Décision n° 93-1335 AN du 21 octobre 1993
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Harry Marguerites demeurant à Saint-Raphaël (Var), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 8e circonscription des Hauts-de-Seine pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Jacques Guillet, enregistré comme ci-dessus le 23 avril 1993 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 22 juin 1993 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Marguerites a déposé à la préfecture, dans les délais légaux, sa candidature pour l'élection législative qui s'est déroulée les 21 et 28 mars 1993 dans la 8e circonscription des Hauts-de-Seine ; que les bulletins de vote en sa faveur, diffusés par les soins de la commission de propagande, instituée en application de l'article L. 166 du code électoral portaient la mention « Génération verte » que l'un de ses adversaires au premier tour de scrutin, M. Guy Konopnicki, estimant que l'utilisation de cette dénomination ainsi que le graphisme employé sur lesdits bulletins de vote étaient de nature à entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs entre le mouvement « Génération écologie » qui lui apportait son soutien, et l'étiquette politique choisie par M. Marguerites, a saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir que soient retirés les bulletins de vote litigieux et qu'il soit interdit à M. Marguerites d'utiliser, sur tout document électoral, le titre « Génération verte » que ce magistrat ayant décliné sa compétence pour connaître d'une telle demande, la cour d'appel de Versailles, saisie par M. Konopnicki, a, par un arrêt du 19 mars 1993, interdit à M. Marguerites d'utiliser sur tout document électoral, et notamment sur les bulletins de vote, la mention « Génération verte » dans le graphisme qui avait été retenu, et a ordonné l'affichage de l'arrêt dans chaque bureau de vote et en caractères apparents ;
2. Considérant que M. Marguerites fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l'autorité judiciaire, qui n'avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative, l'a privé des suffrages d'un nombre important d'électeurs et a été par suite de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
3. Considérant que les décisions de la commission de propagande d'assurer la diffusion des circulaires et des bulletins de vote des candidats à une élection législative qui répondent aux conditions légales, en application des dispositions combinées des articles L. 166, R. 34 et R. 38 du code électoral, constituent des actes préliminaires aux opérations électorales qui, en l'état de la législation, ne peuvent être contestés que devant le Conseil constitutionnel, juge de l'élection, à l'occasion du contentieux des opérations électorales ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser une dénomination figurant sur les bulletins de vote diffusés par la commission de propagande ou de faire obstacle directement ou indirectement à l'utilisation de ces bulletins par les électeurs ;
4. Considérant toutefois que l'utilisation de la dénomination « Génération verte » était de nature à susciter la confusion, dans l'esprit des électeurs, avec les dénominations « Génération Ecologie » et « Les Verts » déjà utilisées ; que ce risque de confusion était encore aggravé par le choix du graphisme employé sur les documents électoraux ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'intervention de l'arrêt susmentionné ne saurait avoir eu pour effet d'altérer la sincérité du scrutin ; qu'il suit de là que l'unique grief de la requête doit être écarté,
Décide :
Article premier :
La requête de M. Harry Marguerites est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 octobre 1993 où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA et Jacques ROBERT.
Le président,
Robert BADINTERJournal officiel du 31 octobre 1993, page 15129
Recueil, p. 420
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1335.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
8.3.6.8.3.2. Mentions
Rédaction de bulletins " Génération verte " étant de nature, par l'appellation choisie, à susciter la confusion avec d'autres dénominations, ce risque de confusion étant aggravé par l'usage du graphisme des bulletins et documents électoraux.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.1.1. Décisions préliminaires
Il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de connaître des contestations des décisions de la commission de propagande relatives à la diffusion des bulletins de vote, à leur dénomination et à leur graphisme. L'autorité judiciaire n'a pas compétence pour intervenir dans le déroulement de ces opérations préliminaires.