Décision

Décision n° 90-273 DC du 4 mai 1990

Loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 17 avril 1990, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61 de la Constitution, du texte de la loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et celle des députés ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, modifiée notamment par la loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 88-242 DC du 10 mars 1988 ;

Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 89-271 DC du 11 janvier 1990 ;

Vu le code électoral ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le texte soumis au Conseil constitutionnel comporte, sous deux titres distincts, un ensemble de onze articles ; que ces derniers n'ont pas tous la même portée ;

- SUR LE TITRE Ier :

2. Considérant que le titre Ier du texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel comprend des dispositions relatives à l'élection du Président de la République qui répondent à plusieurs objets ;

3. Considérant que l'article 1er fixe les nouvelles règles régissant la campagne en vue de l'élection du Président de la République ; que sont rendues applicables à cette élection, sous réserve de diverses adaptations, plusieurs dispositions du code électoral relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales telles qu'elles résultent de la loi du 15 janvier 1990 susvisée ; qu'au nombre des mesures propres à l'élection présidentielle figure l'obligation pour chaque candidat d'adresser au Conseil constitutionnel le compte de sa campagne et ses annexes ; que le Conseil a le pouvoir d'approuver, de rejeter ou de réformer les comptes de campagne ainsi que celui de transmettre le dossier au ministère public dans le cas où il relèverait des irrégularités de nature à contrevenir aux dispositions des articles L. 52-4 à L. 52-12 et L. 52-16 du code électoral ; qu'il est précisé, d'une part, que le solde positif éventuel des comptes des associations électorales et mandataires financiers des candidats est dévolu à la Fondation de France et, d'autre part, que l'avance forfaitaire accordée par l'État à chaque candidat en application de l'article 4 de la loi organique doit figurer parmi les recettes de son compte de campagne ;

4. Considérant que l'article 2 fixe le point de départ du délai à l'expiration duquel est prévue la publication au Journal officiel des comptes de campagne des candidats ;

5. Considérant que l'article 3 abroge les dispositions concernant respectivement le cautionnement exigé de chaque candidat et les conditions mises à son remboursement ;

6. Considérant que l'article 4 dispose que lors de la publication de la liste des candidats au premier tour de scrutin, l'État verse à chacun d'entre eux une somme de trois millions de francs à titre d'avance forfaitaire sur leurs dépenses de campagne ;

7. Considérant que l'article 5 subordonne le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne prévu au troisième alinéa du paragraphe V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, dans sa rédaction issue de la loi organique du 11 mars 1988 susvisée, à l'obligation pour le candidat intéressé de respecter le plafonnement des dépenses et d'adresser en temps utile au Conseil constitutionnel le compte de sa campagne et ses annexes ;

8. Considérant que ces diverses dispositions sont relatives à l'élection du Président de la République ainsi qu'aux conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel veille à la régularité de cette élection ; qu'elles relèvent par suite du domaine d'intervention d'une loi organique en vertu des articles 6, alinéa 2, 58 et 63 de la Constitution ;

9. Considérant que les dispositions ci-dessus analysées ne sont contraires à aucune règle, non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle dès lors que le remboursement par l'État des dépenses électorales ne conduit pas à l'enrichissement d'une personne physique ou morale ;

- SUR LE TITRE II :

10. Considérant que le titre II du texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel, qui est relatif à l'élection des députés, comporte deux séries de dispositions, les unes édictant des inéligibilités, les autres procédant à des abrogations ;

. En ce qui concerne les dispositions édictant des inéligibilités :

11. Considérant que l'article 6, qui modifie à cet effet le deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du code électoral, prévoit deux cas distincts d'inéligibilité ; que, d'une part, est inéligible pendant un an à compter de l'élection celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 du code électoral et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit ; que, d'autre part, « peut... être déclaré inéligible pour la même durée, celui qui a dépassé le plafond des dépenses électorales tel qu'il résulte de l'article L. 52-11 » du même code ;

12. Considérant que l'article 7, qui insère à cette fin un article L.O. 136-1 dans le code électoral, énonce que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques « saisit le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer » les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L.O. 128 ; que le Conseil constitutionnel « constate, le cas échéant, l'inéligibilité et, s'il s'agit du candidat proclamé élu » le déclare, par la même décision, démissionnaire d'office ;

13. Considérant que l'article 8 permet au Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait nécessairement intervention préalable de la Commission nationale précitée, de tirer les conséquences de la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du code électoral dans l'hypothèse où les opérations électorales dans une circonscription ont été régulièrement contestées devant lui ; que si l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128, le Conseil prononce, s'il y a lieu, son inéligibilité conformément à cet article et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, annule son élection ;

14. Considérant que l'article 9, afin de permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer en connaissance de cause, prévoit qu'il peut ordonner la production des comptes de campagne établis par les candidats intéressés, ainsi que l'ensemble des documents, rapports et décisions éventuellement réunis ou établis par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

15. Considérant que les articles 6 à 9 sont relatifs au contrôle de la régularité des opérations électorales pour la désignation des députés et en particulier à l'éligibilité de ces derniers ; que, par leur contenu, ils ressortissent au domaine d'intervention d'une loi organique eu égard aux dispositions combinées des articles 25, 59 et 63 de la Constitution ;

16. Considérant que les dispositions ci-dessus analysées ne sont pas contraires à la Constitution dès lors qu'il résulte de leurs termes, comme d'ailleurs des débats qui ont précédé leur adoption, que la position prise par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans l'exercice de ses attributions ne saurait préjuger la décision du Conseil constitutionnel ;

.En ce qui concerne les dispositions procédant à des abrogations :

17. Considérant que les articles 10 et 11 abrogent les articles L.O. 163-1 et L.O. 179-1 du code électoral relatifs à l'obligation faite aux candidats aux élections à l'Assemblée nationale d'établir puis de déposer un compte de campagne ; que cette abrogation, de même que celle de la mention de l'article L.O. 179-1 dans le texte de l'article L.O. 325, est motivée par l'édiction des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du code électoral, teles qu'elles résultent de l'article 6 du texte présentement examiné ;

18. Considérant que les articles L.O. 163-1 et L.O. 179-1 du code électoral se rattachent, au regard de l'article 25 de la Constitution, au domaine d'intervention d'une loi organique dans la mesure où la méconnaissance de leurs prescriptions avait pour effet d'entraîner une inéligibilité applicable aux députés ; que leur abrogation est soumise aux mêmes règles de compétence ; qu'elle n'est contraire à aucune disposition de la Constitution ;

- SUR L'ENSEMBLE DE LA LOI :

19. Considérant, d'une part, que la loi organique a été adoptée dans le respect de la procédure prévue à l'article 46 de la Constitution ; qu'à cet égard, il était loisible au législateur organique de rendre applicable à des matières relevant du domaine d'intervention d'une loi organique des dispositions ayant valeur de loi ordinaire insérées dans le code électoral, dès lors que celles-ci ont été adoptées antérieurement au vote de la loi organique ;

20. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les dispositions du texte examiné ne méconnaissent aucune règle non plus qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ;

Décide :
Article premier :
La loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532
Recueil, p. 55
ECLI : FR : CC : 1990 : 90.273.DC

Les abstracts

  • 2. NORMES ORGANIQUES
  • 2.2. CHAMP D'APPLICATION DES LOIS ORGANIQUES
  • 2.2.2. Normes organiques et autres normes
  • 2.2.2.2. Répartition lois organiques / lois ordinaires
  • 2.2.2.2.1. Dispositions relevant du domaine de la loi organique

Articles 6 à 9 de la loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés, qui concernent le contrôle de la régularité des opérations électorales pour la désignation des députés et en particulier l'éligibilité de ces derniers. Par leur contenu, ils ressortissent au domaine d'intervention d'une loi organique, eu égard aux dispositions combinées des articles 25, 59 et 63 de la Constitution.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 15, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)

Les diverses dispositions de la loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés, qui concernent l'élection du Président de la République ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel veille à la régularité de cette élection, relèvent du domaine d'intervention d'une loi organique en vertu des articles 6, alinéa 2, 58 et 63 de la Constitution.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 8, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)

Les articles L.O. 163-1 et L.O. 179-1 du code électoral se rattachent, au regard de l'article 25 de la Constitution, au domaine d'intervention d'une loi organique dans la mesure où la méconnaissance de leurs prescriptions avait pour effet d'entraîner une inéligibilité applicable aux députés ; leur abrogation est soumise aux mêmes règles de compétence.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 18, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)

Une loi organique ne saurait renvoyer pour son application à des dispositions d'une loi ordinaire à venir.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 19, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 2. NORMES ORGANIQUES
  • 2.2. CHAMP D'APPLICATION DES LOIS ORGANIQUES
  • 2.2.2. Normes organiques et autres normes
  • 2.2.2.2. Répartition lois organiques / lois ordinaires
  • 2.2.2.2.3. Dispositions de loi ordinaire rendues applicables par une loi organique - Cristallisation

Il est loisible au législateur organique de rendre applicable à des matières relevant du domaine d'intervention d'une loi organique des dispositions ayant valeur de loi ordinaire insérées dans le code électoral dès lors que celles-ci ont été adoptées antérieurement au vote de la loi organique.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 19, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 2. NORMES ORGANIQUES
  • 2.3. FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES LOIS ORGANIQUES
  • 2.3.1. Articles 6 et 7 - Élection du Président de la République

Loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 2. NORMES ORGANIQUES
  • 2.3. FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES LOIS ORGANIQUES
  • 2.3.5. Article 25 - Mandat parlementaire

Loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République et de celle des députés.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.4. Financement
  • 8.2.4.1. Dispositions applicables au financement de l'élection présidentielle

Les diverses dispositions de la loi organique relative au financement de la campagne en vue de l'élection du Président de la République, qui concernent l'élection du Président de la République ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel veille à la régularité de cette élection, relèvent du domaine d'intervention d'une loi organique en vertu des articles 6, alinéa 2, 58 et 63 de la Constitution. Elles ne sont contraires à aucune règle, non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle, dès lors que le remboursement par l'État des dépenses électorales ne conduit pas à l'enrichissement d'une personne physique ou morale.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 8, 9, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
  • 8.3.5.7.1. Nature de la Commission (voir également : Titre 15 Autorités indépendantes)

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une autorité administrative et non une juridiction. Il en résulte que la position qu'elle adopte lors de l'examen des comptes de campagne d'un candidat ne saurait préjuger la décision du Conseil constitutionnel, juge de la régularité de l'élection en vertu de l'article 59 de la Constitution.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 16, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.9. Procédures particulières
  • 10.3.9.2. Lois organiques
  • 10.3.9.2.3. Renvoi à des dispositions d'une loi ordinaire définitivement adoptée

Il est loisible au législateur organique de rendre applicable à des matières relevant du domaine d'intervention d'une loi organique des dispositions ayant valeur de loi ordinaire insérées dans le code électoral dès lors que celles-ci ont été adoptées antérieurement au vote de la loi organique.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 19, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
  • 15. AUTORITÉS INDÉPENDANTES
  • 15.4. DÉCISIONS
  • 15.4.2. Portée des décisions
  • 15.4.2.1. Commission nationale des comptes de campagne

La position prise par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans l'exercice de ses attributions ne saurait préjuger la décision du Conseil constitutionnel.

(90-273 DC, 04 mai 1990, cons. 16, Journal officiel du 7 mai 1990, page 5532)
À voir aussi sur le site : Références doctrinales.
Toutes les décisions