Décision n° 84-170 DC du 4 juin 1984
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 11 mai 1984, par MM Jean-Claude Gaudin, Jacques Dominati, Jean Rigaud, Francisque Perrut, Germain Gengenwin, Marcel Bigeard, Paul Perrin, Albert Brochard, Claude Birraux, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Georges Delfosse, Alain Madelin, Jean Brocard, Michel d'Ornano, Philippe Mestre, Edmond Alphandéry, Claude Wolff, Pierre Micaux, Charles Fèvre, Jean-Paul Fuchs, Georges Mesmin, Jean Desanlis, Jean Briane, Bernard Stasi, Pierre Méhaignerie, Emmanuel Hamel, Gilbert Gantier, Francis Geng, Jean-Pierre Soisson, Jacques Barrot, François d'Aubert, Jean Foyer, Michel Péricard, Michel Barnier, Jean-Paul de Rocca Serra, Pierre Mauger, Michel Debré, Xavier Deniau, Maurice Couve de Murville, Camille Petit, Robert Wagner, Jean Tiberi, Jean Narquin, Jacques Lafleur, Didier Julia, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Bas, Claude-Gérard Marcus, Edouard Frédéric-Dupont, Henri de Gastines, Yves Lancien, Hyacinthe Santoni, Pierre-Charles Krieg, Jean-Louis Goasduff, Georges Gorse, Alain Peyrefitte, Olivier Guichard, Robert Galley, Pierre Messmer, Charles Paccou, Jacques Baumel, Pierre Bachelet, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 83-332 du 22 avril 1983 autorisant le Gouvernement à prendre, par application de l'article 38 de la Constitution, diverses mesures financières.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet de ratifier quatre ordonnances prises en vertu de la loi du 22 avril 1983 autorisant le Gouvernement à prendre, par application de l'article 38 de la Constitution, diverses mesures financières ; qu'au nombre de ces ordonnances figure celle du 18 mai 1983 qui a modifié, au cours de l'année 1983, le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, tel qu'il résultait notamment de l'article 23 de la loi de finances pour 1983 ;
2. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que lorsqu'une disposition fiscale modifie, en cours d'année, le montant des ressources de l'Etat et, par suite, affecte l'équilibre économique et financier défini par la loi de finances de l'année, elle ne peut intervenir que dans une loi de finances rectificative ; que, faute de satisfaire à cette exigence, l'ordonnance du 18 mai 1983 méconnaît les dispositions des articles 1er, 2 et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et, par voie de conséquence, celles des articles 34 et 47 de la Constitution ; que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est donc, en tant qu'elle ratifie l'ordonnance du 18 mai 1983, entachée de la même inconstitutionnalité que celle-ci ;
3. Considérant que, si, aux termes de l'article 2, avant-dernier alinéa, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 « seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année », cette règle doit être rapprochée tant de l'article 34 de la Constitution en vertu duquel « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » que de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959, lequel précise que « les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature » ; qu'il résulte de l'ensemble de ces textes que les dispositions fiscales ne sont pas au nombre de celles qui sont réservées à la compétence exclusive des lois de finances et qu'elles peuvent figurer soit dans une loi ordinaire, soit dans une loi de finances, sans qu'il y ait à distinguer selon que ces dispositions affectent ou non l'exécution du budget de l'exercice en cours ; que, d'ailleurs, réserver aux seules lois de finances la création ou la modification d'une ressource fiscale en cours d'année limiterait, contrairement aux articles 39 et 40 de la Constitution, l'initiative des membres du Parlement en matière fiscale à un droit d'amendement puisque les lois de finances ne peuvent être présentées que par le Gouvernement ; qu'ainsi l'article 2, avant-dernier alinéa, de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne faisait pas obstacle à la modification de la taxe intérieure sur les produits pétroliers par l'ordonnance du 18 mai 1983 ;
4. Considérant que n'y faisaient pas davantage obstacle les articles 1er, 2, 2e alinéa, et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'en effet, dans la mesure où elles placent dans la compétence des seules lois de finances la définition de l'équilibre économique et financier, la prévision et l'autorisation de l'ensemble des ressources de l'Etat ainsi que l'évaluation du rendement des impôts dont le produit est affecté à l'Etat, ces dispositions ne sauraient, lorsqu'il est recouru à la procédure législative ordinaire pour édicter une modification fiscale, avoir d'autre conséquence que l'obligation de prendre en compte dans une loi de finances rectificative ou, à tout le moins, dans la loi de règlement l'incidence budgétaire de la modification intervenue ; que cette obligation ne fait pas obstacle à ce qu'une loi édictant ou modifiant un impôt produise ses effets avant le dépôt de la loi de finances qui en traduira l'incidence sur l'équilibre du budget ; qu'ainsi l'ordonnance du 18 mai 1983 dont l'incidence sur l'équilibre du budget de 1983 a été intégrée dans la loi de finances rectificative du 24 décembre 1983, n'a méconnu aucune des exigences des articles 1er, 2, 2e alinéa, et 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance du 18 mai 1983 et, donc, la disposition législative qui la ratifie sont conformes à la Constitution ;
6. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
La loi portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 83-332 du 22 avril 1983 autorisant le Gouvernement à prendre, par application de l'article 38 de la Constitution, diverses mesures financières est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 5 juin 1984, page 1744
Recueil, p. 45
ECLI : FR : CC : 1984 : 84.170.DC
Les abstracts
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.5. Droit d'amendement
- 10.3.5.2. Recevabilité
10.3.5.2.7. Recevabilité des amendements aux projets de loi de finances
Réserver aux seules lois de finances la création ou la modification d'une ressource fiscale en cours d'année, limiterait, contrairement aux articles 39 et 40 de la Constitution, l'initiative des membres du Parlement en matière fiscale à un droit d'amendement puisque les lois de finances ne peuvent être présentées que par le Gouvernement.