Décision n° 93-1367 AN du 4 novembre 1993
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Jean-Christophe Lagarde, demeurant à Drancy (Seine-Saint-Denis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 5e circonscription du département de la Seine-Saint-Denis pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Claude Gayssot, député, enregistré comme ci-dessus le 23 avril 1993 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 19 mai 1993 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Lagarde, enregistré comme ci-dessus le 20 octobre 1993 ;
Vu l'avis de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 13 juillet 1993 approuvant après réformation le compte de campagne de M. Gayssot ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.O. 186-1 du code électoral :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L.O. 186-1 du code électoral : « Ainsi qu'il est dit à l'article 41-1 de l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958, le conseil, si l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128, prononce son inéligibilité conformément à cet article et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, annule son élection » et qu'aux termes de l'article L.O. 128 : « Est inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé l'une des déclarations prévues à l'article L.O. 135-1. Est également inéligible pendant un an à compter de l'élection celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. Peut également être déclaré inéligible, pour la même durée, celui qui a dépassé le plafond des dépenses électorales tel qu'il résulte de l'article L. 52-11 »
2. Considérant que M. Lagarde soutient que les dépenses du compte de campagne de M. Gayssot auraient en réalité dépassé le plafond autorisé de 500 000 F en raison du défaut de prise en compte ou de la sous-évaluation de diverses dépenses et qu'il y aurait lieu dès lors, pour le juge électoral, de constater l'inéligibilité de M. Gayssot et d'annuler son élection ;
3. Considérant que le compte de campagne de M. Gayssot a été arrêté en dépenses par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à un montant de 337 513 F ;
En ce qui concerne la prise en compte des journaux municipaux de Drancy et Bobigny :
4. Considérant que les journaux municipaux de Drancy et de Bobigny sont des publications à caractère périodique ; que si ces publications ont continué, dans les mois précédant l'élection, à rendre compte des activités de M. Gayssot, en sa qualité de député, les informations ainsi diffusées, très limitées en importance, étaient consacrées pour l'essentiel aux interventions de ce dernier liées aux affaires d'intérêt municipal des villes concernées ; qu'ainsi leur coût ne peut être intégré dans les dépenses faites directement au profit du candidat ;
En ce qui concerne la prise en compte d'autres dépenses électorales :
5. Considérant qu'il résulte des éléments du dossier que M. Gayssot n'a pas fait figurer à son compte de campagne certaines dépenses afférentes tant à divers documents, qui ont un caractère de propagande électorale qu'à certains frais engagés à l'occasion de réunions électorales ; que, toutefois, il apparaît que la prise en compte de ces dépenses évaluées sur la base des coûts habituellement pratiqués en la matière ne saurait conduire à un dépassement par M. Gayssot du plafond des dépenses électorales ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.O. 186-1 du code électoral doivent être écartées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales :
En ce qui concerne le grief tiré d'irrégularités dans le déroulement du deuxième tour de scrutin :
6. Considérant que si le requérant fait valoir que cinq électeurs auraient constaté que la feuille d'émargement était déjà signée en face de leur nom lorsqu'ils se sont présentés pour émarger, un seul cas se trouve établi, mentionné d'ailleurs au procès-verbal ; qu'il résulte de ce procès-verbal qu'il s'agissait d'une erreur matérielle de la part de l'électeur inscrit sur la liste électorale immédiatement après l'électeur concerné que le grief doit dès lors être écarté
En ce qui concerne les griefs tirés de l'influence qu'auraient exercée sur les résultats du second tour de scrutin diverses irrégularités commises à l'occasion du premier tour :
7. Considérant que M. Lagarde soutient que les opérations du premier tour ont été affectées de diverses irrégularités qui auraient eu pour effet de modifier le classement entre M. Personnaz, arrivé en deuxième position derrière M. Gayssot avec 6 723 voix, et lui-même qui a obtenu 6 704 voix, soit moins de 12,5 p. 100 du nombre des électeurs inscrits, chiffre qui s'établit à 6 763 suffrages, et qu'il a été ainsi privé de se présenter au deuxième tour de scrutin ;
8. Considérant que l'envoi de lettres circulaires en faveur de la candidature de M. Gayssot, d'une part, par les maires des communes de Drancy et de Bobigny, d'autre part, par le président de l'office public d'H.L.M. de Drancy était, eu égard au contenu de ces documents, de nature à affecter les résultats du premier tour par une modification de l'ordre de classement respectivement de MM. Lagarde et Personnaz ;
9. Considérant que, toutefois, compte tenu de la répartition des suffrages au premier tour du scrutin et eu égard au très important écart de voix qui séparait, à l'issue du second tour de scrutin, M. Gayssot qui a obtenu 19 952 voix, de M. Personnaz qui a obtenu 11 245 voix, lesdites irrégularités, pour regrettables qu'elles soient, ne peuvent être regardées comme de nature à avoir pu exercer une influence déterminante sur le résultat de l'élection ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. Lagarde tendant à l'annulation des opérations électorales doivent être rejetées,
Décide :
Article premier :
La requête de M. Jean-Christophe Lagarde est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 novembre 1993, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
Robert BADINTERJournal officiel du 14 novembre 1993, page 15746
Recueil, p. 455
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1367.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.8. Lettres
- 8.3.3.8.1. Envoi ou diffusion de lettres en faveur de candidats
8.3.3.8.1.3. Lettres d'élus locaux
L'envoi de lettres circulaires en faveur de la candidature de l'élu, d'une part, par les maires des communes de D. et de B., d'autre part, par le président de l'office public d'habitations à loyer modéré de D. était, eu égard au contenu de ces documents, de nature à affecter les résultats du premier tour par une modification de l'ordre de classement des deux candidats arrivés en tête. Toutefois, eu égard à la répartition des suffrages du premier tour et au très important écart des voix du second tour (plus de 8 600), ces irrégularités, pour regrettables qu'elles soient, ne peuvent être regardées comme de nature à avoir pu exercer une influence déterminante sur le résultat de l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
- 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
8.3.5.5.2.6. Réunions
Il résulte des éléments du dossier que l'élu n'a pas fait figurer à son compte de campagne certaines dépenses afférentes tant à divers documents, qui ont un caractère de propagande électorale qu'à certains frais engagés à l'occasion de réunions électorales. Toutefois la prise en compte de ces dépenses évaluées sur la base des coûts habituellement pratiqués en la matière, ne saurait conduire à un dépassement du plafond des dépenses électorales de l'intéressé.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
8.3.5.5.3. Dépenses n'ayant pas à figurer dans le compte
Des journaux municipaux à caractère périodique ont continué, dans les mois précédant l'élection, à rendre compte des activités de l'élu, en sa qualité de député. Les informations ainsi diffusées, très limitées en importance, étaient consacrées pour l'essentiel aux interventions de ce dernier liées aux affaires d'intérêt municipal des villes concernées. Leur coût ne peut être intégré dans les dépenses faites directement à son profit.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
- 8.3.6.4.10. Listes d'émargement
8.3.6.4.10.5. Omission ou erreur purement matérielle
Le requérant fait valoir que 5 électeurs auraient constaté que la feuille d'émargement était déjà signée en face de leur nom lorsqu'ils se sont présentés pour émarger. Un seul cas se trouve établi, mentionné d'ailleurs au procès-verbal. Il résulte de ce procès-verbal qu'il s'agissait d'une erreur matérielle de la part de l'électeur inscrit sur la liste électorale immédiatement après l'électeur concerné. Grief écarté.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
- 8.3.11.1.4. Irrégularités au premier tour sans incidence sur la situation des candidats pour le second
8.3.11.1.4.2. Propagande
L'envoi de lettres circulaires en faveur de la candidature de l'élu, d'une part, par les maires de deux communes, d'autre part, par le président de l'office public d'habitations à loyer modéré. d'une de ces communes était, eu égard au contenu de ces documents, de nature à affecter les résultats du premier tour par une modification de l'ordre de classement des deux candidats arrivés en tête. Toutefois, eu égard à la répartition des suffrages du premier tour et au très important écart des voix du second tour (plus de 8 600), ces irrégularités, pour regrettables qu'elles soient, ne peuvent être regardées comme de nature à avoir pu exercer une influence déterminante sur le résultat de l'élection.