Décision n° 2002-2755/2756 AN du 19 décembre 2002
Le Conseil constitutionnel,
Vu 1 ° la requête n° 2002-2755 présentée par M. Siliako LAUHEA, demeurant à Teesi (Wallis et Futuna), enregistrée le 25 juin 2002 auprès des services de l'administrateur supérieur du territoire des îles Wallis et Futuna et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la circonscription des îles Wallis et Futuna pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. Victor BRIAL, député, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 9 août et 2 décembre 2002 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. LAUHEA, enregistré auprès des services de l'administrateur supérieur du territoire des îles Wallis et Futuna le 7 octobre 2002 ;
Vu les observations du ministre de l'outre-mer, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 1er août 2002 ;
Vu 2 ° la requête n° 2002-2756 présentée par M. Penisio TIALETAGI, demeurant à Mata-Hutu (Wallis et Futuna), enregistrée le 27 juillet 2002 auprès des services de l'administrateur supérieur du territoire des îles Wallis et Futuna et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. BRIAL, député, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 9 août 2002 ;
Vu les observations du ministre de l'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 1er août 2002 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, notamment son article L. 388 ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
- Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs des requêtes :
2. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 64 du code électoral : « Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même » ; que le législateur a entendu, en instituant cette formalité substantielle, assurer l'authentification du suffrage de l'électeur se trouvant dans l'impossibilité de signer lui-même la liste d'émargement, tout en laissant à celui-ci une pleine liberté de choix quant à la désignation de l'électeur devant la signer à sa place ; que toute restriction à cette liberté méconnaîtrait tant la disposition précitée que le droit au suffrage ;
3. Considérant que, lors du scrutin du 16 juin 2002, 7 490 électeurs ont participé au vote ; qu'ainsi que le relève M. TIALETAGI, 52 électeurs ont apposé, en face de leur nom, une simple croix, qui ne saurait être assimilée à un paraphe ou à une signature ; que, face aux noms de 44 autres électeurs, était apposée la mention « ne peut signer » non accompagnée de la signature d'un autre électeur ; qu'ainsi, 96 suffrages ont été exprimés dans des conditions non conformes à l'article L. 64 précité du code électoral ;
4. Considérant que le défaut d'émargement mentionné ci-dessus a été le fait d'un pour cent environ des votants ; que, dès lors, il ne peut plus être soutenu que les personnes se trouvant dans l'impossibilité de signer ne pouvaient désigner un électeur en mesure d'attester de cette impossibilité en émargeant à leur place conformément aux dispositions précitées de l'article L. 64 du code électoral ; que, par suite, les suffrages en cause ne peuvent être tenus pour régulièrement exprimés ;
5. Considérant que l'élection de M. BRIAL a été acquise avec une avance de 58 suffrages, inférieure aux 96 suffrages irrégulièrement exprimés ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler les opérations électorales contestées,
Décide :
Article premier :
Les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 juin 2002 dans la circonscription des îles Wallis et Futuna pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale sont annulées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, à Monsieur Victor BRIAL et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
Journal officiel du 27 décembre 2002, page 21800
Recueil, p. 564
ECLI : FR : CC : 2002 : 2002.2755.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
- 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
8.3.6.4.10.4. Signatures
L'article L. 64 du code électoral a pour objet d'assurer l'authentification du suffrage de l'électeur se trouvant dans l'impossibilité de signer lui-même la liste d'émargement, tout en laissant à celui-ci une pleine liberté de choix quant à la désignation de l'électeur devant la signer à sa place. 52 électeurs ont apposé, en face de leur nom, une simple croix, qui ne saurait être assimilée à un paraphe ou à une signature. Face aux noms de 44 autres électeurs, était apposée la mention " ne peut signer " non accompagnée de la signature d'un autre électeur. Ainsi, 96 suffrages ont été exprimés dans des conditions non conformes à l'article L. 64 du code électoral. Le défaut d'émargement mentionné ci-dessus a été le fait de 1 % environ des votants. Dès lors, il ne peut plus être soutenu que les personnes se trouvant dans l'impossibilité de signer ne pouvaient désigner un électeur en mesure d'attester de cette impossibilité en émargeant à leur place. Les suffrages en cause ne peuvent être tenus pour régulièrement exprimés. Annulation de l'élection acquise avec une avance de 58 suffrages, inférieure aux 96 suffrages irrégulièrement exprimés.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.1. Annulation de certains votes
8.3.11.3.1.2. Opérations électorales
96 suffrages ont été exprimés dans des conditions non conformes à l'article L. 64 du code électoral. Annulation de l'élection acquise avec une avance de 58 suffrages.