Décision

Décision n° 2002-2739 AN du 5 décembre 2002

A.N., Meurthe-et-Moselle (7ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Jean-Paul DURIEUX, demeurant à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), enregistrée à la préfecture du département de Meurthe-et-Moselle le 27 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 7ème circonscription du département de Meurthe-et-Moselle pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les mémoires en défense présentés par M. Édouard JACQUE, député, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 29 juillet et 25 octobre 2002 ;

Vu les mémoires en réplique de M. DURIEUX, enregistrés comme ci-dessus les 9, 11 septembre et 2 décembre 2002 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 19 septembre 2002 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 10 octobre 2002, approuvant après réformation le compte de campagne de M. JACQUE ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 38, alinéa 2 ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS À LA CAMPAGNE ÉLECTORALE :

1. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de deux procès-verbaux de constat du 28 février et du 6 juin 2002, que la commune de Lexy a fait implanter sur son territoire un panneau publicitaire en bordure de la R.N. 18, sur lequel était inscrit : « Ici, M. DURIEUX s'oppose à la création d'emplois » ; que deux autres panneaux publicitaires de taille comparable mais sans indication d'origine y ont été implantés ultérieurement, sur lesquels était inscrit « Ici, M. DURIEUX refuse la création de 18 emplois » ; que ces inscriptions faisaient suite à un désaccord entre M. ALLIERI, maire de Lexy, favorable depuis fin 1998 à un projet de zone commerciale sur le territoire de sa commune, et M. DURIEUX, maire de Longwy et président de la communauté de communes de l'agglomération de Longwy, qui s'est opposé à ce projet en contestant à la fois l'avis favorable donné par la commission départementale d'équipement commercial et le permis de construire délivré par le maire de Lexy ; que la presse locale s'est régulièrement fait l'écho des divergences entre les deux élus ; qu'ainsi, si critiquable que soit le procédé utilisé, celui-ci n'a pas apporté d'éléments nouveaux au débat électoral ; qu'au demeurant, alors que M. DURIEUX avait connaissance, dès le 28 février 2002, de l'existence du premier panneau, il s'est abstenu d'engager toute action de droit devant les autorités administratives et juridictionnelles compétentes ; qu'en outre, il a disposé, dans le cadre de la campagne électorale, du temps nécessaire pour répondre aux accusations dirigées contre lui ; qu'il a d'ailleurs, quelques jours avant le premier tour de scrutin, fait diffuser un tract à cet effet dans les communes concernées ainsi que dans les communes limitrophes ; que, dans ces conditions, l'apposition de ces panneaux ne peut être regardée comme ayant modifié l'issue du scrutin ;

2. Considérant, en second lieu, que, si M. DURIEUX soutient que la diffusion d'une lettre-circulaire, rédigée par le maire de la commune de Villers-la-Montagne sur papier à en-tête de la mairie et appelant à voter pour M. JACQUE, constitue un abus de propagande, ce grief a été invoqué pour la première fois dans un mémoire complémentaire enregistré le 11 septembre 2002 ; qu'il constitue ainsi un grief nouveau présenté hors du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'il est, par suite, irrecevable ;

- SUR LES GRIEFS RELATIFS AU FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE DE M. JACQUE :

3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

4. Considérant que les panneaux susmentionnés ne comportent aucune référence à l'élection ni aucune mention de soutien à la candidature de M. JACQUE ; que celui-ci nie toute participation directe ou indirecte à leur mise en place ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les panneaux aient été implantés avec son accord ; que, dès lors, il ne peut être regardé comme ayant bénéficié d'un don d'une personne morale, prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'il n'avait pas non plus à inscrire les dépenses correspondantes dans son compte de campagne ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête susvisée doit être rejetée,

Décide :
Article premier :
La requête de M. Jean-Paul DURIEUX est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 12 décembre 2002, page 20528
Recueil, p. 528
ECLI : FR : CC : 2002 : 2002.2739.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.17. Irrégularités diverses de propagande

La présence en bordure d'une route nationale de trois panneaux, dont un a été installé par la commune de L. plus de trois mois avant l'élection et sur lesquels étaient inscrits des slogans hostiles à M. D., candidat battu au second tour de 147 voix, n'a pas été regardée en l'espèce comme ayant modifié l'issue du scrutin. En effet, ces inscriptions faisaient suite à un désaccord entre le maire de L. et M. D., maire d'une commune voisine et président d'une communauté de communes, et dont la presse locale s'était régulièrement fait l'écho. Ainsi, le procédé utilisé, pour critiquable qu'il soit, n'a pas apporté d'éléments nouveaux au débat électoral. Au demeurant, alors que M. D. avait connaissance, dès le 28 février 2002, de l'existence du premier panneau, il s'est abstenu d'engager toute action de droit devant les autorités administratives et juridictionnelles compétentes. En outre, il a disposé, dans le cadre de la campagne électorale, du temps nécessaire pour répondre aux accusations dirigées contre lui et a pu, quelques jours avant le premier tour de scrutin, faire diffuser un tract à cet effet dans les communes concernées ainsi que dans les communes limitrophes.

(2002-2739 AN, 05 décembre 2002, cons. 1, Journal officiel du 12 décembre 2002, page 20528)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.3. Absence de don ou d'avantage

N'ont pas été regardées comme un don d'une personne morale au candidat élu les dépenses occasionnées par l'installation de panneaux, sur lesquels étaient inscrits des slogans hostiles au candidat battu au second tour mais qui ne comportaient aucune référence à l'élection ni aucune mention de soutien au candidat élu, dès lors que celui-ci niait toute participation directe ou indirecte à leur mise en place et qu'il ne résultait pas non plus de l'instruction que ces panneaux aient été implantés avec son accord.

(2002-2739 AN, 05 décembre 2002, cons. 4, Journal officiel du 12 décembre 2002, page 20528)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Le grief tiré de la diffusion d'une lettre circulaire, rédigée par le maire d'une commune sur papier à en-tête de la mairie et appelant à voter pour un des deux candidats présents au second tour a été invoqué pour la première fois dans un mémoire en réplique enregistré hors du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Ce grief est irrecevable alors même qu'un autre grief relatif à la propagande électorale avait été présenté dans le délai de recours.

(2002-2739 AN, 05 décembre 2002, cons. 2, Journal officiel du 12 décembre 2002, page 20528)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.5. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat en raison des circonstances particulières de l'élection
  • 8.3.11.1.5.3. Propagande

La présence en bordure d'une route nationale de trois panneaux, dont un a été installé par la commune de L. plus de trois mois avant l'élection et sur lesquels étaient inscrits des slogans hostiles à M. D., candidat battu au second tour de 147 voix, n'a pas été regardée en l'espèce comme ayant modifié l'issue du scrutin. En effet, ces inscriptions faisaient suite à un désaccord entre le maire de L. et M. D., maire d'une commune voisine et président d'une communauté de communes, et dont la presse locale s'était régulièrement fait l'écho. Ainsi, le procédé utilisé, pour critiquable qu'il soit, n'a pas apporté d'éléments nouveaux au débat électoral. Au demeurant, alors que M. D. avait connaissance, dès le 28 février 2002, de l'existence du premier panneau, il s'est abstenu d'engager toute action de droit devant les autorités administratives et juridictionnelles compétentes. En outre, il a disposé, dans le cadre de la campagne électorale, du temps nécessaire pour répondre aux accusations dirigées contre lui et a pu, quelques jours avant le premier tour de scrutin, faire diffuser un tract à cet effet dans les communes concernées ainsi que dans les communes limitrophes.

(2002-2739 AN, 05 décembre 2002, cons. 1, Journal officiel du 12 décembre 2002, page 20528)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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