Décision

Décision n° 78-873/877 AN du 28 juin 1978

A.N., Meurthe-et-Moselle (1ère circ.)
Annulation

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le Code électoral ;

Vu 1 °) la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés par Mme Yvon Tondon, née Ginette Lombard, et par M. Yvon Tondon, demeurant 74, avenue du Général-Leclerc à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), ladite requête et ledit mémoire enregistrés les 30 mars et 8 avril 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 19 mars 1978 dans la première circonscription de Meurthe-et-Moselle pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale et, à titre principal, proclamer l'élection de M. Yvon Tondon au lieu et place de M. Jean-Jacques Servan-Schreiber ou, subsidiairement, prononcer l'annulation de l'élection de M. Jean-Jacques Servan-Schreiber ;

Vu les observations en défense présentées pour M. Jean-Jacques Servan-Schreiber, député, enregistrées le 26 avril 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en réplique présentées pour M. et Mme Tondon, enregistrées comme ci-dessus le 21 juin 1978 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur, enregistrées le 18 mai 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu 2 °) la requête présentée par M. Jean-Claude Bignon, incorporé dans une unité du 2ème corps d'armée des Forces françaises en Allemagne, ladite requête enregistrée le 30 mars 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il à été procédé le 19 mars 1978 dans la première circonscription de Meurthe-et-Moselle pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations en défense présentées pour M. Jean-Jacques Servan-Schreiber, député, enregistrées le 18 avril 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en réplique présentées pour M. Jean-Claude Bignon, enregistrées comme ci-dessus le 3 mai 1978 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que les deux requêtes susvisées de M. et Mme Tondon et de M. Bignon sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;

En ce qui concerne la requête de M. et Mme Yvon Tondon :

Sur le moyen tiré des irrégularités qui auraient été constatées dans le décompte des bulletins de vote et des émargements :

2. Considérant que, dans le délai de dix jours imparti par l'article L.O. 180 du code électoral pour contester les opérations électorales, M. et Mme Tondon ont invoqué un moyen tiré de ce que des disparités peuvent être constatées dans plusieurs bureaux de vote entre le nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l'urne et le nombre des émargements ; que les requérants sont recevables à préciser après l'expiration du délai de recours la portée de ce moyen en indiquant les bureaux de vote où ces disparités ont été constatées et le nombre des suffrages litigieux ;

3. Considérant qu'en pareil cas, il convient de retenir, pour chaque bureau de vote, le moins élevé des deux nombres et de diminuer corrélativement le nombre des votants, celui des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé ; qu'il résulte de l'instruction que le nombre de voix obtenues par M. Jean-Jacques Servan-Schreiber doit être réduit d'un total de dix-neuf pour les bureaux de vote n° 50 de Nancy, n° 2 de Pont-à-Mousson et n° 1 de Villers-les-Nancy, où ce candidat est arrivé en tête et que le nombre de voix obtenues par M. Tondon, arrivé en tête dans le bureau de vote n° 57 de Nancy doit être diminué d'une unité ; que, par contre, il n'y a pas lieu de procéder à une seconde rectification des résultats du bureau de vote n° 50 de Nancy où M. Jean-Jacques Servan-Schreiber est arrivé en tête, à raison de la disparité, alléguée mais non établie, entre le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne et le nombre total des suffrages exprimés et des bulletins blancs ou nuls ; que, de même, il n'y a pas lieu de rectifier les résultats des élections dans les bureaux de vote de Pompey n° 3 et de Norroy-lès-Pont-à-Mousson où M. Tondon est arrivé en tête, à raison de l'excédant du nombre des émargements par rapport au nombre des enveloppes trouvées dans l'urne, dès lors qu'il n'est pas allégué que des enveloppes auraient été retirées des urnes ; qu'après rectification du nombre des voix obtenues par chacun des candidats, M. Jean-Jacques Servan-Schreiber conserve 32 824 voix et M. Tondon 32 820, soit un écart de 4 suffrages ;

Sur le moyen tiré des irrégularités de la propagande électorale :

4. Considérant que, dans la nuit précédant l'élection, deux tracts en faveur de M. Jean-Jacques Servan-Schreiber ont été distribués à Nancy et à Pont-à-Mousson, introduisant dans le débat électoral un élément de polémique nouveau au sein de la circonscription ; que cette diffusion de tracts a constitué, outre une violation des dispositions des articles L. 49 et L. 165 du Code électoral, une manoeuvre de dernière heure, intervenue après la clôture de la campagne électorale, de nature à exercer sur l'élection une influence suffisante pour en modifier le résultat ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que les conclusions aux fins d'annulation de l'élection de M. Jean-Jacques Servan-Schreiber sont fondées, mais qu'eu égard à leur nature, les irrégularités motivant cette annulation ne sont pas susceptibles de justifier la proclamation de l'élection de M. Yvon Tondon, qui en tout état de cause, sur la base des chiffres rectifiés, n'a pas obtenu la majorité des suffrages exprimés ;

En ce qui concerne la requête de M. Bignon :

6. Considérant que, du fait de l'annulation de l'élection contestée, il n'y a lieu d'examiner les moyens de la requête de M. Bignon ;

Décide :
Article premier :
L'élection de M. Jean-Jacques Servan-Schreiber en qualité de député à l'Assemblée nationale, le 19 mars 1978, dans la première circonscription de Meurthe-et-Moselle est annulée.
Article 2 :
Les conclusions de la requête de M. et Mme Tondon, tendant à la proclamation de M. Yvon Tondon, sont rejetées.
Article 3 :
La requête de M. Bignon est déclarée sans objet.
Article 4 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juin 1978, où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, GOGUEL, BROUILLET, SEGALAT, COSTE-FLORET, PÉRETTI.

Journal officiel du 1er juillet 1978, page 2563
Recueil, p. 184
ECLI : FR : CC : 1978 : 78.873.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Le grief d'une disparité, dans plusieurs bureaux de vote, entre le nombre des émargements et celui des enveloppes et bulletins trouvés dans l'urne ayant été invoqué dans le délai de dix jours imparti par l'article L. 180 du code électoral, sa portée peut être précisée après l'expiration de ce délai par l'indication des bureaux de vote où ont été constatées les discordances ainsi que du nombre des suffrages litigieux.

(78-873/877 AN, 28 juin 1978, cons. 2, Journal officiel du 1er juillet 1978, page 2563)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.12. Portée des griefs

Le grief d'une disparité, dans plusieurs bureaux de vote, entre le nombre des émargements et celui des enveloppes et bulletins trouvés dans l'urne ayant été invoqué dans le délai de dix jours imparti par l'article L. 180 du code électoral, sa portée peut être précisée après l'expiration de ce délai par l'indication des bureaux de vote où ont été constatées les discordances ainsi que du nombre des suffrages litigieux.

(78-873/877 AN, 28 juin 1978, cons. 2, Journal officiel du 1er juillet 1978, page 2563)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.1. Pouvoirs généraux d'instruction
  • 8.3.10.1.2. Jonction d'instance

Jonction de requêtes, plusieurs requêtes étant relatives à la même élection. Jurisprudence constante depuis 1959.

(78-873/877 AN, 28 juin 1978, cons. 1, Journal officiel du 1er juillet 1978, page 2563)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.3. Annulation de l'élection
  • 8.3.11.3.3.2. Propagande

Distribution, dans la nuit précédant le scrutin, de deux tracts introduisant dans le débat électoral un élément de polémique nouveau au sein de la circonscription. Manœuvre de dernière heure, intervenue après la clôture de la campagne électorale, de nature à exercer sur l'élection une influence suffisante pour en modifier le résultat (après rectification des décomptes, le candidat proclamé élu avait 4 voix de majorité.

(78-873/877 AN, 28 juin 1978, cons. 4, 5, Journal officiel du 1er juillet 1978, page 2563)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.5. Réformation

Les irrégularités motivant l'annulation (introduction dans le débat électoral, après la clôture de la campagne, d'un élément de polémique nouveau dans la circonscription et disparité entre le nombre des émargements et celui des enveloppes trouvées dans l'urne) ne sont pas de nature à justifier la proclamation de l'élection du candidat requérant qui, en tout état de cause sur la base des chiffres rectifiés, n'a pas obtenu la majorité des suffrages exprimés.

(78-873/877 AN, 28 juin 1978, cons. 3, Journal officiel du 1er juillet 1978, page 2563)
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