Décision

Décision n° 2002-2981 AN du 30 janvier 2003

A.N., Eure-et-Loir (3ème circ.)
Annulation - Inéligibilité

Le Conseil constitutionnel,

Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 3 décembre 2002, la décision, en date du 21 novembre 2002, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Patrick HOGUET, candidat élu à l'élection législative qui a eu lieu les 9 et 16 juin dans la 3ème circonscription du département d'Eure-et-Loir ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. HOGUET, enregistré comme ci-dessus le 23 décembre 2002 ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; qu'en vertu du second alinéa de l'article L.O. 128 du même code, est inéligible pendant un an celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'il est énoncé à l'article L.O. 136-1 de ce code que la Commission précitée « saisit le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer les dispositions du deuxième alinéa de l'article L.O. 128. Le Conseil constitutionnel constate, le cas échéant, l'inéligibilité et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, il le déclare, par la même décision, démissionnaire d'office » ;

3. Considérant que, si les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral interdisent à toute personne morale autre qu'un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition applicable à l'élection des députés n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un avantage au sens de ces dispositions ; qu'il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l'élection d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société « Imprimerie PEAU », à laquelle M. HOGUET avait confié la réalisation de ses affiches, circulaires et bulletins de vote, a fait bénéficier ce dernier d'« avoirs », d'un montant total de 1 307 euros, correspondant à la différence entre, d'une part, les montants attendus des remboursements par l'Etat des frais d'impression et d'affichage relatifs à la propagande électorale officielle, calculés sur la base des tarifs fixés en application des dispositions de l'article R. 39 du code électoral, et, d'autre part, les coûts réels des prestations ; que ces avoirs ont été utilisés par M. HOGUET pour financer des travaux d'impression complémentaires dans le cadre de sa campagne électorale ; que, si la société « Imprimerie PEAU » a ultérieurement rectifié les factures adressées à la préfecture du département d'Eure-et-Loir afin de réduire à due concurrence la base du remboursement par l'Etat des frais d'impression et d'affichage et si M. HOGUET a, de son côté, remboursé à la société les travaux financés par le montant des « avoirs » qu'elle lui avait consentis, ces régularisations ne sont intervenues qu'à la suite des demandes d'explication de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'eu égard à la nature de l'avantage en cause, aux conditions dans lesquelles il a été consenti, ainsi qu'à son montant rapporté au total des dépenses du compte, l'irrégularité commise par M. HOGUET justifie le rejet de son compte de campagne ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application de l'article L. 136-1, de constater l'inéligibilité de M. HOGUET pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et de le déclarer démissionnaire d'office,

Décide :
Article premier :
M. Patrick HOGUET est déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter du 30 janvier 2003.
Article 2 :
M. Patrick HOGUET est déclaré démissionnaire d'office.
Article 3 .- La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 8 février 2003, page 2449
Recueil, p. 100
ECLI : FR : CC : 2003 : 2002.2981.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

Une imprimerie, à laquelle le candidat élu avait confié la réalisation de sa propagande officielle, a fait bénéficier ce dernier d'" avoirs ", d'un montant total de 1 307 €, correspondant à la différence entre, d'une part, les montants attendus des remboursements par l'État des frais d'impression et d'affichage relatifs à la propagande électorale officielle, calculés sur la base des tarifs fixés en application des dispositions de l'article R. 39 du code électoral, et, d'autre part, les coûts réels des prestations. Ces avoirs ont été utilisés par le candidat élu pour financer des travaux d'impression complémentaires dans le cadre de sa campagne électorale. Si l'imprimerie a ultérieurement rectifié les factures adressées à la préfecture afin de réduire à due concurrence la base du remboursement par l'État des frais d'impression et d'affichage et si le candidat élu a, de son côté, remboursé à la société les travaux financés par le montant des " avoirs " qu'elle lui avait consentis, ces régularisations ne sont intervenues qu'à la suite des demandes d'explication de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Eu égard à la nature de l'avantage en cause, aux conditions dans lesquelles il a été consenti, ainsi qu'à son montant rapporté au total des dépenses du compte, l'irrégularité commise par le candidat élu justifie le rejet de son compte de campagne, son inéligibilité et sa démission d'office.

(2002-2981 AN, 30 janvier 2003, cons. 1, 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 8 février 2003, page 2449)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.9. Inéligibilité du candidat élu
  • 8.3.5.9.2. Démission d'office du candidat élu

Après avoir rejeté le compte de campagne d'un parlementaire pour violation de l'article L. 52-8 du code électoral, le Conseil constitutionnel constate, en application de l'article L. 136-1, son inéligibilité pour une durée d'un an à compter de la décision et le déclare démissionnaire d'office.

(2002-2981 AN, 30 janvier 2003, cons. 5, Journal officiel du 8 février 2003, page 2449)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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