Décision

Décision n° 75-59 DC du 30 décembre 1975

Loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores
Conformité

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 17 décembre 1975 par MM Alain VIVIEN, Gaston DEFFERRE, André GUERLIN, Alex RAYMOND, Pierre LAGORCE, Alain BONNET, Fernand SAUZEDDE, Jacques-Antoine GAU, Maurice ANDRIEU, Alain SAVARY, Antoine GAYRAUD, Louis DARINOT, Robert CAPDEVILLE, Louis BESSON, Christian LAURISSERGUES, André BOULLOCHE, Raoul BAYOU, Joseph FRANCESCHI, Robert AUMONT, Guy BECK, Pierre JOXE, André DELEHEDDE, Pierre MAUROY, Jean BERNARD, Maurice MASQUERE, Yves ALLAINMAT, Marcel MASSOT, Henri LAVIELLE, Henri MICHEL, Georges FRECHE, André GRAVELLE, André BILLOUX, Jean MASSE, Claude DELORME, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Pierre GAUDIN, Maurice LEGENDRE, Paul ALDUY, Jean-Pierre COT, Gilbert SCHWARTZ, Guy DUCOLONE, Mme Hélène CONSTANS, M Lucien VILLA, Mme Jacqueline CHONAVEL, MM Roger GOUHIER, René LAMPS, Dominique FRELAUT, Roger COMBRISSON, Pierre CHARLES, Jack RALITE, Yves LE FOLL, Paul BALMIGERE, Claude WEBER, Pierre ARRAUT, Gilbert MILLET, Emile JOURDAN, Claude MICHEL, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores, telle que cette loi a été adoptée par le Parlement ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution, dispose : « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressés » ;

2. Considérant que les dispositions de cet article doivent être interprétées comme étant applicables, non seulement dans l'hypothèse où la France céderait à un État étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire, mais aussi dans l'hypothèse où un territoire cesserait d'appartenir à la République pour constituer un État indépendant ou y être rattaché ;

3. Considérant que l'île de Mayotte est un territoire au sens de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution, ce terme n'ayant pas dans cet article la même signification juridique que dans l'expression territoire d'Outre-Mer, telle qu'elle est employée dans la Constitution ;

4. Considérant, en conséquence, que cette île ne saurait sortir de la République française sans le consentement de sa propre population ; que, dès lors, les articles premier et 2 de la loi déférée au Conseil constitutionnel font une exacte application de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution ;

5. Considérant que cette loi n'a pour objet, dans aucune de ses dispositions, de définir ou de modifier l'organisation particulière d'un territoire d'Outre-Mer ; qu'en conséquence l'article 74 ne saurait recevoir application dans le cas de l'espèce ;

6. Considérant que l'île de Mayotte fait partie de la République française ; que cette constatation ne peut être faite que dans le cadre de la Constitution, nonobstant toute intervention d'une instance internationale, et que les dispositions de la loi déférée au Conseil constitutionnel qui concernent cette île ne mettent en cause aucune règle du droit public international ;

7. Considérant que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, déclare que la République française n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple ;

8. Considérant qu'aucune des dispositions de la loi déférée au Conseil constitutionnel ne tend à l'emploi des forces de la République contre la liberté de quelque peuple que ce soit ; que, bien au contraire, son article 8 dispose « les îles de la Grande Comore, d'Anjouan et de Mohéli », dont les populations se sont prononcées, à la majorité des suffrages exprimés, pour l'indépendance, « cessent, à compter de la promulgation de la présente loi, de faire partie de la République française » ;

9. Considérant que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores ne contredit aucune disposition du Préambule de la Constitution, aucun des textes auquel ce Préambule fait référence, ni aucun article de la Constitution ;

Décide :

Article premier :
Les dispositions de la loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores déférée au Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République.

Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182
Recueil, p. 26
ECLI : FR : CC : 1975 : 75.59.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.17. Alinéa 14 - Rejet des guerres de conquête et de l'emploi de la force contre la liberté des peuples

Le Préambule de la Constitution de 1946, confirmé par celui de la Constitution de 1958 déclare que la République française n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Aucune des dispositions de la loi déférée au Conseil constitutionnel ne tend à l'emploi des forces de la République contre la liberté de quelque peuple que ce soit. Bien au contraire, son article 8 dispose " les Îles de la Grande Comore, d'Anjouan et de Mohéli ", dont les populations se sont prononcées, à la majorité des suffrages exprimés, pour l'indépendance, " cessent, à compter de la promulgation de la présente loi, de faire partie de la République française ".

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 7, 8, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.7. Titre VI - Des traités et accords internationaux
  • 1.5.7.2. Article 53 de la Constitution
  • 1.5.7.2.2. Principe de libre détermination des peuples d'outre-mer et de libre manifestation de leur volonté (article 53 alinéa 3)

Affirmation de sa valeur constitutionnelle.

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 4, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT INTERNATIONAL
  • 7.1.1. Droit public international
  • 7.1.1.2. Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

Les dispositions de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution, qui prévoient que : " Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées ", doivent être interprétées comme étant applicables, non seulement dans l'hypothèse où la France céderait à un État étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire, mais aussi dans l'hypothèse où un territoire cesserait d'appartenir à la République pour constituer un État indépendant ou y être rattaché. L'île de Mayotte est un territoire au sens de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution, en conséquence, elle ne saurait sortir de la République française sans le consentement de sa propre population. L'île de Mayotte fait partie de la République française et cette constatation ne peut être faite que dans le cadre de la Constitution. Par suite, aucune règle du droit public international ne se trouve en cause.

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 1, 2, 3, 4, 6, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
  • 14.1.1. Indivisibilité de la République - Appartenance à la République
  • 14.1.1.1. Libre détermination des peuples et libre manifestation de leur volonté
  • 14.1.1.1.1. Îles des Comores

Le Préambule de la Constitution de 1946, confirmé par celui de la Constitution de 1958, déclare que la République française n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Aucune des dispositions de la loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores ne tend à l'emploi des forces de la République contre la liberté de quelque peuple que ce soit. Bien au contraire, son article 8 dispose que " les Îles de la Grande Comore, d'Anjouan et de Mohéli ", dont les populations se sont prononcées à la majorité des suffrages exprimés pour l'indépendance, " cessent, à compter de la promulgation de la présente loi, de faire partie de la République française ".

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 7, 8, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
  • 14.1.1. Indivisibilité de la République - Appartenance à la République
  • 14.1.1.1. Libre détermination des peuples et libre manifestation de leur volonté
  • 14.1.1.1.2. Mayotte

Les dispositions de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution doivent être interprétées comme étant applicables non seulement dans l'hypothèse où la France céderait à un État étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire, mais aussi dans l'hypothèse où un territoire cesserait d'appartenir à la République pour constituer un État indépendant ou y être rattaché. L'île de Mayotte est un territoire au sens de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution, ce terme n'ayant pas dans cet article la même signification juridique que dans l'expression territoire d'outre-mer, telle qu'elle est employée dans la Constitution.

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 2, 3, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)

Conformément aux dispositions de l'article 53 de la Constitution, l'île de Mayotte ne saurait sortir de la République française sans le consentement de sa propre population. Dès lors, les articles 1er et 2 de la loi déférée au Conseil constitutionnel font une exacte application de l'article 53, dernier alinéa, de la Constitution.

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 4, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)

L'île de Mayotte fait partie de la République française. Cette constatation ne peut être faite que dans le cadre de la Constitution, nonobstant toute intervention d'une instance internationale et les dispositions de la loi relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores ne mettent en cause aucune règle de droit public international.

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 6, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.6. TERRITOIRES D'OUTRE MER (pour mémoire)
  • 14.6.1. Notion d'organisation particulière
  • 14.6.1.2. Existence

La loi relative aux conséquences de l'autodétermination des Iles des Comores n'a pour objet, dans aucune de ses dispositions, de définir ou de modifier l'organisation particulière d'un territoire d'outre-mer. En conséquence l'article 74 de la Constitution ne saurait recevoir application dans le cas de l'espèce.

(75-59 DC, 30 décembre 1975, cons. 5, Journal officiel du 3 janvier 1976, page 182)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 députés, Références doctrinales.
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