecture de la Guadeloupe le 6 octobre 2004 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales en tant qu'elles concernent Mme MICHAUX-CHEVRY ;

Vu les mémoires en défense présentés par Mme MICHAUX-CHEVRY, sénateur, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 20 et 22 octobre 2004 ;

Vu les mémoires en défense présentés par M. Jacques GILLOT, sénateur, enregistrés comme ci-dessus le 12 novembre 2004 ;

Vu les mémoires en réplique présentés par MM. NAPRIX et DANIEL, enregistrés comme ci-dessus les 10 et 15 novembre 2004 ;

Vu les observations du ministre de l'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 19 octobre 2004 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique ;

Vu le décret n° 2001-777 du 30 août 2001 pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création au ministère de l'intérieur d'un fichier des élus et des candidats aux élections au suffrage universel ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre une même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

-SUR LES GRIEFS RELATIFS A LA CAMPAGNE ET AUX OPÉRATIONS ÉLECTORALES :

- Sur les griefs présentés par M. Moïse DANIEL :

2. Considérant que M. DANIEL soutient n'avoir pu obtenir, en tant que candidat à l'élection litigieuse, les coordonnées des membres du collège électoral figurant dans le « fichier des élus et des candidats » créé en vertu du décret du 30 août 2001 susvisé ; qu'il découle toutefois des termes mêmes de l'article 4 dudit décret que les informations relatives à l'adresse et au numéro de téléphone des personnes recensées dans ce fichier ne peuvent pas être communiquées à des tiers ; que M. DANIEL n'est dès lors pas fondé à soutenir que le refus qui lui a été opposé serait entaché d'irrégularité ; qu'il n'est par ailleurs pas établi que d'autres candidats auraient disposé d'informations contenues dans ce fichier auxquelles M. DANIEL n'aurait pas eu accès ;

3. Considérant que si M. DANIEL prétend s'être vu refuser l'enregistrement de sa déclaration de candidature pour le second tour en raison de l'absence physique de son remplaçant, cette affirmation, qui n'est étayée d'aucune pièce probante, n'est pas corroborée par l'instruction ; qu'ainsi, le grief manque en fait et doit être écarté ;

- Sur les griefs présentés par M. Léopold-Edouard DEHER-LESAINT :

4. Considérant que si M. DEHER-LESAINT se plaint d'avoir reçu, pendant sa campagne électorale, un moins bon accueil que d'autres candidats de la part des maires de la Guadeloupe, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas soutenu par le requérant, qu'il n'aurait pas bénéficié des mêmes facilités que ses concurrents pour la conduite de sa campagne ; que le grief doit, dès lors, être écarté ;

5. Considérant que l'élection des sénateurs du département de la Guadeloupe a lieu au scrutin majoritaire ; qu'ainsi, M. DEHER-LESAINT ne saurait utilement invoquer une prétendue violation des dispositions de l'article L. 295 du code électoral, qui ne concernent que les départements pour lesquels l'élection s'effectue à la représentation proportionnelle ;

6. Considérant, enfin, que les griefs tirés par M. DEHER-LESAINT de prétendues méconnaissances des articles L. 47, L. 52-3, L. 104 et L. 106 du code électoral ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ils doivent, par suite, être écartés ;

-SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'INÉLIGIBILITÉ DE MME MICHAUX-CHEVRY :

7. Considérant que MM. NAPRIX, DANIEL et DEHER-LESAINT demandent l'annulation de l'élection de Mme MICHAUX-CHEVRY en soutenant que cette dernière était inéligible, à la date de son élection, en application des dispositions combinées de l'article L.O. 296 du code électoral, du premier alinéa de l'article L.O. 130 et de l'article L. 7 du même code ;

8. Considérant que l'article L.O. 130 du code électoral, rendu applicable aux sénateurs par l'article L.O. 296 du même code, dispose : « les individus dont la condamnation empêche temporairement l'inscription sur une liste électorale sont inéligibles pendant une période double de celle durant laquelle ils ne peuvent être inscrits sur la liste électorale » ; qu'aux termes de l'article L. 7 du même code, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 19 janvier 1995 : « ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l'une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-3 et 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel de l'une de ces infractions, défini par les articles 321-1 et 321-2 du code pénal » ;

9. Considérant que Mme MICHAUX-CHEVRY a été condamnée, par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 novembre 2002, devenu définitif, à une amende de 20 000 euros pour le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, prévu et réprimé par l'article 432-14 du code pénal ;

10. Considérant toutefois que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les faits pour lesquels Mme MICHAUX-CHEVRY a été condamnée, relatifs à la signature d'un marché à bons de commande entre la région de la Guadeloupe et la société GEPREMO en mai 1994, ont été commis avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 19 janvier 1995 ; que, dès lors, les deux renouvellements de ce marché, en avril 1995 et mai 1996, n'ayant pas été qualifiés d'actes délictueux dans le jugement susmentionné du 25 novembre 2002, les dispositions de l'article L. 7 du code électoral n'étaient pas applicables à Mme MICHAUX-CHEVRY ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. NAPRIX, DANIEL et DEHER-LESAINT doivent être rejetées,

Décide :
Article premier.- Les requêtes de MM. Robert NAPRIX, Moïse DANIEL et Léopold-Edouard DEHER-LESAINT sont rejetées.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 décembre 2004, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.

Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55
Recueil, p. 206
ECLI : FR : CC : 2004 : 2004.3390.SEN

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.5. Listes électorales

Il découle des termes mêmes de l'article 4 du décret du 30 août 2001 qui a créé le " fichier des élus et des candidats " que les informations relatives à l'adresse et au numéro de téléphone des personnes recensées dans ce fichier ne peuvent pas être communiquées à des tiers. N'est donc pas entaché d'irrégularité le refus qui a été opposé à la demande d'un candidat aux élections sénatoriales d'obtenir les coordonnées des membres du collège électoral qui y figurent.

(2004-3390/3395/3397 SEN, 02 décembre 2004, cons. 2, Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.1. Opérations préalables au scrutin
  • 8.4.1.2. Fichiers des élus

Il découle des termes mêmes de l'article 4 du décret du 30 août 2001 qui a créé le " fichier des élus et des candidats " que les informations relatives à l'adresse et au numéro de téléphone des personnes recensées dans ce fichier ne peuvent pas être communiquées à des tiers. N'est donc pas entaché d'irrégularité le refus qui a été opposé à la demande d'un candidat aux élections sénatoriales d'obtenir les coordonnées des membres du collège électoral qui y figurent.

(2004-3390/3395/3397 SEN, 02 décembre 2004, cons. 2, Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.2. Candidatures
  • 8.4.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.4.2.1.9. Condamnations pénales

Les faits d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics pour lesquels Mme M. a été condamnée étaient relatifs à la signature d'un marché à bons de commande. Ils ont été commis en mai 1994, avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 1995 dont est issu l'article L. 7 du code électoral qui prévoit que ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour certaines infractions. Les deux renouvellements du marché, en avril 1995 et mai 1996, n'ayant pas été qualifiés d'actes délictueux dans le jugement, les dispositions de cet article ne sont pas applicables à Mme M.

(2004-3390/3395/3397 SEN, 02 décembre 2004, cons. 7, 8, 9, 10, 11, Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.2. Candidatures
  • 8.4.2.2. Déclaration de candidature
  • 8.4.2.2.2. Recevabilité de la déclaration de candidature
  • 8.4.2.2.2.1. Refus

Si M. D. prétend s'être vu refuser l'enregistrement de sa déclaration de candidature pour le second tour en raison de l'absence physique de son remplaçant, cette affirmation, qui n'est étayée d'aucune pièce probante, n'est pas corroborée par l'instruction. Ainsi, le grief manque en fait.

(2004-3390/3395/3397 SEN, 02 décembre 2004, cons. 3, Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.9. Contentieux - Griefs
  • 8.4.9.5. Griefs insuffisamment précisés

Les griefs tirés de prétendues méconnaissances de dispositions du code électoral, qui ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, doivent être écartés.

(2004-3390/3395/3397 SEN, 02 décembre 2004, cons. 6, Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.9. Contentieux - Griefs
  • 8.4.9.7. Griefs inopérants

Un requérant ne saurait utilement invoquer, pour l'élection des sénateurs d'un département qui a lieu au scrutin majoritaire, une prétendue violation des dispositions de l'article L. 295 du code électoral, qui ne concernent que les départements pour lesquels l'élection s'effectue à la représentation proportionnelle.

(2004-3390/3395/3397 SEN, 02 décembre 2004, cons. 5, Journal officiel du 9 décembre 2004, page 20823, texte n° 55)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Dossier documentaire, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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