Décision n° 81-952 AN du 3 décembre 1981
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Michel Lemaître, demeurant 31, rue Clément-Marot, à Châlons-sur-Marne, enregistrée le 1er juillet 1981 à la préfecture de la Marne et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 juin 1981 dans la troisième circonscription de la Marne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistrées le 27 juillet 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations en défense présentées par Mme Annette Chepy-Léger député, enregistrées le 18 août 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Michel Lemaître, enregistrées comme ci-dessus le 12 août et le 1 °F septembre 1981 ;
Vu la décision ordonnant une enquête rendue le 7 octobre 1981 par la section chargée de l'instruction ;
Vu le procès-verbal d'audition de M. Bernard Millet, membre du bureau exécutif du mouvement des démocrates, en date du 14 octobre 1981 ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Michel Lemaître, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 octobre 1981 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport,
1. Considérant qu'à la suite du scrutin du 21 juin 1981, Mme Chepy-Léger, qui avait obtenu 33 534 voix, était proclamée élue, son unique concurrent n'ayant recueilli que 33278 suffrages ;
2. Considérant qu'il est fait grief à Mme Chepy-Léger d'avoir été élue en faisant indûment état du soutien du mouvement des démocrates, dont le candidat avait recueilli 1 037 voix lors du premier tour de scrutin ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'enquête ordonnée par le Conseil constitutionnel, que le mouvement des démocrates n'avait donné aucune consigne au plan national, laissant toute latitude à ses représentants régionaux pour prendre position en fonction des circonstances locales ; que M. Mothe, candidat au premier tour de ce mouvement dont il est le représentant régional, avait annoncé publiquement, dès le 19 juin, sa décision de ne donner, pour le second tour, aucune recommandation de vote à ses électeurs et de ne pas se désister en faveur de Mme Chepy-Léger ;
4. Considérant que Mme Chepy-Léger s'est donc réclamée à tort du soutien du mouvement des démocrates tout au long de sa campagne sur ses affiches, ses circulaires et même sur ses bulletins de vote ;
5. Considérant qu'une telle propagande constitue une manoeuvre qui a été de nature à tromper un nombre d'électeurs suffisant pour modifier le résultat de l'élection,
Décide :
Article premier :
L'élection de Mme Annette Chepy-Léger en qualité de député à l'Assemblée nationale, le 21 juin 1981, dans la troisième circonscription de la Marne, est annulée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 1981, où siégeaient MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.
Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3311
Recueil, p. 226
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.952.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.3. Manœuvres ou interventions relatives au second tour
8.3.4.3.2. Soutiens
Mention sur des affiches, circulaires et bulletins de vote, par un candidat proclamé élu, avec 256 voix d'avance sur son concurrent, du soutien au second tour d'un mouvement politique dont le candidat avait obtenu 1 036 suffrages au premier tour. L'instruction et l'enquête ordonnées par le Conseil constitutionnel ont établi, d'une part, que ce mouvement politique n'avait donné au plan national aucune consigne de vote pour le second tour laissant toute latitude à ses représentants locaux et, d'autre part, que le candidat de cette formation dans la circonscription avait annoncé publiquement sa décision de n'adresser aucune recommandation de vote aux électeurs s'étant portés sur son nom et de ne pas se désister en faveur du candidat proclamé élu. Le fait pour ce candidat proclamé élu de se réclamer abusivement du soutien de ce mouvement a constitué une manœuvre de nature à tromper un nombre d'électeurs suffisant pour modifier le résultat de l'élection. Annulation de l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
8.3.10.3.3. Enquêtes
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.3. Annulation de l'élection
8.3.11.3.3.2. Propagande
Mention sur des affiches, circulaires et bulletins de vote, par un candidat proclamé élu, avec 256 voix d'avance sur son concurrent, du soutien au second tour d'un mouvement politique dont le candidat avait obtenu 1 036 suffrages au premier tour. L'instruction et l'enquête ordonnées par le Conseil constitutionnel ont établi, d'une part, que ce mouvement politique n'avait donné au plan national aucune consigne de vote pour le second tour laissant toute latitude à ses représentants locaux et que, d'autre part, le candidat de cette formation dans la circonscription avait annoncé publiquement sa décision de n'adresser aucune recommandation de vote aux électeurs s'étant portés sur son nom et de ne pas se désister en faveur du candidat proclamé élu. Le fait pour ce candidat proclamé élu de se réclamer abusivement du soutien de ce mouvement a constitué une manœuvre de nature à tromper un nombre d'électeurs suffisant pour modifier le résultat de l'élection. Annulation de l'élection.