Décision

Décision n° 2002-2764 AN du 30 janvier 2003

A.N., Réunion (1ère circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Jean-Claude FIDJI demeurant à Saint-Denis (La Réunion), enregistrée le 25 juin 2002 à la préfecture du département de La Réunion et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1ère circonscription du département de La Réunion pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les mémoires en défense présentés par M. René Paul VICTORIA, député, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 27 août, 15 novembre 2002 et 2 janvier 2003 ;

Vu les mémoires complémentaires présentés par M. FIDJI, enregistrés comme ci-dessus les 4 et 31 octobre et 3 décembre 2002 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 9 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. VICTORIA ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AU FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE DE M. VICTORIA :

. En ce qui concerne la participation de personnes morales au financement de la campagne de M. VICTORIA :

1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

2. Considérant que le « Rassemblement pour la République », groupement politique relevant des articles 8 et 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, a pu légalement concourir au financement de la campagne électorale de M. VICTORIA par l'intermédiaire d'une fédération départementale que ses instances nationales n'avaient pas dissoute et qui constituait l'une de ses représentations locales ;

3. Considérant que figure dans le compte de campagne de M. VICTORIA, au titre des concours en nature, le coût d'occupation d'un local mis à la disposition du candidat durant la campagne électorale par la fédération départementale du « Rassemblement pour la République » ; que ce coût a été calculé en fonction du loyer dû par ce groupement au propriétaire de l'immeuble en vertu d'un contrat de bail conclu en 1996 et dont le montant n'apparaît pas inférieur aux montants de loyers d'autres locaux dans le même immeuble ; qu'ainsi, M. FIDJI n'est pas fondé à soutenir que la société propriétaire de l'immeuble aurait consenti à M. VICTORIA un avantage indirect ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le coût de location, en vue de l'organisation d'une réunion publique dans le cadre de la campagne électorale, d'une « structure tendue Hall D », comprise dans le parc d'exposition géré par l'« Association dyonisienne de promotion économique », figure dans le compte de campagne de M. VICTORIA ; qu'il en va de même du coût des prestations annexes afférentes aux équipements mobiliers, à l'animation de cette réunion et à la restauration des participants ; que le requérant n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations relatives à une minoration de ces coûts ou à des omissions de dépenses ; qu'aucune omission ou minoration n'a été relevée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques après un examen attentif de ce poste de dépenses ; que, par suite, doit être écarté le grief tiré de ce que l'« Association dyonisienne de promotion économique », que préside M. VICTORIA, aurait consenti un don à ce dernier ;

5. Considérant que le requérant n'apporte pas de preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles M. VICTORIA aurait utilisé gratuitement un fichier communal pour l'expédition de ses documents de propagande ;

6. Considérant que n'ont revêtu un caractère électoral ni le « déjeuner champêtre » que le conseil de la communauté intercommunale du Nord, présidé par M. VICTORIA, a offert le 30 mai 2002 au personnel de cet établissement public de coopération intercommunale, ni la journée récréative traditionnellement organisée en faveur du personnel de la commune de Saint-Denis par le comité d'action sociale du personnel communal à l'occasion de la fête des mères et à laquelle M. VICTORIA a participé en sa qualité de maire de la commune, ni les manifestations, auxquelles ce dernier s'est rendu en cette même qualité les 1er et 5 juin 2002 à l'occasion du changement de nom d'une école et pour la mise en place dans un quartier d'une benne destinée au ramassage des emballages de verre ; que ces opérations ne peuvent, dès lors, être regardées comme des concours en nature d'une personne morale prohibés par les dispositions précitées de l'article L 52-8 du code électoral ;

7. Considérant que les éditions du bulletin municipal « Mieux vivre à Saint-Denis » diffusées pendant la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, y compris l'édition spéciale consacrée aux dégâts causés par le passage d'un cyclone, ne peuvent être regardées, par leur contenu, comme concourant à la promotion de la candidature de M. VICTORIA à l'élection législative et, par suite, comme un avantage consenti par une personne morale à ce dernier dans le cadre de sa campagne ;

8. Considérant que le grief tiré de l'utilisation, pour l'illustration du journal de campagne du candidat élu, de clichés photographiques appartenant à une collectivité publique a été invoqué pour la première fois par M. FIDJI dans un mémoire en réplique enregistré le 4 octobre 2002 ; qu'il constitue un grief nouveau présenté après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'il est, par suite, irrecevable ;

9. Considérant que le requérant soutient que des agents de la commune de Saint-Denis, dont M. VICTORIA est le maire, ou de la communauté intercommunale du Nord, dont il préside le conseil, auraient participé à sa campagne électorale dans l'exercice de leurs fonctions publiques ; que, toutefois, est seule établie la participation du directeur du cabinet du maire de Saint-Denis, qui a accompagné à plusieurs reprises M. VICTORIA, agissant en tant que candidat, dans ses déplacements auprès des électeurs ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cet agent public a concouru à la campagne électorale du candidat alors qu'il bénéficiait d'autorisations d'absence au titre des jours de récupération qui lui étaient dus par la mairie ;

. En ce qui concerne les dépenses de campagne électorale :

10. Considérant que M. FIDJI soutient que le total des dépenses électorales réellement engagées par M. VICTORIA ou pour son compte en vue de son élection dépasserait le plafond fixé en application des dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit en réponse aux griefs tirés de la participation de personnes morales au financement de la campagne électorale de M. VICTORIA, les dépenses dont s'agit n'avaient pas, en l'espèce, à figurer au compte de campagne ;

12. Considérant que, selon M. FIDJI, les coûts d'impression de divers documents diffusés par M. VICTORIA en vue de l'élection n'auraient pas été facturés et portés au compte de campagne pour leur montant réel ; que le requérant fait valoir, en particulier, que le journal électoral du candidat élu aurait été tiré à 50 000 exemplaires, alors que figure sur la facture de l'imprimeur le coût d'un tirage à 35 000 exemplaires ; que, toutefois, M. FIDJI n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses affirmations relatives à la minoration des dépenses d'imprimerie ; qu'une telle minoration, qui n'a pas été relevée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ne résulte pas de l'instruction ;

13. Considérant que, si M. FIDJI soutient qu'auraient été omises des dépenses de campagne exposées par M. VICTORIA ou pour son compte avant que celui-ci n'annonce sa candidature, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations ;

. En ce qui concerne la mandataire financière de M. VICTORIA :

14. Considérant que les factures annexées au compte de campagne de M. VICTORIA ont été émises au nom de sa mandataire financière, Mme LEBON, et réglées par celle-ci ; que les allégations du requérant relatives au caractère fictif de la fonction de mandataire financier exercée par Mme LEBON ne sont pas fondées ;

- SUR LES GRIEFS RELATIFS AU DÉROULEMENT DE LA CAMPAGNE ÉLECTORALE :

15. Considérant que ni le fait d'avoir fait imprimer la mention « République française » sur ses bulletins de vote, ni celui d'avoir utilisé, pour la confection de ses affiches et documents de propagande électorale, un agencement de diverses couleurs comprenant, parmi d'autres, le blanc, le bleu et le rouge, ni celui, enfin, de se référer aux orientations politiques définies par le Président de la République ne peuvent être regardés comme ayant eu pour effet de conférer un caractère officiel à la candidature de M. VICTORIA ou ayant constitué une pression sur les électeurs ;

16. Considérant qu'il n'est pas établi que l'agression dont a été victime l'adversaire de M. VICTORIA au second tour du scrutin ait été en relation avec la campagne électorale du candidat élu ;

17. Considérant que, si M. FIDJI affirme que M. VICTORIA aurait favorisé des recrutements de personnels par la communauté intercommunale du Nord en vue d'influencer le choix des électeurs, il n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations ; que ne saurait, à cet égard, être retenu comme constitutive de la manoeuvre prêtée à M. VICTORIA l'engagement d'une personne ayant des liens de parenté avec la mandataire financière du candidat élu ;

18. Considérant que le requérant ne saurait invoquer utilement des irrégularités qui auraient, selon lui, entaché le déroulement du premier tour de scrutin dès lors qu'il n'est même pas soutenu que les faits allégués auraient été de nature à modifier l'ordre de préférence exprimé par les électeurs et, par voie de conséquence, les conditions de déroulement du second tour ;

- SUR LE GRIEF RELATIF A LA COMPOSITION DES BUREAUX DE VOTE :

19. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 43 du code électoral : « Les bureaux de vote sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune » ;

20. Considérant qu'une conseillère municipale a fait savoir au maire de Saint-Denis, le 12 juin 2002, qu'elle souhaitait exercer son droit de présider un bureau de vote pour le second tour des élections législatives qui devait avoir lieu quatre jours plus tard ; que, si le maire de Saint-Denis avait demandé avant le premier tour aux adjoints et conseillers municipaux de lui faire connaître leurs disponibilités en vue d'attribuer les présidences des bureaux de vote et pris ses dispositions pour l'organisation des opérations électorales compte tenu des réponses qu'il avait reçues, il ne pouvait, sans méconnaître les prescriptions de l'article R. 43, rejeter une demande de présidence de bureau de vote émanant d'une conseillère municipale et présentée en temps utile avant la date du second tour de scrutin au motif que cette conseillère municipale ne l'avait pas informé de son intention auparavant ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité ait constitué une manoeuvre ayant pour objet ou pour effet de favoriser des fraudes dans le déroulement du scrutin ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête susvisée doit être rejetée,

Décide :
Article premier :
La requête de M. Jean-Claude FIDJI est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 8 février 2003, page 2444
Recueil, p. 80
ECLI : FR : CC : 2003 : 2002.2764.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.2. Bulletins
  • 8.3.3.2.3. Contenu et format des bulletins

Le fait d'avoir fait imprimer la mention " République française " sur ses bulletins de vote ne peut être regardé comme ayant eu pour effet de conférer un caractère officiel à la candidature de M. V. ou ayant constitué une pression sur les électeurs.

(2002-2764 AN, 30 janvier 2003, cons. 15, Journal officiel du 8 février 2003, page 2444)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.3. Dons ou avantages consentis par des partis ou groupements politiques

Un groupement politique, relevant des articles 8 et 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, a pu légalement concourir au financement de la campagne électorale de M. V. par l'intermédiaire d'une fédération départementale que ses instances nationales n'avaient pas dissoute et qui constituait l'une de ses représentations locales. Figure dans le compte de campagne de M. V., au titre des concours en nature, le coût d'occupation d'un local mis à la disposition du candidat durant la campagne électorale par la fédération départementale de ce parti. Le coût a été calculé en fonction du loyer dû par ce groupement au propriétaire de l'immeuble en vertu d'un contrat de bail conclu en 1996 et dont le montant n'apparaît pas inférieur aux montants de loyers d'autres locaux dans le même immeuble. Rejet du grief selon lequel la société propriétaire de l'immeuble aurait consenti à M. V. un avantage indirect.

(2002-2764 AN, 30 janvier 2003, cons. 1, 2, 3, Journal officiel du 8 février 2003, page 2444)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.3. Absence de don ou d'avantage

N'ont revêtu un caractère électoral ni un déjeuner champêtre offert par un établissement public de coopération intercommunale à son personnel, ni la journée récréative traditionnellement organisée en faveur du personnel d'une commune à l'occasion de la fête des mères, ni les autres manifestations auxquelles le candidat s'est rendu en sa qualité de maire. Ces opérations ne peuvent, dès lors, être regardées comme des concours en nature d'une personne morale prohibés par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral.

(2002-2764 AN, 30 janvier 2003, cons. 6, Journal officiel du 8 février 2003, page 2444)

Si le directeur du cabinet du maire a accompagné à plusieurs reprises M. V., maire, dans ses déplacements auprès des électeurs, il résulte de l'instruction que cet agent public a concouru à la campagne électorale du candidat alors qu'il bénéficiait d'autorisations d'absence au titre des jours de récupération qui lui étaient dus par la mairie. Absence de violation de l'article L. 52-8.

(2002-2764 AN, 30 janvier 2003, cons. 9, Journal officiel du 8 février 2003, page 2444)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.2. Bureaux de vote
  • 8.3.6.2.2. Composition des bureaux de vote

Une conseillère municipale ayant fait savoir au maire de S. qu'elle souhaitait exercer son droit de présider un bureau de vote pour le second tour des élections législatives qui devait avoir lieu quatre jours plus tard, le maire ne pouvait, sans méconnaître les prescriptions de l'article R. 43, rejeter cette demande, présentée en temps utile avant la date du second tour de scrutin, au motif que cette conseillère municipale ne l'avait pas informé de son intention auparavant. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité ait constitué une manœuvre ayant pour objet ou pour effet de favoriser des fraudes dans le déroulement du scrutin.

(2002-2764 AN, 30 janvier 2003, cons. 20, Journal officiel du 8 février 2003, page 2444)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Le grief tiré de l'utilisation, pour l'illustration du journal de campagne du candidat élu, de clichés photographiques appartenant à une collectivité publique a été invoqué pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Grief nouveau irrecevable.

(2002-2764 AN, 30 janvier 2003, cons. 8, Journal officiel du 8 février 2003, page 2444)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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