Décision

Décision n° 76-92 L du 6 octobre 1976

Nature juridique de dispositions de la loi n° 67-1175 du 28 décembre 1967 portant réforme du régime relatif au droit de port et de navigation modifiée par l'article 64 de la loi de finances pour 1974
Réglementaire

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 8 septembre 1976 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions suivantes :
1) de la loi n° 67-1175 du 28 décembre 1967, portant réforme du régime relatif aux droits de port et de navigation, modifié par l'article 64 de la loi de finances pour 1974 (n 73-1150 du 27 décembre 1973) :
ARTICLE PREMIER.-
"Une taxe sur le navire et, le cas échéant, une taxe de stationnement ;
Une taxe sur les marchandises ;« br /> »Pour les navires de pêche :
Une redevance d'équipement des ports de pêche établie sur les produits de la pêche maritime ;
Pour les navires de plaisance ou de sport :
Une redevance d'équipement des ports de plaisance".
ARTICLE 6.-
« Une taxe à taux variable, suivant les ports, sur le navire et, le cas échéant, une taxe de stationnement à la charge de l'armateur  »
« Une taxe à taux variables, suivant les ports, sur les marchandises débarquées, embarquées ou transbordées, à la charge, selon le cas, de l'expéditeur ou du destinataire ».
ARTICLE 7.-
« 1 ° Les taux de la taxe sur le navire et de la taxe sur les marchandises applicables dans chaque port sont fixés sur proposition de la collectivité ou de l'établissement public intéressé, après enquête, par arrêté du Ministre chargé des ports pris après consultation du Ministre de l'Economie et des finances ; dans les ports non autonomes, le Ministre de tutelle de la collectivité ou de l'établissement public intéressé sera également consulté  »
"3 ° Des arrêtés pris dans les mêmes formes que ceux visés au 1 ° ci-dessus peuvent, sur proposition de la collectivité ou de l'établissement public intéressé, soumettre à une taxe de stationnement les navires dont le séjour au port dépasse un délai déterminé en fonction des conditions d'exploitation et du trafic qui sont propres à ce port.
4 ° L'assiette de la taxe sur le navire est fixée par décret."
ARTICLE 8.-
"Les produits de la pêche d'origine animale frais, conservés ou manufacturés, y compris les produits de l'ostréiculture, de la myticulture, de la conchyliculture, débarqués dans les ports maritimes sont soumis à une redevance dite d'équipement des ports de pêche dont le taux est variable suivant les ports.
Cette redevance est à la charge, soit du vendeur, soit de l'acheteur de ces produits, soit de l'un et de l'autre, dans les conditions fixées par l'arrêté prévu à l'article 9 ci-dessous.
A l'importation, elle est à la charge de l'importateur".
ARTICLE 9.-
« Les taux applicables dans chaque port sont fixés par arrêté, la consultation étant étendue au Ministre chargé de la pêche maritime ».
ARTICLE 10.-
"L'institution sur les produits de la pêche de cette redevance exclut l'application sur ces mêmes produits du droit de port sur les marchandises tel qu'il prévu à l'article 6 ci-dessus.
Toutefois, les arrêtés pris pour chaque port peuvent prévoir le remplacement de la redevance, soit par le droit de port sur les marchandises, soit par une taxe perçue en fonction de la jauge brute du navire et de la durée de son séjour dans le port."
ARTICLE 11.-
"A l'occasion de leur séjour dans un port maritime, les navires de plaisance ou de sport peuvent être soumis à une redevance dite d'équipement des ports de plaisance dont les taux sont variables suivant les ports.
Cette redevance est à la charge du propriétaire du navire".
ARTICLE 12.-
« Les taux applicables dans chaque port sont fixés par arrêté ministériel pris dans les formes prévues au premier alinéa de l'article 7, la consultation étant étendue au Ministre chargé de la jeunesse et des sports et au Ministre chargé du tourisme ».
ARTICLE 14.-
« La taxe sur le navire et la taxe sur les marchandises prévues à l'article 6 de la présente loi sont perçues au profit des collectivités ou des établissements publics participant au financement des travaux du port ».
ARTICLE 15.-
"La redevance d'équipement des ports de pêche et la redevance d'équipement des ports de plaisance sont perçues au profit des collectivités ou des établissements publics participant au financement des travaux du port.
Toutefois, si un navire débarque le produit de sa pêche dans un port autre que son port d'attache, une partie de la redevance d'équipement des ports de pêche perçue au port de débarquement doit être affectée au port d'attache si ce dernier le revendique.
L'arrêté pris pour chaque port intéressé fixe les modalités de cette répartition".
ARTICLE 16.-
« Le produit des redevances d'équipement des ports de pêche et des ports de plaisance ne peut être utilisé qu'à des dépenses effectuées respectivement dans l'intérêt de la pêche ou de la plaisance et relatives à l'établissement, à l'amélioration ou au renouvellement et à l'entretien de tous les équipements du port et à l'amélioration des profondeurs de ses rades, passes, chenaux et bassins ».
ARTICLE 17.-
"Le produit des droits de port perçus dans les ports non autonomes constitue pour les collectivités, établissements publics et autres organismes gestionnaires une recette ordinaire, affectée à l'ensemble des dépenses du port à l'exclusion de toute autre dépense.
L'excédent de ce produit par rapport aux dépenses portuaires est versé chaque année à un fonds spécial de réserve ouvert dans la comptabilité de ces collectivités, établissements publics ou organismes.
Lorsque ce fonds spécial de réserve atteint le maximum fixé par arrêté conjoint du Ministre de l'Economie et des Finances, du Ministre de l'Equipement et du Ministre chargé de la tutelle des collectivités, établissements publics ou organismes considérés, ces collectivités, établissements publics ou organismes entendus, il peut être décidé, dans la même forme, de l'affecter, soit au remboursement anticipé d'emprunts contractés à des fins d'investissements portuaires, soit à la réduction des taux du droit de port".
2) de la loi de finances pour 1974, (loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973) :
ARTICLE 64.-
« 2 ° L'assiette des droits de port actuellement perçus par application de la loi n° 67-1175 du 28 décembre 1967, reste applicable jusqu'à la date de publication du décret prévu à l'article 7, paragraphe 4 de ladite loi modifiée ».

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que, si la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures est attribuée à la compétence du législateur par l'article 34 de la Constitution, en revanche l'institution ou l'aménagement de redevances demandées à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé ou les frais d'établissement ou d'entretien d'un ouvrage public qui trouvent leur contrepartie directe dans des prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage, ne sauraient être regardées comme réservés à la loi ;

2. Considérant que les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel instituent, à l'occasion des séjours des navires dans les ports et des opérations qui y sont effectuées, des droits dont le montant est intégralement affecté au financement de dépenses portuaires ; qu'ainsi ces droits qui trouvent leur contrepartie dans l'utilisation de l'ouvrage public et dans les prestations qui sont fournies à cette occasion ont le caractère de redevances pour service rendu, que, dès lors, ces dispositions ont le caractère réglementaire ;

Décide :
Article premier :
Les dispositions susvisées de la loi du 28 décembre 1967 portant réforme du régime relatif aux droits de port et de navigation et de la loi de finances pour 1974 ont le caractère réglementaire.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 9 octobre 1976, page 5953
Recueil, p. 59
ECLI : FR : CC : 1976 : 76.92.L

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.4. Assiette, taux et modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, régime d'émission de la monnaie
  • 3.7.4.1. Recettes publiques
  • 3.7.4.1.2. Ressources non obligatoires
  • 3.7.4.1.2.1. Rémunération pour services rendus

.
Droit de port et de navigation. Si la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures est attribuée à la compétence du législateur par l'article 34 de la Constitution, en revanche l'institution ou l'aménagement de redevances demandées à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé ou les frais d'établissement ou d'entretien d'un ouvrage public qui trouvent leur contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage ne sauraient être regardés comme réservés à la loi.

(76-92 L, 06 octobre 1976, cons. 2, Journal officiel du 9 octobre 1976, page 5953)

Si la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures est attribuée à la compétence du législateur par l'article 34 de la Constitution, celle-ci ne réserve pas à la loi le soin d'instituer ou d'aménager les redevances demandées à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public ou les frais d'établissement ou d'entretien d'un ouvrage public qui trouvent leur contrepartie dans des prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage. Il appartient au gestionnaire d'un service public de procéder, au moyen des recettes du service, à l'entretien, à l'extension et à l'amélioration des équipements rendus nécessaires par l'évolution des circonstances de droit et de fait, et notamment par l'accroissement du nombre de ses usagers. Par suite, la prise en compte, dans la détermination du montant des redevances, de la rémunération des capitaux investis, ainsi que des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service, ne retire pas à ces contributions leur caractère de redevances pour service rendu. Ne leur retire pas davantage ce caractère la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, aux usagers d'un service ou d'un ouvrage public, lorsqu'il existe entre ces usagers, eu égard à la nature du service ou de l'ouvrage, des différences de situation objectives justifiant une modulation, ou lorsque cette modulation est commandée par une considération d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage. Une compensation limitée peut être organisée entre différentes redevances sans que celles-ci perdent leur caractère de redevances pour service rendu, dès lors que les prestations qu'elles rémunèrent concourent à la fourniture du même service global et que leur produit total n'excède pas le coût des prestations servies.

(76-92 L, 06 octobre 1976, cons. 1, Journal officiel du 9 octobre 1976, page 5953)
À voir aussi sur le site : Références doctrinales.
Toutes les décisions