Décision n° 88-1056 AN du 21 octobre 1988
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. André Ledran, demeurant à Ouistreham (Calvados), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 20 juin 1988, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 5 et 12 juin 1988 dans la première circonscription du Calvados pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Francis Saint-Ellier, député, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 4 juillet 1988 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. André Ledran, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 15 juillet 1988 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur et la réponse à ces observations, présentée par M. Francis Saint-Ellier, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 28 juillet et 3 août 1988 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur le grief tiré des conditions d'affichage :
1. Considérant qu'à l'issue du premier tour de scrutin qui s'est déroulé le 5 juin 1988 dans la première circonscription du Calvados restaient seuls en lice M. Saint-Ellier, candidat de l'Union du rassemblement et du centre (U.R.C.), et M. Ledran, candidat de la majorité présidentielle ;
2. Considérant que M. Ledran soutient que, par une manoeuvre délibérée, la mairie de Caen a laissé en place, pendant les deux journées des 8 et 9 juin, à côté des panneaux électoraux de son concurrent, non pas ses propres panneaux mais ceux de Mme Tillard, candidate qui s'était présentée au premier tour sous l'étiquette du parti communiste ; que, selon lui, cette manoeuvre a induit en erreur les électeurs qui ont cru qu'il n'y avait plus au second tour comme candidats que M. Saint-Ellier et Mme Tillard ;
3. Considérant que M. Ledran a fourni à l'appui de sa requête une lettre de protestation adressée par lui le 9 juin au maire de Caen et la réponse de celui-ci ; qu'il est indiqué dans cette réponse qu'il n'y a eu nullement manoeuvre mais la simple décision, pour des raisons de commodité, d'accoler les panneaux des deux candidats restant en compétition, ce qui a conduit à enlever les panneaux n° 3 attribués lors du premier tour à M. Ledran et à disposer son affichage sur les panneaux n° 2 antérieurement attribués à Mme Tillard ; que, d'après le maire de Caen, cette opération n'a pu être effectuée que progressivement au cours des 8 et 9 juin en raison du nombre élevé d'emplacements d'affichage, instruction étant donnée au personnel chargé de ce travail, dans l'hypothèse où des affiches auraient déjà été apposées sur le panneau n° 3, de disposer ce panneau à la place du panneau n° 2 afin de permettre à M. Ledran de garder le bénéfice de sa propagande ;
4. Considérant que les services de la mairie de Caen ont, ce faisant, contrevenu aux dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 17 mai 1988, suivant lesquelles chaque candidat devait utiliser au second tour les panneaux qui lui avaient été attribués au premier tour ; que, toutefois, l'affirmation suivant laquelle, pendant les deux journées des 8 et 9 juin, seuls l'affichage électoral du candidat de l'U.R.C. et celui de la candidate du parti communiste auraient été laissés en place n'est corroborée par aucune preuve ; qu'en outre, les électeurs ont disposé de multiples moyens d'information pour connaître le nom des candidats en compétition, notamment les circulaires et bulletins de vote qui ont été adressés à leur domicile ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que l'irrégularité commise ait pu avoir une incidence sur le résultat du scrutin ;
Sur le grief invoqué dans le mémoire complémentaire :
5. Considérant que ce grief est distinct de celui tiré des conditions d'affichage, qui était seul invoqué dans la requête initiale ; qu'il n'a été présenté que dans un mémoire complémentaire, enregistré au Conseil constitutionnel après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; qu'il est par suite irrecevable ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Ledran doit être rejetée,
Décide :
Article premier :
La requête de M. André Ledran est rejetée.
Article 2 - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 octobre 1988, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JozeauMarigné, Georges VEDEL, Robert FABRE, Jacques LATSCHA.
Journal officiel du 25 octobre 1988, page 13469
Recueil, p. 165
ECLI : FR : CC : 1988 : 88.1056.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1.1. Interventions d'autorités officielles
8.3.4.1.1.3. Administration
Requérant soutenant que, par une manœuvre délibérée, la mairie a laissé en place, pendant deux jours, à côté des panneaux électoraux de son concurrent, non pas ses propres panneaux, mais ceux d'un candidat non présent au second tour et qu'ainsi les électeurs ont pu croire que le requérant ne participait plus au second tour. Dès lors que cette affirmation n'est corroborée par aucune preuve et qu'en outre les électeurs ont disposé de multiples moyens d'information pour connaître le nom des candidats en compétition notamment les circulaires et bulletins de vote qui ont été adressés à leur domicile, il n'est pas établi que cette irrégularité ait pu avoir une incidence sur le résultat du scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.9. Contentieux - Griefs
- 8.3.9.3. Griefs nouveaux
8.3.9.3.1. Existence
Un grief distinct de celui tiré des conditions d'affichage, seul invoqué dans la requête initiale, qui n'a été présenté que dans un mémoire complémentaire, enregistré au Conseil constitutionnel après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, est irrecevable.