Décision

Décision n° 77-825 SEN du 23 novembre 1977

Sénat, Yvelines
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu l'article 642 du code de procédure civile ;

Vu le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 21 septembre 1977 ;

Vu la requête présentée par Mme Danielle Devillard, demeurant à Bois-d'Arcy (Yvelines), 6, avenue Paul-Vaillant-Couturier, par M. André Hautot, demeurant à Versailles (Yvelines), 5, rue Champ-Lagarde, par M. Alexandre Seilinger, demeurant à Rocquencourt (Yvelines), 2, square de la Baume et par M. Georges Bodu, demeurant à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), 30, avenue de Verdun, ladite requête enregistrée le 3 octobre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 1977 dans le département des Yvelines pour la désignation de cinq sénateurs ;

Vu les observations en défense présentées pour M. Edouard Bonnefous, sénateur, enregistrées le 18 octobre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en défense présentées pour MM. Jean Béranger, Bernard Hugo et Philippe Machefer ;

sénateurs, enregistrées le 18 octobre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 18 octobre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en défense présentées par Mme Brigitte Gros, sénateur, enregistrées le 21 octobre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en duplique présentées polir M. Edouard Bonnefous, sénateur, enregistrées le 28 octobre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en réplique présentées pour Mme Devillard, MM. Hautot, Seilinger et Bodu, enregistrées le 2 novembre 1977, et-en duplique enregistrées le 15 novembre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées pour MM. Béranger, Hugo et Machefer, sénateurs, enregistrées le 18 novembre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées pour Mme Brigitte Gros, sénateur, enregistrées le 23 novembre 1977 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les autres, pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le, rapporteur en son rapport ;

Sur la recevabilité de la requête :

1. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 303 du code électoral que les jugements des tribunaux administratifs rendus à la requête des préfets sur la validité des déclarations de candidature pour l'élection au Sénat peuvent être contestés devant le Conseil constitutionnel à l'occasion d'une requête tendant à l'annulation de l'élection ; que tel étant le cas de l'espèce, MM. Béranger, Hugo et Machefer ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Versailles aurait, par jugement du 21 septembre 1977, définitivement prononcé la non-validité de la liste « L'écologie par le pouvoir local » et que le Conseil constitutionnel ne saurait, dés lors, en connaître ;

Sur la validité du jugement du tribunal administratif de Versailles :

2. Considérant qu'aux, termes de l'article L. 303 du code électoral : « Si une déclaration ne remplit pas les conditions prévues aux articles précédents, le préfet saisit dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui statue dans les trois jours » ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ayant reçu le vendredi 16 septembre 1977 à 23 h 45 la démission de l'un des candidats de la liste « L'écologie par le pouvoir local » et constatant que, du fait de ce retrait et de l'absence de désignation d'un autre candidat avant l'heure limite de dépôt des candidatures, cette liste comprenait moins de noms qu'il n'y avait de candidats à élire, le préfet des Yvelines a saisi le tribunal administratif de Versailles du recours prévu par l'article L. 303 précité du code électoral ; que le délai de vingt-quatre heures imparti par cet article pour saisir le tribunal a commencé à courir le 16 septembre 1977 à minuit, heure à laquelle le délai de dépôt des candidatures venant à expiration, la liste ne pouvait plus être complétée ; que ce délai expirait le lendemain à 24 heures et qu'il n'était pas susceptible d'être prolongé par l'effet de l'article 642 du code de procédure civile ; qu'il résulte de la fiche de dépôt postal recommandé que le déféré du préfet saisissant le tribunal administratif a été formé le samedi 17 septembre 1977 à 19 heures, dans le délai de vingt-quatre heures imparti par l'article L. 303 ; que le fait que le déféré n'ait été enregistré au greffe du tribunal administratif de Versailles que le 19 septembre 1977, par suite de la fermeture, très regrettable en de telles circonstances, du greffe de ce tribunal le samedi ne saurait avoir pour effet d'entacher d'irrecevabilité le déféré. dès lors que le préfet n'avait pas la possibilité de faire enregistrer son pourvoi par le greffe avant l'expiration du délai légal ;

4. Mais considérant que, le préfet ayant ainsi saisi le tribunal administratif le 17 septembre 1977, ce tribunal était tenu de se prononcer dans le délai de trois jours suivant cette date, c'est-à-dire le mardi 20 septembre au plus tard ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'annuler pour avoir été rendu hors délai le jugement en date du 21 septembre 197,7 par lequel le tribunal administratif de Versailles s'est prononcé sur le déféré ;

Sur les griefs tirés de ce que l'élection aurait été irrégulière du fait que la liste « L'écologie par le pouvoir local » n'a pu, y participer :

5. Considérant que, si l'article L. 301 du code électoral dispose que le récépissé définitif n'est délivré que si la déclaration de candidature est conforme aux prescriptions des lois en vigueur, le récépissé ainsi délivré à une liste de candidats ne demeure valable qu'aussi longtemps que la composition de cette liste reste inchangée ; que l'article L. 300 du code impose, en son premier alinéa, aux- listes de candidats présentées en vue de l'élection des sénateurs dans les départements où l'élection a lieu à la représentation proportionnelle de comporter, autant de. Noms qu'il y a de sièges à pourvoir et permet, en son quatrième alinéa, le retrait de candidature avant la date limite de dépôt des candidatures ; qu'il suit de là que le retrait d'un candidat, entre la date de délivrance du récépissé définitif et cette date limite de dépôt des candidatures, rend caduc le récépissé délivré au vu de la liste, primitivement constituée ;

6. Considérant que l'article L. 300 du code électoral relatif aux listes de candidats, permet, en son quatrième alinéa, un retrait de candidature même dans le cas où, en vertu du troisième alinéa, la liste a fait l'objet d'une déclaration collective présentée par un mandataire de celle-ci ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à un candidat qui entend se retirer de recueillir le consentement de ses colistiers ou de saisir le préfet de ce retrait par l'intermédiaire du mandataire qui avait été désigné pour déposer la liste ;

7. Considérant qu'aucun texte ne prescrit au préfet d'avertir le représentant d'une liste du retrait de l'un des. Candidats figurant sur cette liste ; que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 301 du code électoral relatives au remplacement d'un candidat décédé ne sauraient recevoir application au cas où un candidat s'est retiré ;

8. Considérant, enfin, que si les requérants allèguent que M. Peltier aurait retiré sa candidature due à « la pression de l'administration » , ils ne font état d'aucun fait .précis justifiant leurs accusations et n'apportent à l'appui de leurs allégations aucun commencement de preuve ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête susvisée ne saurait être accueillie,

Décide :
Article premier :
Le jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles en date du 21 septembre 1977 est annulé.
Article 2 :
La requête susvisée de Mme Devillard et de MM. Hautot, Seilinger et Bodu est rejetée.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par -le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 novembre 1977, où siégeaient MM. .Roger FREY, président, Monnerville, Joxe, Gros, Goguel, Brouillet ; Ségalat, Coste-Floret, Peretti.

Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5531
Recueil, p. 87
ECLI : FR : CC : 1977 : 77.825.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.2. Candidatures
  • 8.4.2.2. Déclaration de candidature
  • 8.4.2.2.2. Recevabilité de la déclaration de candidature
  • 8.4.2.2.2.2. Recours du préfet devant le tribunal administratif

Dépôt de la requête devant le tribunal administratif : le délai de vingt-quatre heures imparti au préfet par l'article L. 303 du code électoral pour saisir le tribunal administratif de la validité des déclarations de candidatures commence à courir à l'heure à laquelle prend fin le délai de dépôt de candidature. Ce délai de vingt-quatre heures n'est pas susceptible d'être prolongé par l'effet de l'article 642 du code de procédure civile. La fermeture du greffe du tribunal administratif durant le délai imparti au préfet pour saisir le tribunal administratif ne saurait rendre irrecevable le déféré du préfet, dès lors que ce dernier n'avait pas la possibilité de faire enregistrer son pourvoi par le greffe avant l'expiration du délai légal. En ce cas, le délai de trois jours, imparti au tribunal administratif pour se prononcer, court du jour de l'expédition du déféré du préfet par lettre recommandée.

(77-825 SEN, 23 novembre 1977, cons. 3, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5531)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.2. Candidatures
  • 8.4.2.3. Retrait de candidature
  • 8.4.2.3.3. Consentement au retrait

Le récépissé définitif délivré à une liste de candidats ne demeure valable qu'aussi longtemps que la composition de cette liste reste inchangée. Dès lors, le retrait d'un candidat, entre la date de délivrance du récépissé définitif et la date limite de dépôt des candidatures, rend caduc le récépissé délivré au vu de la liste primitivement constituée. Retrait individuel (en cas de candidature de liste) : aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à un candidat qui entend se retirer de recueillir le consentement de ses colistiers ou de saisir le préfet de ce retrait par l'intermédiaire du mandataire qui avait été désigné pour déposer la liste. De même, aucun texte ne prescrit au préfet d'avertir le représentant d'une liste du retrait de l'un des candidats figurant sur cette liste.

(77-825 SEN, 23 novembre 1977, cons. 5, 6, 7, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5531)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.7. Contentieux - Compétence
  • 8.4.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.4.7.1.3. Contrôle des jugements des tribunaux administratifs
  • 8.4.7.1.3.1. Jugement statuant sur la validité des candidatures

Aux termes mêmes de l'article L. 303 du code électoral, les jugements de tribunaux administratifs rendus à la requête du préfet sur la validité des déclarations de candidatures pour l'élection du Sénat peuvent être contestés devant le Conseil constitutionnel lors de l'examen d'une requête tendant à l'annulation de l'élection. Dès lors, on ne saurait invoquer devant le Conseil constitutionnel, saisi de la nullité de l'élection, l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal administratif sur la validité d'une déclaration de candidature.

(77-825 SEN, 23 novembre 1977, cons. 1, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5531)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.4.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.4.11.1.5. En raison des circonstances particulières de l'élection

L'annulation, pour vice de forme, d'un jugement du tribunal administratif rendu sur la validité d'une déclaration de candidature, n'entraîne pas nécessairement la nullité de l'élection. Dans le cas dont il s'agit la solution du tribunal était justifiée au fond.

(77-825 SEN, 23 novembre 1977, cons. 4, Journal officiel du 25 novembre 1977, page 5531)
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