Décision n° 69-57 L du 24 octobre 1969
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 15 octobre 1969 par le Premier ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions de l'article 96 de la loi de finances n° 59-1454 du 26 décembre 1959, à l'exception de celles du troisième alinéa du paragraphe II dudit article ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;
Vu la loi de finances n° 59-1454 du 26 décembre 1959, notamment son article 96 ;
1. Considérant que les dispositions susénoncées du paragraphe I et du paragraphe II, premier alinéa, de l'article 96 de la loi de finances susvisée du 26 décembre 1959, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, ont pour objet de dispenser d'une manière provisoire ou définitive et dans les conditions qu'elles déterminent, les anciens élèves de l'Ecole polytechnique qui ont obtenu à leur sortie de l'Ecole, des rémunérations, des allocations ou des bourses pour travaux ou recherches scientifiques, de rembourser à l'Etat les frais de scolarité supportés par celui-ci à leur profit ;
2. Considérant, d'une part, que l'article 34 de la Constitution réserve à la compétence du législateur la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; qu'en vertu de l'article 5 de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances la rémunération des services rendus par l'Etat ne peut être instituée que par la voie réglementaire ;
3. Considérant que le remboursement des frais de scolarité dont, en vertu de l'article 96 de la loi de finances du 26 décembre 1959 susvisée, sont dispensés les anciens élèves de l'Ecole polytechnique qui remplissent les conditions prévues audit article, trouve sa contrepartie directe dans des prestations fournies par le service et possède ainsi le caractère d'une rémunération pour service rendu et non celui d'une imposition ou d'une taxe ; dès lors, les dispositions dont il s'agit ne mettent pas en cause les règles susénoncées de l'article 34 de la Constitution ;
4. Considérant, d'autre part, que lesdites dispositions ne touchent à aucune des autres règles non plus qu'à aucun des principes fondamentaux que ce même article 34 a rangés dans le domaine de la loi, qu'ainsi elles ont le caractère réglementaire ;
5. Considérant, enfin, que la disposition du deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 96 susvisé, aux termes de laquelle les dispositions prévues au paragraphe II dudit article sont déclarées « applicables aux anciens élèves de l'Ecole polytechnique sortis en juillet 1959 » a un caractère rétroactif ; que, par suite, elle échappe à la compétence du pouvoir réglementaire ;
Décide :
Article premier :
Les dispositions du paragraphe I ainsi que celles du premier alinéa du paragraphe II de l'article 96 de la loi de finances susvisée du 26 décembre 1959 ont le caractère réglementaire.
Article 2 :
La disposition de l'alinéa 2 du paragraphe II du même article 96 de ladite loi de finances, également soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, a le caractère législatif.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 1er novembre 1969
Recueil, p. 32
ECLI : FR : CC : 1969 : 69.57.L
Les abstracts
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
- 3.6.3. Article 37 alinéa 2 (procédure de la délégalisation)
- 3.6.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
- 3.6.3.3.7. Délimitation du domaine loi / règlement
- 3.6.3.3.7.1. Domaine de la loi
3.6.3.3.7.1.2. Principes généraux du droit
Relèvent du domaine de la loi les dispositions qui mettent en cause un des principes généraux du droit. Tel est le cas, en l'espèce, pour une disposition législative qui confère un caractère rétroactif à une disposition qui ressortit matériellement à la compétence du pouvoir réglementaire
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
- 3.7.4. Assiette, taux et modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, régime d'émission de la monnaie
- 3.7.4.1. Recettes publiques
- 3.7.4.1.2. Ressources non obligatoires
3.7.4.1.2.1. Rémunération pour services rendus
Relèvent de la compétence réglementaire la rémunération des services rendus par l'État et la dispense de cette rémunération. Il en va ainsi du remboursement des frais de scolarité
dont sont dispensés les anciens élèves de l'École polytechnique remplissant certaines conditions - car il trouve sa contrepartie directe dans les prestations fournies. Il s'agit donc d'une rémunération pour service rendu et non d'un impôt ou d'une taxe