Décision

Décision n° 76-89 L du 2 juin 1976

Nature juridique de dispositions contenues dans divers textes relatifs à l'administration communale
Partiellement réglementaire

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 11 mai 1976 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions contenues :
- à l'article 10 de l'ordonnance n° 59-33 du 5 janvier 1959 ajoutant un second alinéa à l'article 312 du code de l'administration communale, en tant qu'il prévoit que la décision d'approbation des procès-verbaux d'adjudication et des marchés passés par écrit est prise par « le préfet ou le sous-préfet » et que celui-ci fait connaître sa décision « dans un délai de quarante jours à compter du dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture » ;
- à l'article 2 de la loi n° 67-6 du 3 janvier 1967 tendant à permettre la suppression du régime juridique auquel sont soumis certains terrains communaux, notamment ceux dénommés « parts de marais » ou « parts ménagères », en tant qu'il prévoit que l'état de recensement des parcelles de terrain indique, pour chacune de ces parcelles, « sa désignation cadastrale, sa superficie exacte, les nom, prénoms et domicile » du titulaire actuel du droit de jouissance et « la date à laquelle ce droit a été acquis », « précise si ce droit a été acquis à titre purement viager ou s'il est transmissible par voie héréditaire ou par voie de cession » et mentionne si les droits réels ou locations crées ou consentis l'ont été « par les intéressés ou par leurs auteurs » ;
- à l'article 3, alinéa 2, de la même loi, en tant qu'il prévoit l'affichage de l'état « à la porte de la mairie et en tous lieux utiles » et sa notification « par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le premier mois de l'affichage » ;
- à l'article 5, alinéa 6, de la même loi, aux termes duquel : « les notifications et mises en demeure prévues au présent article sont valablement effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la mise en demeure n'est pas parvenue à son destinataire, elle doit être réitérée par acte extrajudiciaire » ;
- à l'article 9, alinéa 4, de la même loi, aux termes duquel « lorsqu'il y aura litige sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élèvera des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité, celle-ci sera déterminée indépendamment de ces litiges et difficultés sur lesquels les parties seront renvoyées à se pourvoir devant les juridictions compétentes ; le montant de l'indemnité sera déposé à la caisse des dépôts et consignations jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur ces litiges et difficultés » ;
- à l'article unique de la loi n° 70-1200 du 21 décembre 1970, remplaçant l'article 340 du code de l'administration communale relatif aux archives communales, en tant qu'il prévoit, au premier alinéa, que la dérogation au dépôt obligatoire aux archives du département est accordée « par le préfet après avis du directeur des services d'archives du département » ; au deuxième alinéa, que le dépôt d'office est prescrit « par le préfet, à l'expiration d'un délai de six mois suivant une mise en demeure restée sans effet, lorsque le directeur des services d'archives du département a établi, par un rapport écrit » sa nécessité ; au troisième alinéa, que « le préfet » peut mettre la commune en demeure de prendre des mesures « dont le directeur du service d'archives du département établit, par un rapport écrit », la nécessité et prescrire le dépôt d'office « si, à l'expiration d'un délai de six mois, la mise en demeure est restée sans effet » ; au quatrième alinéa, que « le directeur des services d'archives du département remet à la commune, dans les plus brefs délais, un état sommaire et, ultérieurement un répertoire détaillé des documents » déposés ; au cinquième alinéa, que « le directeur des services d'archives du département » assure la conservation des documents d'archives communales qui ont été déposés ;
- à l'article 22 de la loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970, modifiant le deuxième alinéa de l'article 356 du code de l'administration communale, en tant qu'il précise que les autorités compétentes pour approuver des délibérations sont celles « visées à l'article suivant » ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ; qu'il résulte de cette disposition que, si la détermination du domaine de la tutelle administrative qui s'exerce sur les collectivités locales ainsi que sur les établissements publics qui leur sont rattachés relève du domaine de la loi, il appartient au pouvoir réglementaire de répartir, dans les limites ainsi tracées, les attributions de cette tutelle entre les diverses autorités susceptibles de l'exercer ;

- En ce qui concerne les dispositions de l'article 312, alinéa 2, du code de l'administration communale.

2. Considérant que, si l'institution par l'article 312, alinéa 2, du code de l'administration communale d'une procédure d'approbation tacite par l'autorité de tutelle des procès-verbaux d'adjudication et des marchés passés par écrit pour le compte des communes au terme d'un certain délai à compter de leur dépôt met en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales que l'article 34 de la Constitution a réservés à la loi et relève, dès lors, de la compétence du législateur, les dispositions désignant l'autorité administrative compétente pour exercer le pouvoir d'approbation ainsi que celles concernant le lieu du dépôt des documents à approuver et la durée du délai à l'expiration duquel les actes dont il s'agit sont tacitement approuvés, sont du domaine réglementaire ;

- En ce qui concerne les dispositions des articles 2, 3, alinéa 2, 5, alinéa 6, et 9, alinéa 4, de la loi n° 67-6 du 3 janvier 1967 tendant à la suppression du régime juridique auquel sont soumis certains terrains communaux, notamment ceux dénommés « parts de marais » ou « parts ménagères ».

3. Considérant que l'article 1er de la loi du 3 janvier 1967 a prévu la possibilité de mettre fin au régime juridique auquel sont soumis des terrains communaux sur lesquels des habitants sont titulaires de droits de jouissance exclusifs dérogatoires au droit commun ; que l'article 2 de la même loi, relatif au recensement des parcelles concernées par l'application éventuelle de l'article 1er, énumère les renseignements qui doivent être fournis pour permettre l'identification des terrains et l'individualisation des titulaires de droits ; que l'exigence de ces renseignements est indissociable de la détermination des parcelles et de l'identification des titulaires de droits ; que, dès lors, les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 2 mettent en cause les principes fondamentaux du régime de la propriété des droits réels et des obligations civiles et que, par suite, elles relèvent du domaine de la loi ; que, par contre, les dispositions de l'article 3, alinéa 2, relatives au lieu d'affichage de l'état de recensement desdites parcelles, ainsi qu'aux modalités de la notification qui en est faite au titulaire des droits de jouissance et aux personnes qui louent ou qui, de bonne foi, occupent ou exploitent les parcelles sur lesquelles s'exercent ces droits, sont du domaine réglementaire ; qu'il en est de même des modalités de notification et de mise en demeure prévues à l'article 5 de la même loi ;

4. Considérant que l'article 9 pose les règles applicables à la fixation des indemnités dues aux personnes à qui il est fait application des mesures prévues par cette loi du 3 janvier 1967 ; que les dispositions du dernier alinéa de cet article, seules soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, si elles se bornent à rappeler des règles habituelles de compétence et de consignation des indemnités en cas de litige, n'en mettent pas moins en cause, en raison de la nature des droits dont il s'agit, les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles que l'article 34 de la Constitution a réservés au domaine de la loi et relèvent, dès lors, du législateur ;

- En ce qui concerne les dispositions de l'article 340 du code de l'administration communale.

5. Considérant que les dispositions de l'article 340 du code de l'administration communale instituent dans certains cas l'obligation du dépôt dans les archives du département de certaines archives des communes, prévoient des dérogations à ce dépôt obligatoire, donnent le pouvoir à l'autorité supérieure, dans des cas précis et à certaines conditions, de prescrire d'office un tel dépôt ou de mettre les communes en demeure de prendre les mesures de conservation que cette autorité détermine ; qu'ainsi elles mettent en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales et sont, dès lors, du domaine de la loi ; qu'en revanche, la désignation du préfet en tant qu'autorité compétente pour accorder des dérogations à l'obligation de dépôt ou pour prescrire le dépôt d'office, la détermination de la durée du délai qui doit s'écouler entre la mise en demeure et cette décision, ainsi que les autres dispositions de l'article 340 soumises à l'examen du Conseil constitutionnel et qui sont seulement relatives à des modalités de procédure administrative sont du domaine du règlement ;

- En ce qui concerne les dispositions de l'article 356, alinéa 2, du code de l'administration communale.

6. Considérant que les dispositions de cet article soumises à l'examen du Conseil constitutionnel se bornent à désigner l'autorité de tutelle habilitée à approuver au nom de l'Etat les délibérations du Conseil municipal désignant les services dont la commune se propose d'assurer l'exploitation en régie ; que, dès lors, elles sont de nature réglementaire ;

Décide :
Article premier :
Ont le caractère législatif dans la mesure précisée dans les visas et les motifs de la présente décision les dispositions susvisées des articles 312, alinéa 2, et 340 du code de l'administration communale, 2 et 9, alinéa 4, de la loi n° 67-6 du 3 janvier 1967.
Article 2 :
Les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ont le caractère réglementaire dans la mesure précisée dans les visas et les motifs de la présente décision.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 6 juin 1976, page 3476
Recueil, p. 52
ECLI : FR : CC : 1976 : 76.89.L

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.1. Principe de libre administration des collectivités
  • 3.7.11.1.2. Compétence réglementaire
  • 3.7.11.1.2.7. Établissements publics communaux

La mention du caractère administratif des caisses de crédit municipal qui constituent une catégorie d'établissements publics en raison notamment de leur vocation sociale et du monopole des prêts sur gages corporels qui leur est conféré, ne touche pas, par elle-même, aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales.
C.E., sect., 14 mai 1971, Fasquelle, Lebon, p. 360

(76-89 L, 02 juin 1976, Journal officiel du 6 juin 1976, page 3476)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.2. Contre partie du principe : contrôle de l'action des collectivités territoriales
  • 3.7.11.2.1. Archives

Les dispositions de l'article 340 du code de l'administration communale instituent dans certains cas, l'obligation du dépôt dans les archives du département de certaines archives des communes, prévoient des dérogations à ce dépôt obligatoire, donnent le pouvoir à l'autorité supérieure, dans des cas précis et à certaines conditions, de prescrire d'office un tel dépôt ou de mettre les communes en demeure de prendre les mesures de conservation que cette autorité détermine. Elles mettent ainsi en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales et sont, dès lors, du domaine de la loi. En revanche, la désignation du préfet en tant qu'autorité compétente pour accorder des dérogations à l'obligation de dépôt ou pour prescrire le dépôt d'office, la détermination de la durée du délai qui doit s'écouler entre la mise en demeure et cette décision, ainsi que les autres dispositions de l'article 340 qui sont seulement relatives à des modalités de procédure administrative sont du domaine du règlement.

(76-89 L, 02 juin 1976, cons. 5, Journal officiel du 6 juin 1976, page 3476)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.2. Contre partie du principe : contrôle de l'action des collectivités territoriales
  • 3.7.11.2.3. Compétence des collectivités territoriales et tutelle administrative
  • 3.7.11.2.3.2. Désignation de l'autorité de tutelle

Les dispositions qui se bornent à désigner l'autorité de tutelle habilitée à approuver au nom de l'État, les délibérations de Conseil municipal désignant les services dont la Commune se propose d'assurer l'exploitation en régie, sont de nature réglementaire.

(76-89 L, 02 juin 1976, cons. 6, Journal officiel du 6 juin 1976, page 3476)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.2. Contre partie du principe : contrôle de l'action des collectivités territoriales
  • 3.7.11.2.3. Compétence des collectivités territoriales et tutelle administrative
  • 3.7.11.2.3.3. Domaine et mise en œuvre de la tutelle

Si l'utilisation par l'article 312, alinéa 2, du code de l'administration communale d'une procédure d'approbation traité par l'autorité de tutelle des procès-verbaux d'adjudication et des marchés passés par écrit pour le compte des communes en terme d'un certain délai à compter de leur dépôt, met en cause les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales que l'article 34 de la Constitution a réservés à la loi et relève, dès lors, de la compétence du législateur, les dispositions désignant l'autorité administrative compétente pour exercer le pouvoir d'approbation, ainsi que celles concernant le lieu du dépôt des documents à approuver et la durée du délai à l'expiration duquel les actes dont il s'agit sont tacitement approuvés, sont du domaine réglementaire.

(76-89 L, 02 juin 1976, cons. 2, Journal officiel du 6 juin 1976, page 3476)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.14. Régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales
  • 3.7.14.1. Principes fondamentaux du régime de la propriété
  • 3.7.14.1.15. Divers
  • 3.7.14.1.15.4. Terrains communaux

L'article 1er de la loi du 3 janvier 1967 a prévu la possibilité de mettre fin au régime juridique auquel sont soumis les terrains communaux sur lesquels des habitants sont titulaires de droits de jouissance exclusifs dérogatoires au droit commun. L'article 2 de la même loi, relatif au recensement des parcelles concernées par l'application éventuelle de l'article 1er, énumère les renseignements qui doivent être fournis pour permettre l'identification des terrains et l'individualisation des titulaires de droits. L'exigence de ces renseignements est indissociable de la détermination des parcelles et de l'identification des titulaires des droits. Dès lors, les dispositions de l'article 2 mettent en cause les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et relèvent, par suite, du domaine de la loi. Par contre, les dispositions relatives au lieu d'affichage de l'état de recensement desdites parcelles, ainsi qu'aux modalités de la notification qui en est faite au titulaire des droits de jouissance et aux personnes qui louent ou qui, de bonne foie, occupent ou exploitent les parcelles sur lesquelles s'exercent ces droits, sont du domaine réglementaire.

(76-89 L, 02 juin 1976, cons. 3, Journal officiel du 6 juin 1976, page 3476)
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