Décision

Décision n° 84-137 L du 4 juin 1984

Nature juridique des dispositions de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel contenues à son article 3 sexies, tel qu'il résulte de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970
Partiellement réglementaire

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mai 1984 par le Premier ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, modifiée et complétée, portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, contenues à son article 3 sexies, tel qu'il résulte de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970, dans les mots « aux conditions fixées par le décret n° 62-1140 du 29 septembre 1962 ».

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve à la loi la détermination des principes fondamentaux du régime des obligations civiles et commerciales, au rang desquels il convient de ranger la liberté contractuelle ;

2. Considérant que la loi du 1er septembre 1948, portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, limite la liberté des parties à un bail par des règles impératives relatives, notamment, au prix du loyer et aux conditions dans lesquelles le bailleur peut mettre fin au contrat ;
Considérant que l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948, tel qu'il résulte de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970, dispose : "A l'expiration du bail conclu dans les conditions prévues aux articles 3 bis (1 ° et 2 °), 3 ter, 3 quater et 3 quinquies, ou au départ du locataire s'il intervient avant l'expiration du bail, le local n'est plus soumis aux dispositions de la présente loi.
Toutefois, le nouveau bail, s'il en est conclu un, sera soumis aux conditions fixées par le décret n° 62-1140 du 29 septembre 1962" ;
Considérant que la loi du 9 juillet 1970, en introduisant dans la loi du 1er septembre 1948 un article 3 sexies qui soumet le nouveau bail aux conditions fixées par le décret n° 62-1140 du 29 septembre 1962, a conféré valeur législative à ce texte en ce qui concerne l'application du nouvel article ;

3. Considérant que la nature juridique de cette référence au décret doit être appréciée en fonction du contenu de ses dispositions ;

4. Considérant qu'en vertu de son article 3 sexies la loi du 1er septembre 1948 n'est plus applicable, d'une part, aux baux des locaux utilisés avant le 1er juin 1948 à d'autres fins que l'habitation et postérieurement affectés à cet usage, d'autre part, aux baux conclus pour une durée minimum de six ans, résiliables chaque année à la volonté du preneur seul, les baux renouvelés ne pouvant être d'une durée inférieure à trois ans, des locaux utilisés en tout ou partie pour un usage professionnel, dès lors que les immeubles répondent à certaines normes définies et précisées par le décret n° 62-1140 du 29 septembre 1962 ;

5. Considérant que ce texte a une nature législative en tant qu'il soumet les contrats qui ne seront plus régis par la loi de 1948 à des conditions, d'une part, d'aménagement, d'équipement et d'entretien des locaux, d'autre part, de durée et de résiliation des baux et une nature réglementaire en tant qu'il donne les indications nécessaires à l'application de ces conditions et qu'il soumet à certaines formalités la conclusion des baux,

Décide :
Article premier :
Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948 contenues dans le texte auquel il est fait renvoi par les mots : « aux conditions fixées par le décret n° 62-1140 du 29 septembre 1962 » sont de nature législative en tant qu'elles posent le principe de conditions d'aménagement, d'équipement, d'entretien des locaux ainsi que de durée et de résiliation des baux.
Article 2 :
Les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel sont de nature réglementaire.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 6 juin 1984
Recueil, p. 113
ECLI : FR : CC : 1984 : 84.137.L

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
  • 3.6.3. Article 37 alinéa 2 (procédure de la délégalisation)
  • 3.6.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
  • 3.6.3.3.3. Textes susceptibles d'être soumis au Conseil constitutionnel
  • 3.6.3.3.3.1. Texte de loi postérieur à l'entrée en vigueur de la Constitution

Pour l'application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, un décret est considéré comme un texte de "forme législative" dès lors qu'il est intégré dans une loi qui lui a conféré valeur législative.

(84-137 L, 04 juin 1984, cons. 5, Journal officiel du 6 juin 1984)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.14. Régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales
  • 3.7.14.1. Principes fondamentaux du régime de la propriété
  • 3.7.14.1.3. Baux

L'article 3 sexiès ajouté à la loi du 1er septembre 1948 par la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970, ensemble le décret n° 62-1140 du 29 septembre 1962 auquel cette dernière loi donne valeur législative, ressortit au domaine de la loi en tant qu'il soumet les contrats qui échappent à l'empire de la loi de 1948 à des conditions, d'une part, d'aménagement, d'équipement et d'entretien des locaux, d'autre part, de durée et de résiliation des baux. En revanche, ressortissent à la compétence réglementaire les dispositions donnant les indications nécessaires à l'application de ces conditions et soumettant la conclusion des baux à certaines formalités.

(84-137 L, 04 juin 1984, cons. 2, 5, Journal officiel du 6 juin 1984)
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