Décision n° 95-79 PDR du 26 avril 1995
Le Conseil constitutionnel,
Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ;
Vu l'article 3 de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 30 ;
Vu le décret no 64-231 du 14 mars 1964 modifié pris pour l'application de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962, notamment ses articles 26 et 27 ;
Vu le décret no 80-213 du 11 mars 1980 modifié fixant, pour les départements et territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les modalités d'application ou d'adaptation du décret du 14 mars 1964, notamment son article 13 ;
Vu la loi organique no 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
Vu le décret no 76-950 du 14 octobre 1976 modifié portant application de la loi organique du 31 janvier 1976, notamment son article 44 ;
Vu le décret no 95-285 du 10 mars 1995 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ;
Vu le code électoral ;
Vu pour l'ensemble des départements, Mayotte, la Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes ;
Vu les résultats complets adressés au Conseil constitutionnel, par télécopie, par les commissions de recensement de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna ;
Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 5 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations présentées par des électeurs mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;
Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ;
Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;
Les rapporteurs ayant été entendus ; Après avoir opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ;
Sur les opérations électorales dans certains départements :
1. Considérant que dans le bureau de vote de la commune de Villers-Bocage (Calvados) dans lequel 1 517 suffrages ont été exprimés, il a été fait usage d'une urne en bois en violation des dispositions de l'article L. 63 du code électoral en vertu desquelles l'urne électorale est transparente ; que par suite les résultats du scrutin doivent être annulés dans le bureau considéré
2. Considérant qu'il résulte des articles L. 62 et L. 63 du code électoral qu'il ne peut être mis à la disposition des électeurs qu'une seule urne par bureau de vote ; que par suite c'est en violation de ces prescriptions que deux urnes ont été mises à la disposition des électeurs dans l'unique bureau de vote de la commune d'Arnay-le-Duc (Côte-d'Or) dans lequel 895 suffrages ont été exprimés ; que, de surcroît, l'intervention du magistrat délégué du Conseil constitutionnel est restée sans effet ; qu'il y a donc lieu d'annuler les résultats du bureau en cause ;
3. Considérant qu'au nombre des suffrages tenus pour irréguliers par le 1er bureau de la commune de Saint-Germain-lès-Arpajon (Essonne), mais rétablis par la commission départementale de recensement des votes, figurent 10 bulletins au nom de M. Robert Hue, contenus dans des enveloppes non conformes aux prescriptions de l'article L. 60 du code électoral, en vertu desquelles le vote des électeurs a lieu sous une enveloppe fournie par l'administration et dont la couleur doit être différente de celle utilisée lors de la précédente consultation générale, dispositions dont la méconnaissance est sanctionnée par l'article L. 66 du même code ; que le procès-verbal ne porte pas la mention prévue par le dernier alinéa de l'article L. 60 selon laquelle des enveloppes réglementaires auraient fait défaut ; qu'en revanche, il comporte une observation aux termes de laquelle le dénombrement des émargements n'a pas été effectué avant l'ouverture de l'urne, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 65 du même code ; que, d'ailleurs, le nombre total des enveloppes trouvées dans l'urne ne correspond pas exactement à celui des émargements ; qu'eu égard à cette succession d'irrégularités, il y a lieu de diminuer de 10 le nombre des suffrages exprimés attribués à M. Hue ainsi que le nombre total des suffrages exprimés ;
4. Considérant que dans les bureaux de vote no 1, no 2, no 4, no 6, no 7 et no 8 de la commune d'Issoudun (Indre) dans lesquels 5 296 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au contrôle de l'identité des électeurs pendant toute la durée des opérations électorales, en violation des dispositions des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel ; que, compte tenu de la persistance des bureaux de vote à ne pas appliquer les dispositions susvisées après l'intervention de ce magistrat, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de s'assurer de la sincérité du scrutin ; que par suite il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans les bureaux en cause ;
5. Considérant que dans les quatre bureaux de la commune de Feurs (Loire), dans lesquels 3 782 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé régulièrement pendant toute la journée au contrôle de l'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel ; que le maire de la commune a fait obstruction à l'accomplissement par ce magistrat de la mission de vérification qui lui incombait ; qu'eu égard à cette méconnaissance délibérée de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans les bureaux en cause ;
6. Considérant que dans l'ensemble des bureaux de la commune d'Avranches (Manche), dans lesquels 4 543 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au contrôle de l'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité a été momentanément corrigée à la demande du magistrat délégué du Conseil constitutionnel mais qu'elle s'est reproduite après le départ de celui-ci ; qu'à la suite d'une nouvelle visite du délégué, le maire de la commune a fait obstruction à l'accomplissement par ce magistrat de la mission de vérification qui lui incombait ; qu'eu égard à cette méconnaissance délibérée de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans les bureaux en cause ;
7. Considérant que dans la commune de Brêmes-lès-Ardres (Pas-de-Calais), où sont inscrits 880 électeurs, le bureau de vote a mis à la disposition de 89 d'entre eux qui se sont présentés pendant la seule période comprise entre 12 h 40 et 14 heures, des enveloppes électorales de modèles non réglementaires quant à leur couleur, leur format ou les mentions qu'elles comportaient ; que le bureau de vote a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 60 du code électoral ; que cette méconnaissance, sanctionnée par l'article L. 66 du même code, ne permet pas au Conseil constitutionnel de s'assurer de la sincérité du scrutin ; qu'il y a donc lieu d'annuler les résultats du scrutin dans la commune de Brêmes-lès-Ardres ;
8. Considérant que, pour tout bureau de vote où le nombre des émargements était inférieur au nombre de bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne, la commission de recensement du Pas-de-Calais a décidé de retrancher du nombre de suffrages obtenu par chaque candidat, pour autant que le nombre de suffrages portés sur son nom le permettait, un nombre de voix égal à la différence constatée, soit 65 ; que cette opération a eu pour conséquence d'annuler 572 suffrages régulièrement exprimés ; qu'il y a donc lieu de rectifier les résultats issus des travaux de la commission et de majorer le résultat de chacun des candidats du nombre de suffrages dont la décision de la commission l'avait privé
9. Considérant que, dans les bureaux de vote no 7 et no 8 de la commune d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), dans lesquels 1 163 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au contrôle de l'identité des électeurs jusqu'aux environs de midi, en violation des dispositions des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; qu'il a fallu, après un premier rappel à l'ordre effectué vainement par le délégué de la commission de contrôle, l'intervention du président de cette commission pour qu'il soit mis fin à l'anomalie constatée ; que, compte tenu de la persistance du bureau de vote à ne pas appliquer les dispositions susvisées après la première intervention effectuée, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de s'assurer de la sincérité du scrutin ; que, par suite, les résultats de celui-ci doivent être annulés dans les deux bureaux considérés ;
Sur l'ensemble des résultats du scrutin :
10. Considérant qu'aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin,
Déclare :
Article premier :
Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé le 23 avril 1995, sont les suivants :
Electeurs inscrits : 39 992 912
Votants : 31 345 794
Suffrages exprimés : 30 462 633
Majorité absolue : 15 231 317
Ont obtenu :
M. Philippe de Villiers : 1 443 186
M. Jean-Marie Le Pen : 4 570 838
M. Jacques Chirac : 6 348 375
Mme Arlette Laguiller : 1 615 552
M. Jacques Cheminade : 84 959
M. Lionel Jospin : 7 097 786
Mme Dominique Voynet : 1 010 681
M. Edouard Balladur : 5 658 796
M. Robert Hue : 2 632 460
Article 2 :
La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues au décret du 14 mars 1964 susvisé.
Article 3 :
La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 25 et 26 avril 1995, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, président, Etienne Dailly, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
R. DUMAS
A n° N E X E Présentation détaillée des résultats du premier tour de l'élection présidentielle : voir JO du 14 mai 1995, p. 8152 à 8157Journal officiel du 27 avril 1995, page 6503
Recueil, p. 55
ECLI : FR : CC : 1995 : 95.79.PDR
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
- 8.1.5. Sincérité, loyauté et dignité du scrutin
- 8.1.5.2. Applications du principe de sincérité du scrutin
8.1.5.2.1. Principe de sincérité du scrutin appliqué à l'élection présidentielle (exemples)
Dans la commune de B. le bureau de vote a mis à la disposition des électeurs qui se sont présentés pendant la seule période comprise entre 12 h 40 et 14 heures, des enveloppes électorales de modèle non réglementaire quant à leur couleur, leur format ou les mentions qu'elles comportaient. Le bureau a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 60 du code électoral. Cette méconnaissance, sanctionnée par l'article L. 66 du même code, ne permet pas au Conseil constitutionnel de s'assurer de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler les résultats du scrutin dans la commune en cause.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
8.2.5.3.1. Contrôle de l'identité des électeurs
Il n'a pas été procédé, dans certains bureaux de vote, au contrôle d'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral et cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le délégué du Conseil constitutionnel. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
8.2.5.3.7. Irrégularités diverses
Bulletins, tous au nom du même candidat, contenus dans des enveloppes non conformes alors qu'aucune mention selon laquelle des enveloppes réglementaires auraient fait défaut ne figure au procès-verbal. Il n'a pas été procédé au dénombrement des émargements avant l'ouverture de l'urne et le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne diffère de celui des émargements. Annulation des 10 bulletins en cause.
Dans la commune de B. le bureau de vote a mis à la disposition des électeurs qui se sont présentés pendant la seule période comprise entre 12 h 40 et 14 heures, des enveloppes électorales de modèle non réglementaire quant à leur couleur, leur format ou les mentions qu'elles comportaient. Le bureau a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 60 du code électoral. Cette méconnaissance, sanctionnée par l'article L. 66 du même code, ne permet pas au Conseil constitutionnel de s'assurer de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler les résultats du scrutin dans la commune en cause.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.4. Dépouillement
8.2.5.4.2. Discordance entre émargements et bulletins
Pour tout bureau où le nombre des émargements était inférieur au nombre de bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne, la commission de recensement a décidé de retrancher du nombre de suffrage obtenu par chaque candidat, pour autant que le nombre de suffrages portés sur son nom le permettait, un nombre de voix égal à la différence constatée, soit 65. Cette opération a eu pour conséquence d'annuler 572 suffrages régulièrement exprimés. Il y a donc lieu de rectifier les résultats issus des travaux de la commission et de majorer le résultat de chacun des candidats du nombre de suffrages dont la décision de la commission l'avait privé.