Décision

Décision n° 78-863 AN du 17 mai 1978

A.N., Bouches-du-Rhône (9ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'article 3 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires ;

Vu l'article 7 de la loi n° 55-328 du 30 mars 1955 modifiant le décret organique du 2 février 1852 sur les élections ;

Vu le Code électoral ;

Vu la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant Code du service national ;

Vu le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 21 février 1978 ;

Vu la requête présentée par M. Philippe MARANDAT, demeurant 5, boulevard Jules-Grévy à Marseille (Bouches-du-Rhône), ladite requête enregistrée le 29 mars 1978 à la préfecture des Bouches-du-Rhône et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 19 mars 1978 dans la neuvième circonscription des Bouches-du-Rhône pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations en défense présentées par M. Louis PHILIBERT, député, lesdites observations enregistrées le 18 avril 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur, enregistrées le 19 avril 1978 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance susvisée du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires : « Nul ne peut être élu au Parlement s'il n'a définitivement satisfait aux prescriptions concernant le service militaire actif » ; que cette disposition a pour objet de rendre inéligibles, aux élections pour la désignation des députés et des sénateurs, les personnes qui, à la date du premier tour de scrutin, accomplissent leurs obligations de service militaire actif ou les formes d'accomplissement du service national qui y ont été substituées ;

2. Considérant que l'article 7 de la loi susvisée du 30 mars 1955 dispose que le décret portant codification des dispositions législatives et réglementaires concernant la législation électorale ne pourra apporter aux textes en vigueur que les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification à l'exclusion de toute modification de fond et qu'il en sera de même de l'incorporation dans le code, à laquelle il sera procédé chaque année, des textes législatifs modifiant certaines dispositions du code sans s'y référer expressément ; que, dès lors, si l'article L. 348 du code mentionne, au nombre des dispositions législatives auxquelles se substitue le code, les articles 1 à 5 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, cette disposition n'a pu avoir légalement pour effet d'abroger l'article 3 de ladite ordonnance pour lui substituer des dispositions contraires insérées dans le Code électoral par le décret de codification ;

3. Considérant que, si l'article 4 du Code du service national annexé à la loi susvisée du 10 juin 1971 et dont les dispositions ont été insérées à l'article L. 45 du Code électoral, aux termes duquel ; « Nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par le présent code » n'a pas pour effet de rendre inéligibles les personnes qui accomplissent ces obligations, cette disposition de portée générale, qui est relative à l'ensemble des fonctions publiques, n'a pas, même implicitement, abrogé les dispositions propres à l'élection des parlementaires, qui résultent de l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, ainsi que cela ressort des débats parlementaires à l'issue desquels cette loi a été votée ;

4. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'un recours contre l'élection d'un député, d'apprécier la conformité à la Constitution, ou à un principe général ayant valeur constitutionnelle, de textes ayant le caractère de loi organique ; que le requérant ne saurait, dès lors, invoquer à l'encontre de l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958 le principe d'égalité d'accès des citoyens aux emplois et charges publics ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la date du premier tour de scrutin M. MARANDAT accomplissait dans une formation de l'armée ses obligations d'activité du service national ; que, par suite, c'est à bon droit que par un jugement en date du 21 février 1978 le Tribunal administratif de Marseille a écarté sa candidature,

Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. MARANDAT est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 1978, où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, GOGUEL, BROUILLET, SÉGALAT, COSTE-FLORET, PÉRETTI.

Journal officiel du 23 mai 1978, page 2164
Recueil, p. 93
ECLI : FR : CC : 1978 : 78.863.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.3.2.1.4. Accomplissement des obligations du service national

Accomplissement des obligations d'activité du service national : les conditions d'éligibilité pour l'Assemblée nationale et le Sénat au regard des obligations du service national, sont régies par l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, qui dispose que " nul ne peut être élu au Parlement s'il n'a définitivement satisfait aux prescriptions concernant le service militaire actif ". Si l'article 92 de la Constitution n'a autorisé le Gouvernement à fixer, par des ordonnances ayant force de loi, le régime électoral des assemblées prévues par la Constitution que jusqu'à la mise en place des institutions que celle-ci prévoit, les textes pris en application de cet article ont un caractère permanent et demeurent en vigueur jusqu'à leur abrogation par un texte de même valeur juridique. Le remplacement du service militaire, auquel se réfère l'article 3 de l'ordonnance, par un service national pouvant être accompli suivant diverses modalités, au nombre desquelles figure notamment le service militaire, ne rend pas caduque, faute d'objet, les dispositions de l'article 3. Il convient d'interpréter cet article en fonction des nouvelles obligations d'activité que le code du service national a substituées à celles du service militaire antérieurement prévues par les lois sur le recrutement de l'armée. L'article 4 du code du service national, qui dispose que " nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par le présent code ", inséré au code électoral (article L. 45), est une disposition de portée générale s'appliquant à l'ensemble des fonctions publiques. Si elle ne rend pas inéligibles les personnes qui accomplissent les obligations du service national, elle laisse subsister, pour l'élection des parlementaires, les dispositions plus strictes de l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, laquelle a valeur de loi organique. Le décret portant codification des dispositions législatives et réglementaire concernant la législation électorale ne peut apporter aux textes en vigueur que les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toutes modifications de fond. Il en est de même de l'incorporation dans le code, chaque année, des textes législatifs modifiant certaines dispositions du code sans s'y référer expressément. Dès lors, si l'article L. 348 du code électoral mentionne, au nombre des dispositions législatives auxquelles se substitue ce code, les articles 1er à 5 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, cette disposition n'a pu avoir légalement pour effet d'abroger l'article 3 de ladite ordonnance pour lui substituer des dispositions contraires insérées dans le code électoral par le décret de codification. Sont donc inéligibles au Parlement les personnes qui, à la date du premier tour de scrutin, accomplissent leurs obligations d'activité du service national (en l'espèce, dans une formation de l'armée).

(78-863 AN, 17 mai 1978, cons. 1, 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 23 mai 1978, page 2164)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.2.8. Conformité à la Constitution d'un texte législatif

Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'un recours contre l'élection d'un député, d'apprécier la conformité à la Constitution ou à un principe général ayant valeur constitutionnelle, de textes ayant le caractère de loi organique.

(78-863 AN, 17 mai 1978, cons. 4, Journal officiel du 23 mai 1978, page 2164)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.2. Candidatures
  • 8.4.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.4.2.1.4. Accomplissement des obligations du service national

Accomplissement des obligations d'activité du service national : les conditions d'éligibilité pour l'Assemblée nationale et le Sénat au regard des obligations du service national, sont régies par l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, qui dispose que " nul ne peut être élu au Parlement s'il n'a définitivement satisfait aux prescriptions concernant le service militaire actif ". Si l'article 92 de la Constitution n'a autorisé le Gouvernement à fixer, par des ordonnances ayant force de loi, le régime électoral des assemblées prévues par la Constitution que jusqu'à la mise en place des institutions que celle-ci prévoit, les textes pris en application de cet article ont un caractère permanent et demeurent en vigueur jusqu'à leur abrogation par un texte de même valeur juridique. Le remplacement du service militaire, auquel se réfère l'article 3 de l'ordonnance, par un service national pouvant être accompli suivant diverses modalités, au nombre desquelles figure notamment le service militaire, ne rend pas caduques, faute d'objet, les dispositions de l'article 3. Il convient d'interpréter cet article en fonction des nouvelles obligations d'activité que le code du service national a substituées à celles du service militaire antérieurement prévues par les lois sur le recrutement de l'armée. L'article 4 du code du service national, qui dispose que " nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par le présent code ", inséré au code électoral (article L. 45), est une disposition de portée générale s'appliquant à l'ensemble des fonctions publiques. Si elle ne rend pas inéligibles les personnes qui accomplissent les obligations du service national, elle laisse subsister, pour l'élection des parlementaires, les dispositions plus strictes de l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, laquelle a valeur de loi organique. Le décret portant codification des dispositions législatives et réglementaires concernant la législation électorale ne peut apporter aux textes en vigueur que les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toutes modifications de fond. Il en est de même de l'incorporation dans le code, chaque année, des textes législatifs modifiant certaines dispositions du code sans s'y référer expressément. Dès lors, si l'article L. 348 du code électoral mentionne, au nombre des dispositions législatives auxquelles se substitue ce code, les articles 1er à 5 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, cette disposition n'a pu avoir légalement pour effet d'abroger l'article 3 de ladite ordonnance pour lui substituer des dispositions contraires insérées dans le code électoral par le décret de codification. Sont donc inéligibles au Parlement les personnes qui, à la date du premier tour de scrutin, accomplissent leurs obligations d'activité du service national.

(78-863 AN, 17 mai 1978, cons. 1, 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 23 mai 1978, page 2164)
Toutes les décisions