Décision

Décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992

Traité sur l'Union européenne
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 11 mars 1992, par le Président de la République, conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, l'autorisation de ratifier le traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 doit être précédée d'une révision de la Constitution ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18, alinéa 2, 19 et 20 ;

Vu la loi n° 52-387 du 10 avril 1952 autorisant à ratifier le traité signé à Paris le 18 avril 1951 et instituant une Communauté européenne du charbon et de l'acier, ensemble le décret n° 52-993 du 20 août 1952 portant publication de ce traité ;

Vu la loi n° 57-880 du 2 août 1957 autorisant à ratifier : 1 ° Le traité instituant une Communauté économique européenne et ses annexes ;

2 ° Le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique ;

3 ° La convention relative à certaines institutions communes aux communautés européennes, signés à Rome le 25 mars 1957, ensemble le décret n° 58-84 du 28 janvier 1958 portant publication de ces engagements internationaux ;

Vu la loi n° 65-506 du 30 juin 1965 autorisant la ratification du traité instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes, du protocole, de l'acte final et des annexes signés le 8 avril 1965, ensemble le décret n° 67-606 du 28 juillet 1967 portant publication de ces engagements internationaux ;

Vu la loi n° 70-583 du 8 juillet 1970 autorisant l'approbation de la décision du Conseil des communautés européennes du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux communautés, ensemble le décret n° 71-168 du 26 février 1971 portant publication de cette décision ;

Vu la loi n° 70-584 du 8 juillet 1970 autorisant la ratification du traité portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes, ensemble le décret n° 71-169 du 26 février 1971 portant publication de ce traité ;

Vu la loi n° 72-339 du 3 mai 1972 autorisant la ratification du traité, signé à Bruxelles le 22 janvier 1972, relatif à l'adhésion à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l'énergie atomique de nouveaux Etats, ensemble le décret du 5 avril 1972 décidant de soumettre un projet de loi au référendum ;

Vu la loi n° 77-710 du 5 juillet 1977 autorisant la ratification du traité portant modification de certaines dispositions du protocole sur le statut de la Banque européenne d'investissement ;

Vu la loi n° 76-1196 du 24 décembre 1976 autorisant la ratification du traité du 22 juillet 1975 portant modification de certaines dispositions financières des traités instituant les communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des communautés européennes ;

Vu la loi n° 77-680 du 30 juin 1977 autorisant l'approbation des dispositions annexées à la décision du Conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976 et relatives à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes au suffrage universel direct, ensemble le décret n° 79-92 du 30 janvier 1979 portant publication ;

Vu la loi n° 79-1112 du 22 décembre 1979 autorisant la ratification du traité d'adhésion de la République hellénique à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l'énergie atomique, ensemble le décret n° 81-35 du 2 janvier 1981 portant publication de ce traité ;

Vu la loi n° 84-1213 du 29 décembre 1984 autorisant la ratification d'un traité modifiant les traités instituant les communautés européennes ;

Vu la loi n° 85-1 du 2 janvier 1985 autorisant l'approbation de l'accord intervenu au sein du Conseil des communautés européennes les 2 et 3 octobre 1984 et portant sur le financement du budget rectificatif et supplémentaire n° 1 des communautés ;

Vu la loi n° 85-1335 du 18 décembre 1985 autorisant l'approbation de la décision du Conseil des communautés européennes du 7 mai 1985 relative au système des ressources propres des communautés ;

Vu la loi n° 85-1334 du 18 décembre 1985 autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République du Portugal à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l'énergie atomique, ensemble le décret n° 86-415 du 11 mars 1986 portant publication de ce traité ;

Vu la loi n° 86-1275 du 16 décembre 1986 autorisant la ratification de l'Acte unique européen, ensemble le décret n° 87-990 du 4 décembre 1987 portant publication de ce traité ;

Vu la loi n° 88-1253 du 30 décembre 1988 autorisant l'approbation d'une décision du Conseil des communautés européennes relative au système des ressources propres des communautés ;

Vu le décret n° 53-192 du 14 mars 1953 relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France, modifié par le décret n° 86-707 du 11 avril 1986, notamment son article 3 ;

Vu la lettre en date du 25 mars 1992 par laquelle le Président de la République précise que la saisine qu'il a effectuée « concerne l'ensemble des engagements souscrits par la France, tels qu'ils résultent du traité lui-même, des protocoles qui lui sont annexés et des déclarations de la conférence des ministres, y compris, dans la mesure où elles interprètent les stipulations du traité, celles dont la conférence a pris acte » ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

SUR LE CONTENU DE L'ENGAGEMENT INTERNATIONAL SOUMIS A L'EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :

1. Considérant que l'engagement international dont il est demandé au Conseil constitutionnel d'apprécier s'il comporte une clause contraire à la Constitution, est composé de trois séries d'éléments ;

2. Considérant, en premier lieu, que sous les articles A à S, l'engagement international institue entre les Hautes Parties Contractantes une Union européenne ; que les stipulations régissant l'Union sont réparties en sept titres distincts ; que le titre I, intitulé « Dispositions communes », comporte les articles A à F ; que le titre II rassemble sous un article G des dispositions qui ont pour objet de modifier le traité instituant la Communauté économique européenne afin d'instituer une Communauté européenne ; que sont modifiés et complétés, non seulement des articles de ce traité mais également l'intitulé de son annexe III ainsi que le protocole sur les statuts de la Banque européenne d'investissement ; que le titre III du traité sur l'Union européenne modifie et complète, à travers l'article H, le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier ; que le titre IV, par son article I, modifie et complète le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique ; que le titre V, intitulé « Dispositions concernant une politique étrangère et de sécurité commune », est composé de l'article J et des articles J.1 à J.11 ; que le titre VI relatif aux « Dispositions sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures » comprend un article K et des articles K.1 à K.9 ; que le titre VII regroupe sous l'appellation générique « Dispositions finales » les articles L à S ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les Hautes Parties Contractantes sont convenues d'annexer d'une part, seize protocoles au traité instituant la Communauté européenne et d'autre part, le protocole mentionné au point 17 aussi bien au traité sur l'Union européenne qu'aux traités instituant les Communautés européennes ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'au moment de signer les textes susmentionnés les Hautes Parties Contractantes ont adopté à Maastricht le 7 février 1992, un ensemble de trente trois déclarations ;

- SUR LE FAIT QUE LE TRAITE SUR L'UNION EUROPEENNE MODIFIE DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX ANTERIEURS :

5. Considérant que la saisine invite le Conseil constitutionnel à se prononcer « compte tenu des engagements souscrits par la France » ;

6. Considérant que dans ses titres II, III et IV, le traité sur l'Union européenne porte modification d'engagements internationaux antérieurement souscrits par la France et introduits dans son ordre juridique en vertu de l'effet conjugué de lois qui en ont autorisé la ratification et de leur publication soit au Journal officiel de la République française soit au Journal officiel des Communautés européennes, conformément à l'article 3 du décret n° 53-192 du 14 mars 1953 modifié ;

7. Considérant que le quatorzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution de 1958, proclame que la République française « se conforme aux règles du droit public international » ; qu'au nombre de celles-ci figure la règle Pacta sunt servanda qui implique que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; que l'article 55 de la Constitution de 1958 dispose, en outre, que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie » ;

8. Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel, saisi, au titre de la procédure instituée par l'article 54 de la Constitution, d'un traité qui modifie ou complète un ou plusieurs engagements internationaux déjà introduits dans l'ordre juridique interne de déterminer la portée du traité soumis à son examen en fonction des engagements internationaux que ce traité a pour objet de modifier ou compléter ;

- SUR LES NORMES DE REFERENCE DU CONTROLE INSTITUE PAR L'ARTICLE 54 DE LA CONSTITUTION :

9. Considérant que le peuple français a, par le préambule de la Constitution de 1958, proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ;

10. Considérant que dans son article 3 la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ;

11. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ;

12. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ;

13. Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure , sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;

14. Considérant toutefois qu'au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

15. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité sur l'Union européenne ;

- SUR L'EXIGENCE DE RECIPROCITE DES ENGAGEMENTS :

16. Considérant que les engagements contenus dans les stipulations soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ne prennent effet, conformément à l'article R du traité sur l'Union européenne, qu'après le dépôt du dernier instrument de ratification ; que cette exigence vaut aussi bien pour le traité lui-même que pour les protocoles qui lui sont annexés et les déclarations adoptées par les conférences des gouvernements ; qu'il suit de là que ces instruments internationaux ont le caractère d'engagements réciproques ; qu'il est ainsi satisfait à la condition de réciprocité prescrite par le quinzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ;

- SUR LA GARANTIE DES DROITS ET LIBERTES DES CITOYENS :

17. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article F du traité sur l'Union européenne : « L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire » ; que leur respect est assuré par la Cour de Justice des communautés européennes notamment à la suite d'actions engagées à l'initiative des particuliers ;

18. Considérant que les stipulations du paragraphe 2 de l'article F, conjuguées avec l'intervention des juridictions nationales statuant dans le cadre de leurs compétences respectives, sont à même de garantir les droits et libertés des citoyens ; qu'à cet égard, l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel ne porte pas atteinte aux règles et principes de valeur constitutionnelle ;

- SUR L'INSTAURATION D'UNE CITOYENNETE DE L'UNION :

19. Considérant qu'il ressort de l'article B du traité sur l'Union européenne que l'Union se donne notamment pour objectif « de renforcer la protection des droits et des intérêts des ressortissants de ses Etats membres par l'instauration d'une citoyenneté de l'Union » ; que l'article G du traité précité, modifie le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne afin d'instituer la Communauté européenne ; que, dans sa nouvelle rédaction, l'article 8 de ce dernier traité stipule qu'il est « institué une citoyenneté de l'Union » et précise qu'« est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre » ;

20. Considérant qu'au nombre des droits reconnus à un citoyen de l'Union figure, en vertu de l'article 8 B ajouté au traité instituant la Communauté européenne, le droit de vote et d'éligibilité dans l'État membre où il réside, d'une part, aux élections municipales et, d'autre part, aux élections au Parlement européen ;

. En ce qui concerne la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales :

21. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 8 B ajouté au traité instituant la Communauté européenne, « tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État » ; qu'il est prévu que ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter par le Conseil formé par un représentant de chaque État membre au niveau ministériel, statuant à l'unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; que l'article 8 B, paragraphe 1, stipule in fine que « ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient » ;

22. Considérant que les « modalités à arrêter » auront pour objet de fixer les règles applicables à l'exercice du droit de vote et d'éligibilité ; qu'au nombre de celles-ci, figurent notamment la preuve de la jouissance des droits civiques dans l'État d'origine, la durée de résidence dans l'État dont l'intéressé n'est pas le ressortissant ainsi que la prohibition de doubles inscriptions ;

23. Considérant que l'intervention de modalités à définir ultérieurement et qui peuvent inclure des dispositions dérogatoires, ne s'oppose pas à ce que le Conseil constitutionnel exerce son contrôle sur le point de savoir si la clause précitée de l'engagement international soumis à son examen, telle qu'elle est stipulée, n'énonce pas un principe qui par lui-même contrevient à une disposition de valeur constitutionnelle ;

24. Considérant que l'article 3 de la Constitution dispose dans son premier alinéa que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ; que le même article dispose, dans son troisième alinéa, que « le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret » ; qu'il est spécifié au quatrième alinéa de l'article 3 que « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques » ;

25. Considérant qu'en vertu de l'article 24 de la Constitution, le Sénat, qui est élu au suffrage indirect, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi » ; que selon le deuxième alinéa du même article « ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi » ;

26. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République ne peut procéder que d'une élection effectuée au suffrage universel ; que le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ; qu'il s'ensuit que la désignation des conseillers municipaux a une incidence sur l'élection des sénateurs ; qu'en sa qualité d'assemblée parlementaire le Sénat participe à l'exercice de la souveraineté nationale ; que, dès lors, le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution implique que seuls les « nationaux français » ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République et notamment pour celle des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris ;

27. Considérant, qu'en l'état, l'article 8 B, paragraphe 1, ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l'article G de l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel, est contraire à la Constitution ;

. En ce qui concerne la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen :

28. Considérant que le paragraphe 2 de l'article 8 B rapproché de l'article 138, paragraphe 3, maintient la possibilité d'instituer une procédure uniforme pour l'élection du Parlement européen sous réserve de son adoption par les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ;

29. Considérant que, sans préjudice de ces stipulations, l'article 8 B, paragraphe 2, dispose que : « Tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans l'État membre où il réside dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Ce droit sera exercé sous réserve des modalités à arrêter, avant le 31 décembre 1993, par le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient » ;

30. Considérant que si le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen des citoyens de l'Union européenne doit être exercé selon des modalités à définir ultérieurement et qui peuvent comprendre des dispositions dérogatoires, cette double circonstance ne fait pas obstacle à ce que, pour les motifs indiqués ci-dessus à propos du paragraphe 1 de l'article 8 B, le Conseil constitutionnel exerce son contrôle sur la clause précitée de l'engagement international soumis à son examen ;

31. Considérant qu'il ressort des dispositions combinées du quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution et des autres alinéas du même article que la règle constitutionnelle qui limite le droit de vote aux « nationaux français » ne s'impose que pour l'exercice du droit de suffrage « dans les conditions prévues par la Constitution » ;

32. Considérant que le Parlement européen a pour fondement juridique, non les termes de la Constitution de 1958, mais des engagements internationaux souscrits, sur une base de réciprocité, dans le cadre des dispositions de valeur constitutionnelle mentionnées précédemment ; qu'au demeurant, selon l'article E du traité sur l'Union européenne, le Parlement européen exerce ses attributions dans les conditions et aux fins prévues, d'une part, par les dispositions des traités instituant les Communautés européennes et des traités et actes subséquents qui les ont modifiés et complétés et, d'autre part, par les autres stipulations du traité sur l'Union européenne ; que le principe ainsi posé trouve son illustration dans les modifications apportées à l'article 4 du traité instituant la Communauté européenne, à l'article 7 du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier et à l'article 3 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, respectivement par les articles G, H et I du traité sur l'Union européenne ; qu'il est stipulé que le Parlement européen, à l'instar des autres institutions communautaires, agit « dans les limites des attributions qui lui sont conférées » par chacun des traités précités ;

33. Considérant qu'il suit de là que la reconnaissance au profit de tout citoyen de l'Union européenne, sur une base de réciprocité, du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans un État membre de la Communauté européenne où il réside, sans en être ressortissant, ne contrevient pas à l'article 3 de la Constitution ;

34. Considérant au surplus que le traité sur l'Union européenne, n'a pas pour conséquence de modifier la nature juridique du Parlement européen ; que ce dernier ne constitue pas une assemblée souveraine dotée d'une compétence générale et qui aurait vocation à concourir à l'exercice de la souveraineté nationale ; que le Parlement européen appartient à un ordre juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des différents Etats membres des Communautés, n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française ;

35. Considérant, dans ces conditions, que le paragraphe 2 de l'article 8 B ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l'article G du traité sur l'Union européenne n'est contraire à aucune règle non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle ;

- SUR L'ETABLISSEMENT D'UNE POLITIQUE MONETAIRE ET D'UNE POLITIQUE DE CHANGE UNIQUES :

36. Considérant que l'article B du traité sur l'Union européenne fait figurer au nombre des objectifs que se donne l'Union la promotion d'un progrès économique et social équilibré et durable par l'établissement en particulier d'une Union économique et monétaire comportant à terme « une monnaie unique » ; que l'article G du traité qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, modifie le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne à l'effet d'instituer la Communauté européenne, comprend plusieurs stipulations tendant à la réalisation de l'objectif précité ;

37. Considérant que la nouvelle rédaction de l'article 2 du traité de Rome intègre parmi les missions de la Communauté la réalisation d'une « union économique et monétaire » ; que l'article 3 A stipule, en son paragraphe 2, que l'action des Etats membres et de la Communauté comporte, dans les conditions et selon les rythmes et les procédures prévus par le traité, « la fixation irrévocable des taux de change conduisant à l'instauration d'une monnaie unique, l'Ecu, ainsi que la définition et la conduite d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques » ; que l'article 4 A institue, selon les procédures prévues par le traité, un Système européen de banques centrales et une Banque centrale européenne ; que les modalités de mise en oeuvre de l'action engagée dans le sens prescrit par l'article 3 A font l'objet d'un titre VI intitulé « la politique économique et monétaire », lequel est inséré dans le traité instituant la Communauté européenne ; que ce titre VI est composé de quatre chapitres consacrés respectivement à la politique économique, à la politique monétaire, à des dispositions institutionnelles et à des dispositions transitoires ;

38. Considérant qu'est prévue, dès l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, une étroite coordination des politiques économiques des Etats membres, tandis que continueront de s'appliquer les dispositions du droit communautaire relatives à la liberté de circulation des capitaux ;

39. Considérant que le 1er janvier 1994 est la date retenue pour le début de la deuxième phase de la réalisation de l'Union économique et monétaire ; que cette phase se caractérise par la prohibition de toute restriction aux mouvements de capitaux et aux paiements non seulement entre les Etats membres mais également entre ces derniers et les pays tiers, sous réserve des articles 73 C à 73 F ; qu'au cours de la deuxième phase, est en outre stipulée la prohibition du financement par voie de découverts bancaires des déficits publics, l'interdiction de principe de tout accès privilégié des autorités et entreprises publiques aux crédits des institutions financières et la mise en place de procédures tendant à ce que les Etats membres s'efforcent d'éviter les déficits publics excessifs ; que, de surcroît, au cours de la même phase, chaque État membre entame, le cas échéant, le processus conduisant à l'indépendance de sa banque centrale, conformément aux dispositions combinées des articles 109 E et 108 ; qu'enfin, pendant cette phase, chaque État membre doit, aux termes de l'article 109 M, paragraphe 1, traiter sa politique de change comme un problème d'intérêt commun ;

40. Considérant que l'entrée en vigueur de la troisième phase de l'Union économique et monétaire interviendra au plus tard le 1er janvier 1999 ; que cela résulte tant des termes du paragraphe 4 de l'article 109 J que du protocole n° 10, réserve faite des dispositions relatives au Royaume-Uni telles qu'elles sont stipulées au protocole n° 11 ; que, pour les Etats membres remplissant les conditions objectives requises, et qui ne peuvent par suite prétendre au bénéfice d'une dérogation, l'entrée dans la troisième phase entraîne en particulier la mise en oeuvre aussi bien d'une politique monétaire unique que d'une politique de change unique ;

41. Considérant que, s'agissant de la politique monétaire, il convient de relever qu'est posé par l'article 107 le principe de l'indépendance tant de la Banque centrale européenne que des banques centrales nationales, lesquelles constituent le Système européen de banques centrales ; qu'il revient à ce dernier, conformément aux dispositions combinées de l'article 105, paragraphe 2, et de l'article 3 du protocole n° 3, de « définir et mettre en oeuvre la politique monétaire de la Communauté » ; que la Banque centrale européenne (B.C.E.) est, en vertu du paragraphe 1 de l'article 105 A, « seule habilitée à autoriser l'émission de billets de banque dans la Communauté » ; que le paragraphe 2 du même article ne permet aux Etats membres d'émettre des pièces que « sous réserve de l'approbation, par la B.C.E., du volume de l'émission » ; qu'en outre, suivant le deuxième alinéa de l'article 109 G, « dès le début de la troisième phase, la valeur de l'Ecu est irrévocablement fixée, conformément à l'article 109 L, paragraphe 4 » ; que selon ce texte, le jour de l'entrée en vigueur de la troisième phase, le Conseil des ministres des Communautés, statuant à l'unanimité des Etats membres non dérogataires, « arrête les taux de conversion auxquels leurs monnaies sont irrévocablement fixées et le taux irrévocablement fixé auquel l'Ecu remplace » les monnaies des Etats concernés ; que l'Ecu deviendra ainsi « une monnaie à part entière » ; que suivant la même procédure, le Conseil « prend également les autres mesures nécessaires à l'introduction rapide de l'Ecu en tant que monnaie unique » des Etats membres non dérogataires ;

42. Considérant que, s'agissant de la politique de change, le paragraphe 1 de l'article 109 investit le Conseil des ministres des Communautés, statuant à l'unanimité des Etats membres non dérogataires, du pouvoir de conclure des « accords formels portant sur un système de taux de change pour l'Ecu, vis-à-vis des monnaies non communautaires » ; qu'il lui revient aussi, en se prononçant à la majorité qualifiée des Etats membres non dérogataires, d'« adopter, modifier ou abandonner les cours centraux de l'Ecu dans le système des taux de change » ; que cette procédure de décision est également applicable, en vertu du paragraphe 2 de l'article 109, à l'effet de permettre au Conseil de formuler les orientations générales de politique de change vis-à-vis d'une ou de plusieurs monnaies non communautaires, en l'absence de système de taux de change ;

43. Considérant qu'il résulte des dispositions applicables à compter du début de la troisième phase de l'Union économique et monétaire que la réalisation d'un semblable objectif se traduira par la mise en oeuvre d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques suivant des modalités telles qu'un État membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

44. Considérant que, dans leur état, les dispositions de la Constitution font obstacle à ce que la France s'intègre à l'Union économique et monétaire instituée par le traité ;

45. Considérant que, pour ces motifs, sont contraires à la Constitution :
-l'article B du traité sur l'Union européenne en tant qu'il prévoit l'établissement d'une union économique et monétaire comportant à terme une monnaie unique ;
-l'article G du traité précité, en tant qu'il a pour objet d'insérer dans le traité instituant la Communauté européenne, l'article 3 A, paragraphe 2, l'article 105, paragraphe 2, l'article 105 A, l'article 107, l'article 109, l'article 109 G, alinéa 2, l'article 109 L, paragraphe 4 ;
-les autres dispositions des chapitres II, III et IV du titre VI ajouté au traité instituant la Communauté européenne ainsi que celles des protocoles n°s 3 et 10, dans la mesure où elles sont indissociables des articles précités ;

- SUR LES MESURES RELATIVES A L'ENTREE ET A LA CIRCULATION DES PERSONNES :

46. Considérant que, dans sa rédaction issue de l'article G du traité sur l'Union européenne, l'article 3 du traité instituant la Communauté comporte dans les conditions et selon les rythmes prévus par ce traité : « d) des mesures relatives à l'entrée et à la circulation des personnes dans le marché intérieur conformément à l'article 100 C » ;

47. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 100 C le Conseil des ministres des Communautés européennes, « statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, détermine les pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres » ; qu'il est stipulé au paragraphe 2 du même article que « dans le cas où survient dans un pays tiers une situation d'urgence confrontant la Communauté à la menace d'un afflux soudain de ressortissants de ce pays, le Conseil peut, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, rendre obligatoire, pour une période ne pouvant excéder six mois, l'obtention d'un visa par les ressortissants du pays en question » ; qu'il est précisé que cette obligation peut être prorogée selon la procédure définie au paragraphe 1 ;

48. Considérant que le paragraphe 3 de l'article 100 C énonce qu'à compter du 1er janvier 1996, le Conseil adoptera « à la majorité qualifiée les décisions visées au paragraphe 1 » dudit article et qu'avant cette date le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête les mesures relatives à l'institution d'un modèle type de visa ; que le paragraphe 4 de l'article 100 C prescrit que, dans les domaines « visés » audit article, « la Commission est tenue d'instruire toute demande formulée par un État membre et tendant à ce qu'elle fasse une proposition au Conseil » ; que selon le paragraphe 5, « le présent article ne porte pas atteinte à l'exercice des responsabilités qui incombent aux Etats membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure » ;

49. Considérant que les engagements internationaux souscrits par les autorités de la République française ne sauraient affecter l'exercice par l'État de compétences qui relèvent des conditions essentielles de sa souveraineté ; que ne sont pas contraires à cette exigence les dispositions de l'article 100 C qui sont relatives à la détermination des pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, dès lors qu'elles concernent la période antérieure au 1er janvier 1996 ; qu'en effet, la politique commune des visas à l'égard des pays tiers est décidée par le Conseil des ministres des Communautés à l'unanimité, sous la seule réserve de mesures de sauvegarde motivées par l'urgence et temporaires dans leurs effets ; qu'en revanche, l'abandon de la règle de l'unanimité à compter du 1er janvier 1996, comme le prévoit le paragraphe 3 de l'article 100 C pourrait conduire, en dépit des dispositions des paragraphes 4 et 5 du même article, à ce que se trouvent affectées des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

50. Considérant qu'il suit de là, qu'en l'état, le paragraphe 3 de l'article 100 C ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l'article G du traité sur l'Union européenne est contraire à la Constitution ;

- SUR L'ENSEMBLE DE L'ENGAGEMENT INTERNATIONAL SOUMIS A L'EXAMEN DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :

51. Considérant qu'aucune des autres dispositions de l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est contraire à celle-ci ;

52. Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, l'autorisation de ratifier en vertu d'une loi le traité sur l'Union européenne exige une révision constitutionnelle ;

Décide :
Article premier :
L'autorisation de ratifier en vertu d'une loi le traité sur l'Union européenne ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354
Recueil, p. 55
ECLI : FR : CC : 1992 : 92.308.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.2. DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOÛT 1789
  • 1.2.4. Article 3
  • 1.2.4.1. Principe de souveraineté

Référence exprès à l'article 3 de la Déclaration de 1789.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 9, 10, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.16. Alinéa 14 - Respect des règles du droit international public

Référence expresse au quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 7, 8, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.18. Alinéa 15 - Principe de réciprocité

Référence expresse au Préambule de la Constitution de 1946.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 11, 13, 16, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT INTERNATIONAL
  • 7.1.1. Droit public international
  • 7.1.1.1. Pacta sunt servanda

Selon le quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958, la République française " se conforme aux règles du droit public international " ; au nombre de celles-ci figure la règle Pacta sunt servanda, qui implique que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. En outre, l'article 55 de la Constitution de 1958 dispose que " les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ". Il appartient au Conseil constitutionnel, saisi, au titre de la procédure instituée par l'article 54 de la Constitution, d'un traité qui modifie ou complète un ou plusieurs engagements internationaux déjà introduits dans l'ordre juridique interne, de déterminer la portée du traité soumis à son examen en fonction des engagements internationaux que ce traité a pour objet de modifier ou compléter.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 7, 8, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.2. Saisine
  • 7.2.4.2.1. Étendue de la saisine

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République du point de savoir si l'autorisation de ratifier le traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 doit être précédée d'une révision de la Constitution. Le Président de la République a précisé que la saisine qu'il a effectuée concerne l'ensemble des engagements souscrits par la France, tels qu'ils résultent du traité lui-même, des protocoles qui lui sont annexés et des déclarations de la conférence des ministres, y compris, dans la mesure où elles interprètent les stipulations du traité, celles dont la conférence a pris acte. Le Conseil constitutionnel fait porter son contrôle sur l'intégralité de l'engagement international qui lui est soumis.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 1, 2, 3, 4, 51, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)

Les stipulations du traité sur l'Union européenne prévoient que le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et aux élections au Parlement européen, qu'elles reconnaissent à tout citoyen de l'Union dans l'État membre de résidence dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, sera exercé sous réserve des " modalités à arrêter " par le Conseil des ministres, lesquelles peuvent prévoir des " dispositions dérogatoires " lorsque des problèmes spécifiques à un État membre le justifient. L'intervention de modalités à définir ultérieurement et qui peuvent inclure des dispositions dérogatoires, ne s'oppose pas à ce que le Conseil constitutionnel exerce son contrôle sur le point de savoir si les clauses en question de l'engagement international soumis à son examen, telles qu'elles sont stipulées, n'énoncent pas un principe qui par lui-même contrevient à une disposition de valeur constitutionnelle.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 21, 22, 23, 29, 30, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.5. Normes de référence du contrôle
  • 7.2.4.5.2. Normes de référence prises en compte
  • 7.2.4.5.2.3. Condition de réciprocité

Les engagements contenus dans les stipulations du traité sur l'Union européenne ne prennent effet, conformément à l'article R de ce traité, qu'après le dépôt du dernier instrument de ratification. Cette exigence vaut aussi bien pour le traité lui-même que pour les protocoles qui lui sont annexés et les déclarations adoptées par les conférences des gouvernements. Il suit de là que ces instruments internationaux ont le caractère d'engagements réciproques. Il est ainsi satisfait à la condition de réciprocité prescrite par le quinzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 16, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.2. Transferts de compétence portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.2.1. Principe

Par le Préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement " son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ". La Déclaration de 1789 énonce, dans son article 3, que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation " ; l'article 3 de la Constitution dispose, en son premier alinéa, que " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ". Le Préambule de la Constitution de 1946 proclame que la République française se "conforme aux règles du droit public international" (quatorzième alinéa) et que "sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix" (quinzième alinéa). Dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de "traités ou accords relatifs à l'organisation internationale ", lesquels ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi. Il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du Préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétence consentis par les États membres. Toutefois, au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 9, 10, 11, 12, 13, 14, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)

Le peuple français a, par le Préambule de la Constitution de 1958, proclamé solennellement "son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ". Dans son article 3, la Déclaration de 1789 énonce que "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation ". L'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ". Le Préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se "conforme aux règles du droit public international" et, dans son quinzième alinéa, que "sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix ". Dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de "traités ou accords relatifs à l'organisation internationale ". Ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi. Aux termes de l'article 88-1, résultant de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 : " La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instaurées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ". Il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du Préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres. Toutefois, au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 9, 10, 11, 12, 13, 14, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.2. Transferts de compétence portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.2.3. Souveraineté nationale en matière monétaire

Le traité sur l'Union européenne prévoit la réalisation d'une Union économique et monétaire en plusieurs phases, dont la troisième entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 1999. Pour les États membres remplissant les conditions objectives requises, et qui ne peuvent par suite prétendre au bénéfice d'une dérogation, l'entrée dans la troisième phase entraîne en particulier la mise en œuvre aussi bien d'une politique monétaire unique que d'une politique de change unique. S'agissant de la politique monétaire, il convient de relever : - qu'est posé le principe de l'indépendance tant de la Banque centrale européenne (B.C.E.) que des banques centrales nationales, lesquelles constituent le Système européen de banques centrales ; - qu'il revient à ce dernier de définir et mettre en œuvre la politique monétaire de la Communauté ; - que la B.C.E. est seule habilitée à autoriser l'émission de billets de banque dans la Communauté et qu'elle approuve le volume de l'émission des pièces ; - que le jour de l'entrée en vigueur de la troisième phase, le Conseil des ministres des Communautés, statuant à l'unanimité des États membres non dérogataires, arrête les taux de conversion auxquels leurs monnaies sont irrévocablement fixées et le taux irrévocablement fixé auquel l'Ecu remplace les monnaies des États concernés, devenant une monnaie à part entière ; suivant la même procédure, le Conseil prend également les autres mesures nécessaires à l'introduction rapide de l'Ecu en tant que monnaie unique des États membres non dérogataires. S'agissant de la politique de change : - le Conseil des ministres des Communautés, statuant à l'unanimité des États membres non dérogataires, peut conclure des accords formels portant sur un système de taux de change pour l'Ecu, vis à vis des monnaies non communautaires ; - il lui revient aussi, en se prononçant à la majorité qualifiée des États membres non dérogataires, d'adopter, modifier ou abandonner les cours centraux de l'Ecu dans le système des taux de change ; - à la majorité qualifiée encore, le Conseil des ministres peut formuler les orientations générales de politique de change vis à vis d'une ou de plusieurs monnaies non communautaires en l'absence de système de taux de change. Il résulte des dispositions du traité sur l'Union européenne applicables à compter du début de la troisième phase de l'Union économique et monétaire que la réalisation d'un semblable objectif se traduira par la mise en œuvre d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques suivant des modalités telles qu'un État membre se trouvera privé de compétences propres dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Dans leur état, les dispositions de la Constitution font obstacle à ce que la France s'intègre à l'Union économique et monétaire instituée par le traité sur l'Union européenne.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 40, 41, 42, 43, 44, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.3. Modification des modalités d'exercice des compétences transférées, dans des conditions portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.3.2. Passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée (entrée et séjour des étrangers)

Les engagements internationaux souscrits par les autorités de la République française ne sauraient affecter l'exercice par l'État de compétences qui relèvent des conditions essentielles de sa souveraineté. Ne sont pas contraires à ces exigences les dispositions de l'article 100 C du traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant de l'article G du traité sur l'Union européenne, qui sont relatives à la détermination des pays tiers dont les ressortissants doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des États membres, dès lors qu'elles concernent la période antérieure au 1er janvier 1996 : en effet, la politique commune des visas à l'égard des pays tiers est décidée par le Conseil des ministres des communautés à l'unanimité, sous la seule réserve de mesures de sauvegarde motivées par l'urgence et temporaires dans leurs effets. En revanche, l'abandon de la règle de l'unanimité à compter du 1er janvier 1996, comme le prévoit le paragraphe 3 de l'article 100 C, pourrait conduire, en dépit des dispositions des paragraphes 4 et 5 (qui notamment réservent l'exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure), à ce que se trouvent affectées des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Contrariété, en l'état, à la Constitution du paragraphe 3 de l'article 100 C.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 49, 50, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.4. Autres atteintes aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.4.2. Droit de vote et d'éligibilité des ressortissants communautaires aux élections municipales (avant 88-3)

L'article 3 de la Constitution dispose dans son premier alinéa que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ", dans son troisième alinéa que "le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ", et, en son quatrième alinéa, que "sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ". En vertu de l'article 24 de la Constitution, le Sénat, qui est élu au suffrage indirect, "assure la représentation des collectivités territoriales de la République " ; aux termes du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution, " les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Tout autre collectivité territoriale est créée par la loi " ; selon le deuxième alinéa du même article, "ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ". Il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République ne peut procéder que d'une élection effectuée au suffrage universel ; le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ; il s'ensuit que la désignation des conseillers municipaux a une incidence sur l'élection des sénateurs. En sa qualité d'assemblée parlementaire le Sénat participe à l'exercice de la souveraineté nationale. Dès lors, le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution implique que seuls les "nationaux français" ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République et notamment pour celle des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris. En conséquence, contrariété, en l'état, à la Constitution des stipulations du traité sur l'Union européenne reconnaissant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales à tout citoyen de l'Union dans l'État membre de résidence dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 24, 25, 26, 27, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
  • 7.2.5.2.1. Garantie des droits et libertés du citoyen

Aux termes du paragraphe 2 de l'article F du traité sur l'Union européenne, "L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire" ; leur respect est assuré par la Cour de Justice des communautés européennes notamment à la suite d'actions engagées à l'initiative des particuliers. Les stipulations du paragraphe 2 de l'article F, conjuguées avec l'intervention des juridictions nationales statuant dans le cadre de leurs compétences respectives, sont à même de garantir les droits et libertés des citoyens. À cet égard, l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel ne porte pas atteinte aux règles et principes de valeur constitutionnelle.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 17, 18, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
  • 7.2.5.2.4. Élection du Parlement européen au suffrage universel direct

Il ressort des dispositions combinées du quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution et des autres alinéas du même article que la règle constitutionnelle qui limite le droit de vote aux "nationaux français" ne s'impose que pour l'exercice du droit de suffrage "dans les conditions prévues par la Constitution ". Le Parlement européen a pour fondement juridique, non les termes de la Constitution de 1958, mais des engagements internationaux souscrits, sur une base de réciprocité, dans le cadre de dispositions de valeur constitutionnelle ; au demeurant, selon l'article E du traité sur l'Union européenne, le Parlement européen exerce ses attributions dans les conditions et aux fins prévues, d'une part, par les dispositions des traités modifiés et complétés instituant les Communautés européennes et, d'autre part, par les autres stipulations du traité sur l'Union européenne ; il est stipulé que le Parlement européen, à l'instar des autres institutions communautaires, agit "dans les limites des attributions qui lui sont conférées" par chacun des traités. Il suit de là que la reconnaissance au profit de tout citoyen de l'Union européenne, sur une base de réciprocité, du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans un État membre de la Communauté européenne où il réside, sans en être ressortissant, ne contrevient pas à l'article 3 de la Constitution. Au surplus, le traité sur l'Union européenne n'a pas pour conséquence de modifier la nature juridique du Parlement européen. Ce dernier ne constitue pas une assemblée souveraine dotée d'une compétence générale et qui aurait vocation à concourir à l'exercice de la souveraineté nationale. Le Parlement européen appartient à un ordre juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des différents États membres des Communautés, n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 31, 32, 33, 34, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.3. TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX EN VIGUEUR
  • 7.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
  • 7.3.3.2. Absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori
  • 7.3.3.2.1. Refus de transposer aux traités la jurisprudence État d'urgence en Nouvelle-Calédonie

Selon le quatorzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958, la République française "se conforme aux règles du droit public international ". Au nombre de celles-ci figure la règle Pacta sunt servanda, qui implique que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. En outre, l'article 55 de la Constitution de 1958 dispose que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ". Il appartient au Conseil constitutionnel, saisi, au titre de la procédure instituée par l'article 54 de la Constitution, d'un traité qui modifie ou complète un ou plusieurs engagements internationaux déjà introduits dans l'ordre juridique interne, de déterminer la portée du traité soumis à son examen en fonction des engagements internationaux que ce traité a pour objet de modifier ou compléter.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 7, 8, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.1. Institutions communautaires
  • 7.4.1.1. Nature du Parlement européen

Le Parlement européen a pour fondement juridique, non les termes de la Constitution de 1958, mais des engagements internationaux souscrits, sur une base de réciprocité, dans le cadre des dispositions de valeur constitutionnelle pertinentes. Selon l'article E du traité sur l'Union européenne, le Parlement européen exerce ses attributions dans les conditions et aux fins prévues, d'une part, par les dispositions des traités instituant les Communautés européennes et des traités et actes subséquents qui les ont modifiés et complétés et, d'autre part, par les autres stipulations du traité sur l'Union européenne. Ce traité n'a d'ailleurs pas pour conséquence de modifier la nature juridique du Parlement européen. Celui-ci dernier ne constitue pas une assemblée souveraine dotée d'une compétence générale qui aurait vocation à concourir à l'exercice de la souveraineté nationale. Le Parlement européen appartient à un ordre juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des différents États membres des Communautés, n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 32, 34, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.1. Institutions communautaires
  • 7.4.1.2. Nature de l'Union (et des Communautés) européenne(s)

Le Parlement européen appartient à un ordre juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des différents États membres des Communautés, n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 34, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.2. Spécificité des fondements constitutionnels
  • 7.4.2.1. Participation de la France aux Communautés européennes et à l'Union européenne (article 88-1)

Le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des alinéas 14 et 15 du Préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 13, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
  • 8.1.1. Droits et libertés de l'électeur
  • 8.1.1.3. Exercice du droit de suffrage
  • 8.1.1.3.2. Capacité d'exercice du droit de suffrage
  • 8.1.1.3.2.2. Droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union européenne

Il ressort des dispositions combinées du quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution et des autres alinéas du même article que la règle constitutionnelle qui limite le droit de vote aux " nationaux français " ne s'impose que pour l'exercice du droit de suffrage " dans les conditions prévues par la Constitution ". Le Parlement européen a pour fondement juridique, non les termes de la Constitution de 1958, mais des engagements internationaux souscrits, sur une base de réciprocité, dans le cadre de dispositions de valeur constitutionnelle. Au demeurant, selon l'article E du traité sur l'Union européenne, le Parlement européen exerce ses attributions dans les conditions et aux fins prévues, d'une part, par les dispositions des traités modifiés et complétés instituant les Communautés européennes et, d'autre part, par les autres stipulations du traité sur l'Union européenne. Il est stipulé que le Parlement européen, à l'instar des autres institutions communautaires, agit " dans les limites des attributions qui lui sont conférées " par chacun des traités. Il suit de là que la reconnaissance au profit de tout citoyen de l'Union européenne, sur une base de réciprocité, du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans un État membre de la Communauté européenne où il réside, sans en être ressortissant, ne contrevient pas à l'article 3 de la Constitution. Au surplus, le traité sur l'Union européenne n'a pas pour conséquence de modifier la nature juridique du Parlement européen. Ce dernier ne constitue pas une assemblée souveraine dotée d'une compétence générale et qui aurait vocation à concourir à l'exercice de la souveraineté nationale. Le Parlement européen appartient à un ordre juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des différents États membres des Communautés, n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française.

(92-308 DC, 09 avril 1992, cons. 31, 32, 33, 34, Journal officiel du 11 avril 1992, page 5354)
À voir aussi sur le site : Saisine par Président de la République, Saisine complémentaire Président de la République, Références doctrinales.
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