Décision

Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977

Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement
Conformité

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 27 octobre 1977, par MM Marcel CHAMPEIX, Jean NAYROU, Henri TOURNAN, Maxime JAVELLY, Félix CICCOLINI, André MERIC, Pierre GAUDIN, Robert LAUCOURNET, Pierre NOE, Emile DURIEUX, André BARROUX, Jean-Jacques PERRON, Edgar TAILHADES, Edgard PISANI, Michel MOREIGNE, Robert PONTILLON, Michel DARRAS, René DEBESSON, Paul MISTRAL, Henri DUFFAUT, Bernard CHOCHOY, Léon EECKHOUTTE, Gérard MINVIELLE, Bernard PARMANTIER, Gilbert BELIN, Philippe MACHEFER, Antoine ANDRIEUX, Robert SCHWINT, Charles ALLIES, Franck SERUSCLAT, Louis PERREIN, Marcel BREGEGERE, Georges DAYAN, Raymond COURRIERE, Jean GEOFFROY, Maurice PIC, Marcel SOUQUET, Jean PERIDIER, Maurice VERILLON, Louis LONGEQUEUE, Roger QUILLIOT, Noël BERRIER, Georges DAGONIA, Roland GRIMALDI, Tony LARUE, Pierre PETIT, Marcel MATHY, Abel SEMPLE, Georges SPENALE, Marcel DEBARGE, Roger RINCHET, Jacques CARAT, Jean VARLET, Claude FUZIER, René CHAZELLE, Albert PEN, Emile VIVIER, Melle Irma RAPUZZI, MM Léopold HEDER, Edouard SOLDANI, Emile DIDIER, Louis BRIVES, Jean MERCIER, Mme France LECHENAULT et M Jean BERANGER, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi complémentaire à la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement, et notamment de ses articles premier et 3 ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés ;

Vu la loi du 1er juin 1971 modifiant la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi complémentaire à la loi du 31 décembre 1959 modifiée par la loi du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, les maîtres auxquels est confiée la mission d'enseigner dans un établissement privé lié à l'État par contrat d'association sont tenus de respecter le caractère propre de cet établissement ;

2. Considérant, d'une part, que la sauvegarde du caractère propre d'un établissement lié à l'État par contrat, notion reprise de l'article premier, 4e alinéa, de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés, n'est que la mise en oeuvre du principe de la liberté de l'enseignement ;

3. Considérant que ce principe, qui a notamment été rappelé à l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle ;

4. Considérant que l'affirmation par le même Préambule de la Constitution de 1946 que « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État » ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé, non plus que l'octroi d'une aide de l'État à cet enseignement dans des conditions définies par la loi ; que cette disposition du Préambule de la constitution de 1946 est donc sans influence sur la conformité à la Constitution de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » ; que le Préambule de la Constitution de 1946 rappelle que « Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; que la liberté de conscience doit donc être regardée comme l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;

6. Considérant qu'il résulte du rapprochement des dispositions de l'article 4, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1959, dans la rédaction nouvelle qui leur est donnée par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, et de celles de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1959 que l'obligation imposée aux maîtres de respecter le caractère propre de l'établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience ;

7. Considérant, enfin, que si la loi prévoit la prise en charge par l'État de dépenses relatives au fonctionnement d'établissements d'enseignement privés et à la formation de leurs maîtres, elle ne contient aucune disposition contraire à la Constitution ou à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Décide :
Article premier :
La loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5530
Recueil, p. 42
ECLI : FR : CC : 1977 : 77.87.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.2. DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOÛT 1789
  • 1.2.11. Article 10 - Liberté d'opinion

Affirmation de sa valeur constitutionnelle.

(77-87 DC, 23 novembre 1977, cons. 5, 6, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5530)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.4. PRINCIPES FONDAMENTAUX RECONNUS PAR LES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
  • 1.4.3. Principes retenus
  • 1.4.3.2. Liberté de conscience

Affirmation de la liberté de conscience comme principe fondamental reconnu par les lois de la République.

(77-87 DC, 23 novembre 1977, cons. 5, 6, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5530)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.4. PRINCIPES FONDAMENTAUX RECONNUS PAR LES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
  • 1.4.3. Principes retenus
  • 1.4.3.9. Liberté de l'enseignement

Affirmation du principe.

(77-87 DC, 23 novembre 1977, cons. 3, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5530)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.17. LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET D'OPINION
  • 4.17.1. Liberté de conscience

La liberté de conscience est un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. L'obligation imposée aux maîtres auxquels est confiée la mission d'enseigner dans un établissement privé lié à l'État par un contrat d'association de respecter le caractère propre de l'établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant qu'il soit porté atteinte à leur liberté de conscience.

(77-87 DC, 23 novembre 1977, cons. 5, 6, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5530)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.20. LIBERTÉ ET DROIT DE L'ENSEIGNEMENT
  • 4.20.1. Liberté de l'enseignement

Le principe de la liberté d'enseignement, rappelé, notamment, à l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, constitue l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle. La sauvegarde du caractère propre d'un établissement d'enseignement lié à l'État par contrat n'est que la mise en œuvre du principe de la liberté d'enseignement. L'affirmation par le Préambule de la Constitution de 1946 que l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé non plus que l'octroi d'une aide de l'État à cet enseignement dans les conditions définies par la loi. La liberté de conscience est un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. L'obligation imposée aux maîtres de respecter le caractère propre de l'établissement, si elle leur fait un devoir de réserve, ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience. Si la loi soumise au Conseil constitutionnel prévoit la prise en charge par l'État de dépenses relatives au fonctionnement d'établissements d'enseignement privés et à la formation de leurs maîtres, elle ne contient aucune disposition contraire à la Constitution ou à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

(77-87 DC, 23 novembre 1977, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5530)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 sénateurs, Références doctrinales.
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