Décision n° 81-936 AN du 3 décembre 1981
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Jacques Dominati, demeurant 6 rue de Seine, à Paris (6ème arrondissement), enregistrée le 29 juin 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 juin 1981 dans la deuxième circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Pierre Dabezies, député, enregistrées le 17 juillet 1931 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations en réplique présentées par M. Jacques Dominati, enregistrées comme ci-dessus le 3 août 1981 ;
Vu les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistrées le 3 août 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Pierre Dabezies, enregistrées comme ci-dessus le 10 septembre 1981 ;
Vu les nouvelles observations, présentées par M. .Jacques Dominati, enregistrées comme ci-dessus le 30 septembre 1981 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sur le décompte des suffrages :
1. Considérant qu'il ressort de l'examen des procès-verbaux que, dans huit bureaux de vote, le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne est supérieur au nombre des émargements ; qu'en pareil cas, il convient de diminuer, à due concurrence de cette différence, le nombre des votants et des suffrages exprimés ainsi que le nombre de voix obtenues par le candidat le .plus favorisé. dans chacun de ces bureaux ; qu'au total le nombre des votes en excédent par rapport au nombre des émargements est de quinze ; qu'en conséquence, le nombre de suffrages exprimés doit être ramené de 22435 à 22420 ; que cette disparité affecte, à raison de huit suffrages, des bureaux de vote dans lesquels M. Pierre Dabezies est arrivé en tête et, à raison de sept Suffrages, des bureaux dans lesquels M. Jacques Dominati est en tête ; qu'après rectification du nombre des voix obtenues par chaque candidat, M. Pierre Dabezies conserve 11238 voix et M. Jacques Dominati 11 182 voix, soit un écart de 56 suffrages ;
Sur les griefs tirés de l'irrégularité de la campagne électorale :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le samedi 20 juin 1981, vers midi, il a été procédé à la distribution sur la voie .publique d'un tract faisant état de faits relatifs à des rapports de droit privé entre M. Jacques Dominati et la ville de Paris au sujet de la location d'un appartement et donnant à cette affaire une présentation de nature à nuire à la réputation de ce candidat auprès du corps électoral ; que, même si, au cours de la campagne électorale, M. Pierre Dabezies a été l'objet d'attaques de caractère polémique sur ses opinions et attitudes politiques et si le tract en cause est présenté comme une réplique à des critiques énoncées contre lui sur les moyens qu'il avait employés pour assurer la diffusion de sa propagande électorale, ces abus de propagande commis par ses adversaires ne pouvaient légitimer l'introduction dans le débat électoral d'un argument polémique de la nature de celui qui était utilisé dans le tract et auquel, compte tenu de la date et de l'heure à laquelle le tract a été distribué, M. Jacques Dominati se trouvait dans l'impossibilité de répondre ; qu'eu égard au faible écart de voix séparant les deux concurrents, la manoeuvre de dernière heure ainsi opérée, avec la participation même du candidat proclamé élu, a été de nature à exercer sur l'élection une influence suffisante pour en modifier le résultat ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu, dès lors, d'annuler l'élection,
Décide :
Article premier :
L'élection de M. Pierre Dabezies, en qualité de député de la deuxième circonscription de Paris, est annulée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 1981, où siégeaient MM. Roger FREY président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.
Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3310
Recueil, p. 219
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.936.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.3.3.16. Tracts
8.3.3.16.2. Irrégularités retenues pour l'annulation d'une élection
Distribution la veille du second tour de scrutin sur la voie publique d'un tract faisant état de faits relatifs à des rapports de droit privé entre le requérant et la ville de X au sujet de la location d'un appartement et donnant à cette affaire une présentation de nature à nuire à la réputation de ce candidat. Même si le candidat proclamé élu à été l'objet d'attaques de caractère polémique sur ses opinions et attitudes politiques et si le tract en cause est présenté comme une réplique à des critiques dont il avait fait l'objet, ces abus de propagande ne pouvaient légitimer l'introduction dans le débat électoral d'un tel argument polémique auquel le requérant ne pouvait répondre. Eu égard au faible écart de voix séparant les candidats, cette manœuvre de dernière heure, à laquelle a participé le candidat proclamé élu, a été de nature à exercer une influence suffisante pour modifier le résultat du scrutin. Annulation de l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
8.3.6.8.5.1. Jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988
Nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans les urnes supérieur au nombre des émargements. Il convient de diminuer à concurrence de cette différence, le nombre des votants et des suffrages exprimés ainsi que le nombre de voix obtenues par le candidat arrivé en tête dans chaque bureau concerné.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.1. Annulation de certains votes
8.3.11.3.1.3. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne : jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988
Nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans les urnes supérieur au nombre des émargements. Il convient de diminuer, à concurrence de cette différence, le nombre des votants et des suffrages exprimés ainsi que le nombre de voix obtenues par le candidat arrivé en tête dans chaque bureau concerné.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.3. Annulation de l'élection
8.3.11.3.3.2. Propagande
Distribution la veille du second tour de scrutin sur la voie publique d'un tract faisant état de faits relatifs à des rapports de droit privé entre le requérant et la ville de X au sujet de la location d'un appartement, et donnant à cette affaire une présentation de nature à nuire à la réputation de ce candidat. Même si le candidat proclamé élu a été l'objet d'attaques de caractère polémique sur ses opinions et attitudes politiques et si le tract en cause est présenté comme une réplique à des critiques dont il avait fait l'objet, ces abus de propagande ne pouvaient légitimer l'introduction dans le débat électoral d'un tel argument polémique auquel le requérant ne pouvait répondre. Eu égard au faible écart de voix séparant les candidats cette manœuvre de dernière heure, à laquelle a participé le candidat proclamé élu, a été de nature à exercer une influence suffisante pour modifier le résultat du scrutin. Annulation de l'élection.