Décision

Décision n° 2002-2633/2695 AN du 20 janvier 2003

A.N., Moselle (1ère circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu 1 ° la requête n° 2002-2633 présentée par M. Marcel CLAUDE demeurant à Scy Chazelles (Moselle), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 juin 2002, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1ère circonscription du département de la Moselle pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. François GROSDIDIER, député, enregistré comme ci-dessus le 8 août 2002 ;

Vu les mémoires complémentaires présentés par M. CLAUDE, enregistrés comme ci-dessus les 1er octobre, 8 octobre, 24 octobre, 8 et 26 novembre 2002 ;

Vu 2 ° la requête n° 2002-2695 présentée par M. Jean-Paul PILLA demeurant à Woippy (Moselle), enregistrée comme ci-dessus le 26 juin 2002, et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;

Vu les mémoires en défense présentés par M. GROSDIDIER, député, enregistrés comme ci-dessus les 24 juillet et 2 décembre 2002 ;

Vu les observations présentées par M. Daniel DELREZ, tiers mis en cause, enregistrées comme ci-dessus le 4 novembre 2002 ;

Vu les observations présentées par M. Pascal SCHMITT, tiers mis en cause, enregistrées comme ci-dessus le 15 novembre 2002 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les deux requêtes, enregistrées comme ci-dessus le 17 septembre 2002 ;

Vu les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 9 octobre 2002, approuvant respectivement les comptes de campagne de MM. GROSDIDIER, DELREZ et SCHMITT ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

- SUR LES GRIEFS TIRES DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE L. 52-8 DU CODE ELECTORAL :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

3. Considérant que, selon les requérants, la commune de Woippy, dont le candidat proclamé élu est le maire, aurait participé, par différentes actions de communication effectuées sur l'ensemble de la circonscription électorale, au financement de la campagne de M. GROSDIDIER pour l'élection législative ; que les allégations formulées à cet égard par M. CLAUDE ne sont assorties d'aucune précision ni d'aucun commencement de preuve et ne peuvent, dès lors, qu'être écartées ;

4. Considérant que, pour sa part, M. PILLA fait état de la diffusion, au-delà des limites de la commune, du numéro 29 du bulletin municipal de Woippy dont l'éditorial aurait constitué, selon lui, « une véritable profession de foi électorale » ; qu'il critique également la distribution, en novembre 2001, d'un document de quatre pages intitulé « La vérité sur les obus chimiques dans l'agglomération messine » mettant en cause l'inaction des pouvoirs publics et appelant à la signature d'une pétition pour s'opposer « à la pérennisation du dépôt d'armes chimiques de Woippy » et en demander « le transfert au camp de Suippes » ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'édition critiquée du bulletin municipal de Woippy a été diffusée en mai 2001, soit plus de douze mois avant l'élection contestée ; qu'en conséquence, les dépenses y afférant n'entrent pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de l'article L. 52-8 précité ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la diffusion du document intitulé « La vérité sur les obus chimiques dans l'agglomération messine » s'est inscrite dans le contexte d'un débat de portée nationale, engagé entre élus locaux de Lorraine et pouvoirs publics, quant aux moyens de neutraliser d'anciens stocks d'obus à charge chimique découverts au Fort Déroulède de Woippy ; que, si sa distribution est intervenue près de sept mois avant la date du scrutin, c'est-à-dire au cours de la période déterminée par l'article L. 52-4 du code électoral, ce document ne comportait aucune référence aux élections à venir ;

7. Considérant, en conséquence, que la commune de Woippy ne peut être considérée comme ayant participé, par l'édition et la diffusion de ces documents, au financement de la campagne électorale de M. GROSDIDIER ;

8. Considérant que, selon M. PILLA, M. GROSDIDIER aurait encore bénéficié d'avantages indus dans le cadre de l'organisation de la « Fête des fraises », qui se tient à Woippy au mois de juin de chaque année ; qu'il n'est cependant pas établi, ni même allégué, que la célébration de cette fête traditionnelle ait été accompagnée, en 2002, d'actions particulières destinées à influencer les électeurs ; que la seule circonstance que la date de l'élection de la « Reine des fraises », qui, selon le requérant, aurait dû se tenir le troisième dimanche de juin, soit le jour du second tour de l'élection, a été avancée de deux semaines pour être fixée au premier dimanche de juin ne saurait suffire à établir l'existence d'une violation de l'article L. 52-8 du code électoral ;

- SUR LES GRIEFS TIRES DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE L. 52-4 DU CODE ELECTORAL :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses afférentes à l'envoi, par des responsables locaux, d'une lettre de soutien à la candidature de M. GROSDIDIER ont été réglées par le mandataire financier du candidat et dûment inscrites à son compte de campagne ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de l'article L. 52-4 du code électoral manque en fait ;

- SUR LE GRIEF TIRE DE LA VIOLATION DES DISPOSITIONS COMBINEES DES ARTICLES L. 52-5 ET L. 52-12 DU CODE ELECTORAL :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 » ; qu'il est spécifié que : « Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien... » ; qu'aux termes de l'article L. 52-5 : « L'association de financement électorale est tenue d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières... » ;

11. Considérant que M. CLAUDE soutient que les candidatures de MM. Pascal SCHMITT et de Daniel DELREZ auraient été suscitées et financées par M. GROSDIDIER afin d'affaiblir la position de son principal concurrent ; que ces candidatures constitueraient une manoeuvre ayant permis au candidat élu d'avoir recours, pour les besoins de sa campagne, à des moyens de propagande électorale dont les dépenses ne sont pas retracées dans son propre compte de campagne, en violation du principe de l'unicité du compte de campagne prévu par l'article L. 52-5 précité ; que M. PILLA reprend ce grief à son compte ;

12. Considérant que M. CLAUDE n'assortit ce grief d'aucun commencement de preuve ; que son argumentation repose exclusivement sur des suppositions tirées de l'existence de relations personnelles ou professionnelles entre M. SCHMITT et M. GROSDIDIER, ou encore de l'existence de thèmes de campagne électorale communs à ce dernier et à MM. SCHMITT et DELREZ ; que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir été informée du grief ainsi soulevé devant le Conseil constitutionnel et procédé à une instruction afin d'en apprécier le bien-fondé, a approuvé les comptes dont la régularité est mise en cause ; qu'aucun des faits allégués ne permet d'établir l'existence d'une fraude ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de M. CLAUDE de consulter les comptes de campagne de MM. GROSDIDIER, SCHMITT et DELREZ, le grief doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. CLAUDE et PILLA doivent être rejetées,

Décide :
Article premier :
Les requêtes de MM. Marcel CLAUDE et Jean-Paul PILLA sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 28 janvier 2003, page 1680
Recueil, p. 47
ECLI : FR : CC : 2003 : 2002.2633.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.3. Présentation du compte
  • 8.3.5.3.1. Principes d'unicité et d'exhaustivité du compte

Le requérant soutient que les candidatures de MM. S. et D. auraient été suscitées et financées par le candidat élu afin d'affaiblir la position de son principal concurrent et que ces candidatures constitueraient une manœuvre ayant permis au candidat élu d'avoir recours, pour les besoins de sa campagne, à des moyens de propagande électorale dont les dépenses ne sont pas retracées dans son propre compte de campagne, en violation du principe de l'unicité du compte de campagne prévu par l'article L. 52-5 du code électoral. Il n'assortit ce grief d'aucun commencement de preuve et son argumentation repose exclusivement sur des suppositions tirées de l'existence de relations personnelles ou professionnelles entre M. S. et le candidat élu, ou encore de l'existence de thèmes de campagne électorale communs à ce dernier et à MM. S. et D. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir été informée du grief ainsi soulevé devant le Conseil constitutionnel et procédé à une instruction afin d'en apprécier le bien-fondé, a approuvé les comptes dont la régularité est mise en cause. Aucun des faits allégués ne permet d'établir l'existence d'une fraude. Dès lors, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande du requérant de consulter les comptes de campagne des candidats mis en cause, le grief doit être écarté.

(2002-2633/2695 AN, 20 janvier 2003, cons. 10, 11, 12, Journal officiel du 28 janvier 2003, page 1680)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.3. Absence de don ou d'avantage

Selon les requérants, la commune de A., dont le candidat proclamé élu est le maire, aurait participé, par différentes actions de communication effectuées sur l'ensemble de la circonscription électorale, au financement de la campagne de ce candidat. L'édition critiquée du bulletin municipal a été diffusée en mai 2001, soit plus de douze mois avant l'élection contestée. En conséquence, les dépenses y afférant n'entrent pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de l'article L. 52 du code électoral. Il résulte de l'instruction que la diffusion du document intitulé " La vérité sur les obus chimiques dans l'agglomération messine " s'est inscrite dans le contexte d'un débat de portée nationale, engagé entre élus locaux de Lorraine et pouvoirs publics, quant aux moyens de neutraliser d'anciens stocks d'obus à charge chimique découverts à A. et que ce document ne comportait aucune référence aux élections à venir. Grief rejeté. Le candidat élu aurait encore bénéficié d'avantages indus dans le cadre de l'organisation de la " Fête des fraises ", qui se tient à A. au mois de juin de chaque année. Il n'est cependant pas établi, ni même allégué, que la célébration de cette fête traditionnelle ait été accompagnée, en 2002, d'actions particulières destinées à influencer les électeurs. La seule circonstance que la date de l'élection de la " Reine des fraises ", qui aurait dû se tenir le troisième dimanche de juin, soit le jour du second tour de l'élection, a été avancée de deux semaines pour être fixée au premier dimanche de juin ne saurait suffire à établir l'existence d'une violation de l'article L. 52-8 du code électoral.

(2002-2633/2695 AN, 20 janvier 2003, cons. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, Journal officiel du 28 janvier 2003, page 1680)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.8. Griefs qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve

Le requérant soutient que les candidatures de MM. S. et D. auraient été suscitées et financées par le candidat élu afin d'affaiblir la position de son principal concurrent et que ces candidatures constitueraient une manœuvre ayant permis au candidat élu d'avoir recours, pour les besoins de sa campagne, à des moyens de propagande électorale dont les dépenses ne sont pas retracées dans son propre compte de campagne, en violation du principe de l'unicité du compte de campagne prévu par l'article L. 52-5 du code électoral. Il n'assortit ce grief d'aucun commencement de preuve et son argumentation repose exclusivement sur des suppositions tirées de l'existence de relations personnelles ou professionnelles entre M. S et le candidat élu, ou encore de l'existence de thèmes de campagne électorale communs à ce dernier et à MM. S. et D. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir été informée du grief ainsi soulevé devant le Conseil constitutionnel et procédé à une instruction afin d'en apprécier le bien-fondé, a approuvé les comptes dont la régularité est mise en cause. Aucun des faits allégués ne permet d'établir l'existence d'une fraude. Dès lors, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande du requérant de consulter les comptes de campagne des candidats mis en cause, le grief doit être écarté.

(2002-2633/2695 AN, 20 janvier 2003, cons. 9, 10, 11, 12, Journal officiel du 28 janvier 2003, page 1680)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
  • 8.3.10.3.9. Demande de consultation d'un compte de campagne

Le requérant soutient que les candidatures de MM. S. et D. auraient été suscitées et financées par le candidat élu afin d'affaiblir la position de son principal concurrent et que ces candidatures constitueraient une manœuvre ayant permis au candidat élu d'avoir recours, pour les besoins de sa campagne, à des moyens de propagande électorale dont les dépenses ne sont pas retracées dans son propre compte de campagne, en violation du principe de l'unicité du compte de campagne prévu par l'article L. 52-5. Il n'assortit ce grief d'aucun commencement de preuve et son argumentation repose exclusivement sur des suppositions tirées de l'existence de relations personnelles ou professionnelles entre M. S et le candidat élu, ou encore de l'existence de thèmes de campagne électorale communs à ce dernier et à MM. S. et D. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir été informée du grief ainsi soulevé devant le Conseil constitutionnel et procédé à une instruction afin d'en apprécier le bien-fondé, a approuvé les comptes dont la régularité est mise en cause. Aucun des faits allégués ne permet d'établir l'existence d'une fraude. Dès lors, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande du requérant de consulter les comptes de campagne des candidats mis en cause, le grief doit être écarté.

(2002-2633/2695 AN, 20 janvier 2003, cons. 9, 10, 11, 12, Journal officiel du 28 janvier 2003, page 1680)
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