Décision

Décision n° 74-33 PDR du 24 mai 1974

Déclaration du Conseil constitutionnel (à l'occasion de la proclamation des résultats de l'élection présidentielle de 1974)

Le Conseil constitutionnel, chargé, en application de l'article 58 de la Constitution, de veiller à la régularité de l'élection du Président de la République, et tirant la leçon des constatations qu'il a pu faire au cours de trois élections du Président de la République au suffrage universel, estime de sa responsabilité de rendre publique la déclaration suivante :

I - En ce qui concerne la présentation des candidats.
A - NOMBRE DE PRÉSENTATIONS :
Si le principe de la présentation des candidats par certaines catégories de citoyens n'appelle aucune critique, il importe, pour respecter l'esprit même de l'institution de l'élection du Président de la République par le suffrage universel, que les candidatures aient une assise véritablement nationale. Il est également indispensable que tout courant réel d'opinion puisse susciter une candidature.
A ces fins, il conviendrait d'augmenter le nombre de présentations et d'exiger que les signataires de celles-ci comprennent des élus du quart au moins des départements et territoires tout en évitant de paraître conférer à l'une quelconque des catégories de citoyens habilités a signer des présentations un privilège par rapport aux autres.
B - FORME DES PRÉSENTATIONS :
La présentation d'un candidat à l'élection du Président de la République est un
acte politique grave. Il importe donc de l'entourer de toute la solennité nécessaire.
A cette fin, il y aurait lieu, d'une part, d'exiger que les présentations fussent établies sur des formulaires officiels tenus à la disposition des citoyens et, d'autre part, de rendre publique, pour chaque candidat, la liste des auteurs de présentation.
En outre, pour garantir l'authenticité des signatures figurant sur les présentations, ces signatures, avant leur envoi au Conseil constitutionnel, devraient être certifiées sur place par un magistrat de l'ordre judiciaire.
II - En ce qui concerne les opérations consécutives au premier tour de scrutin.
En vertu des dispositions de l'article 27, deuxième alinéa, du décret du 14 mars
1964, si la majorité absolue n'est pas atteinte au premier tour de scrutin, le Conseil constitutionnel doit faire connaître au plus tard le mardi suivant à 20 heures le nombre des suffrages obtenus par chacun des candidats en présence.
Un si court laps de temps est à peine suffisant pour permettre la réception et l'examen des procès-verbaux des départements métropolitains.
Il résulte en outre de la combinaison des dispositions des articles 27 et 28 du décret du 14 mars 1964 que le Conseil constitutionnel se trouve dans la situation d'avoir à publier des résultats alors que les délais ouverts pour la contestation de ces résultats expirent dans la plupart des cas à l'instant même où ceux-ci doivent être proclamés, lesdits délais n'étant même pas expirés pour certains départements d'outre-mer en raison du décalage horaire.
Il y a là une anomalie qui devrait être supprimée par le report au jeudi suivant le premier tour de scrutin à 12 heures de la date limite de proclamation des résultats du premier tour.
III - En ce qui concerne l'hypothèse du décès d'un candidat.
Le cas du décès d'un des candidats admis à se présenter n'est pas envisagé de façon précise, ce qui risque de poser éventuellement un problème d'appréciation particulièrement délicat.
IV - En ce qui concerne les sondages d'opinion.
Les sondages d'opinion réalisés et publiés au cours de la campagne de l'élection
présidentielle de 1974 ont tenu une place considérable dans les commentaires consacrés à cette campagne par la presse, par la radiodiffusion et par la télévision, ainsi, semble-t-il, que dans les préoccupations de très nombreux citoyens. Cette situation pose incontestablement un problème.
Aussi conviendrait-il que les conditions dans lesquelles les sondages sont réalisés et dans lesquelles leurs résultats sont rendus publics fissent l'objet d'un code de déontologie de nature à éviter que le choix des citoyens ne soit influencé par une appréciation, qui peut être erronée, des chances respectives des candidats.
Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de proposer des solutions à cet égard. Mais il lui est permis de suggérer que le problème dont il reconnaît l'existence fasse l'objet d'une réflexion approfondie, destinée à aboutir à l'établissement d'un véritable statut de la pratique des sondages d'opinion en période électorale.
A Paris, le 24 mai 1974.

Recueil, p. 57
ECLI : FR : CC : 1974 : 74.33.PDR

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