Décision

Décision n° 69-37 DC du 20 novembre 1969

Résolution modifiant et complétant le règlement de l'Assemblée nationale
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 28 octobre 1969 par le Président de l'Assemblée nationale, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution en date du 23 octobre 1969 modifiant et complétant le règlement de l'Assemblée nationale en ses articles 7, 10, 11, 20, 25, 26, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 43, 46, 48, 49, 50, 54, 56, 58, 61, 66, 87, 88, 91, 95, 99, 100, 101, 103, 104, 105, 106, 107, 111, 118, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 139, 147, 148, 148-1, 148-2, 149, 151, 162 ;

Vu la Constitution,

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et notamment ses articles 17, alinéa 2, 19, 20 et 23, alinéa 2 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et notamment son article 5 ;

En ce qui concerne l'article 31, 4ème alinéa, du règlement de l'Assemblée nationale :

1. Considérant que les dispositions de ce texte, relatives à l'organisation du débat faisant suite à une opposition formulée contre la constitution d'une commission spéciale - dans la mesure où elles précisent, à la différence de nombreuses dispositions du même règlement, que, seuls, certains parlementaires dont elles énoncent la qualification pourront prendre la parole dans ce débat - sont contraires aux dispositions de l'article 31, 1er alinéa, de la Constitution aux termes duquel les membres du Gouvernement sont entendus par les assemblées quand ils le demandent ;

En ce qui concerne les dispositions de l'article 33, alinéa 2, et de l'article 34, 1er alinéa :

2. Considérant que la conformité à la Constitution des règlements des assemblées parlementaires doit s'apprécier tant au regard de la Constitution elle-même que des lois organiques prévues par celle-ci ainsi que des mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions, prises en vertu du 1er alinéa de l'article 92 de la Constitution ;

3. Considérant que l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, prise en vertu de l'article 92 de la Constitution, prévoit dans son article 5, que le règlement de chaque assemblée parlementaire fixe la composition et le mode de désignation des membres des commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution ainsi que les règles de leur fonctionnement ;

4. Considérant que les dispositions de l'article 33, alinéa 2, du règlement de l'Assemblée nationale, dans la rédaction qui leur a été donnée par la résolution du 23 octobre 1969, prévoient que, par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, le Président de l'Assemblée peut décider de porter à 41 membres l'effectif des commissions spéciales ; qu'ainsi elles peuvent aboutir à déléguer, sans habilitation, au Président de l'Assemblée, une compétence qui, en vertu du texte précité, n'appartient qu'à l'Assemblée nationale elle-même ; que, par suite, lesdites dispositions de l'article 33, alinéa 2, du règlement ne sont pas conformes aux dispositions relatives aux mesures nécessaires à la mise en place des institutions et doivent dès lors, être regardées comme non conformes à la Constitution ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, des dispositions de l'article 34, 1er alinéa, dans la mesure où elles précisent que l'affichage ou la notification qu'elles prévoient doivent comporter l'indication de l'effectif de la commission spéciale ;

En ce qui concerne les dispositions de l'article 41, 1er alinéa :

5. Considérant qu'en limitant à la seule Conférence des Présidents le pouvoir de déroger, par une décision prise au début d'une session et pour toute sa durée, à la règle suivant laquelle la matinée du jeudi est réservée aux travaux des commissions permanentes, les dispositions dont il s'agit rapprochées des dispositions de l'article 50, alinéa 3, qui interdisent à l'Assemblée de siéger pendant les matinées réservées aux réunions des commissions, font obstacle à l'application du principe édicté par l'article 48, 1er alinéa, de la Constitution, d'après lequel « l'ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de lois déposés par le Gouvernement et des propositions de lois acceptées par lui » ; que, par suite et dans cette mesure, les dispositions précitées, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, ne peuvent être regardées comme conformes à la Constitution ;

En ce qui concerne les dispositions de l'article 133, 1er alinéa, et de l'article 147, alinéas 3 et 4 :

6. Considérant que les dispositions de l'article 133, 1er alinéa, en ce qu'elles permettent au Président d'une commission permanente, à la suite d'une décision spéciale de cette commission, de poser, au nom de celle-ci et indépendamment du droit qu'il tient de sa qualité de député, des questions orales à un ministre, sont contraires à celles de l'article 48, alinéa 2, de la Constitution, lequel réserve aux seuls membres du Parlement et non aux organes de celui-ci la faculté de poser des questions au Gouvernement ; qu'il en est de même et pour le même motif, des dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article 147, en ce quelles prévoient la possibilité de faire poser par le Président d'une commission permanente, une question orale portant sur l'objet d'une pétition, conformément à l'article 133 ;

En ce qui concerne les dispositions de l'article 147, alinéa 5 :

7. Considérant que les dispositions dudit alinéa, en tant quelles imposent un délai de réponse au ministre auquel a été renvoyée une pétition, ne peuvent être regardées comme conformes à la Constitution, dès lors que le droit de pétition dans son fondement et dans sa nature ne saurait être considéré comme mettant en cause les principes constitutionnels qui régissent les rapports du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ;

En ce qui concerne les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel :

8. Considérant que les dispositions des articles 7, 10, 11, 20, 25, 26, 28, 29, 30, 31 (al. 1 et 3), 32, 33 (al. 1 et 3), 34 (al. 2, 3, 4 et 5), 36, 37, 38, 39, 40, 41 (al. 2 et 3), 43, 46, 48, 49, 50, 54, 56, 58, 61, 66, 87, 88, 91, 95, 99, 100, 101, 103, 104, 105, 106, 107, 111, 118,132, 134, 135, 136,137-1, 139, 147 (al. 1, 2 et 6), 148, 148-1, 148-2, 149, 151 et 162, modifiées par la résolution susvisée et dans la rédaction qui leur a été donnée par celle-ci, ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution sous réserve, toutefois, en ce qui concerne notamment les dispositions des articles 25, 31, 32, 34, 37, 38, 49, 104, 132, 149 et 151 et en tant qu'elles réservent certains pouvoirs aux groupes et aux présidents de groupes, que, dans l'application de celles-ci, il ne soit pas porté atteinte au principe édicté à l'article 27 de la Constitution d'après lequel le droit de vote des membres du Parlement est personnel ;

Décide :

Article premier :
Sont déclarées non conformes à la Constitution, dans la mesure ci-dessus précisée, les dispositions des articles 31 (al 4), 33 (al 2), 34 (1er al), 41 (1er al), 133 (1er al) et 147 (al 3, 4 et 5) du règlement de l'Assemblée nationale dans la rédaction qui leur a été donnée par la résolution susvisée en date du 23 octobre 1969.

Article 2 :
Sont déclarées conformes à la Constitution, sous la réserve indiquée dans les motifs de la présente décision, les autres dispositions dudit règlement soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, telles qu'elles résultent de la résolution du 23 octobre 1969.

Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682
Recueil, p. 15
ECLI : FR : CC : 1969 : 69.37.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.8. Titre VII - Le Conseil Constitutionnel
  • 1.5.8.7. Contrôle a priori de la constitutionnalité des lois, des référendums de l'article 11 alinéa 3 et des règlements d'assemblée (article 61)
  • 1.5.8.7.1. Contrôle obligatoire de constitutionnalité (article 61 alinéa 1er)
  • 1.5.8.7.1.3. Contrôle des règlements d'assemblée
  • 1.5.8.7.1.3.2. Normes de référence pour le contrôle de constitutionnalité des règlements des assemblées

La conformité à la Constitution des règlements des assemblées parlementaires doit s'apprécier tant au regard de la Constitution elle-même que des lois organiques prévues par elle ainsi que des mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions, prises en vertu de l'alinéa 1er de l'article 92 de la Constitution. L'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires entre dans cette catégorie.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 2, 3, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.2. ORGANISATION DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES ET DE LEURS TRAVAUX
  • 10.2.2. Composition et organisation du Parlement
  • 10.2.2.2. Organe directeur
  • 10.2.2.2.3. Conférence des présidents

N'est pas contraire à la Constitution une disposition du règlement d'une assemblée faisant figurer parmi les membres de la Conférence des présidents, le président de la délégation de cette assemblée pour les Communautés européennes.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 3, 4, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.2. ORGANISATION DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES ET DE LEURS TRAVAUX
  • 10.2.2. Composition et organisation du Parlement
  • 10.2.2.3. Organes fonctionnels
  • 10.2.2.3.1. Commissions et organes assimilés

La conformité à la Constitution des règlements des assemblées parlementaires doit s'apprécier tant au regard de la Constitution elle-même que des lois organiques prévues par elle ainsi que des mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions, prises en vertu de l'alinéa 1er, de l'article 92 de la Constitution. L'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui entre dans cette dernière catégorie, prévoit que la composition des commissions spéciales et permanentes est fixée par le règlement de chaque assemblée. L'Assemblée nationale ne peut donc déléguer, en la matière, à son président une compétence qui n'appartient qu'à elle-même.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 2, 3, 4, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.2. ORGANISATION DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES ET DE LEURS TRAVAUX
  • 10.2.3. Organisation des travaux
  • 10.2.3.2. Ordre du jour
  • 10.2.3.2.5. Travaux des commissions

N'est pas conforme à la Constitution l'attribution à la seule Conférence des présidents du pouvoir de déroger à la règle selon laquelle la matinée du jeudi est réservée aux travaux des commissions permanentes. En effet, l'article 50, alinéa 3, de son règlement interdisant à l'Assemblée nationale de siéger pendant les matinées réservées aux commissions, la combinaison de ces deux dispositions permettrait de faire obstacle à l'application du principe posé par l'article 48, premier alinéa, de la Constitution, d'après lequel " l'ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé la discussion des projets de lois déposés par le Gouvernement et des propositions de lois acceptées par lui ".

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 5, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.3. Organisation des débats
  • 10.3.3.1. Prérogatives du Gouvernement

En vertu de l'article 31, alinéa 1er, de la Constitution, les membres du Gouvernement sont entendus par les assemblées quand ils le demandent. Non-conformité à ce texte d'une disposition du règlement de l'Assemblée nationale précisant les droits des députés dans un débat dont la durée est limitée, sans mentionner les droits du Gouvernement.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 1, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.7. Vote
  • 10.3.7.2. Exercice du droit de vote personnel : Constitution, article 27
  • 10.3.7.2.2. Pouvoirs donnés aux groupes et aux présidents de groupe

Des dispositions du règlement de l'Assemblée nationale qui réservent certains pouvoirs aux groupes et aux présidents des groupes ne sont déclarées conformes à la Constitution que sous la condition que, dans leur application, il ne soit pas porté atteinte au principe édicté à l'article 27 de la Constitution d'après lequel le droit de vote des membres du Parlement est personnel.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 8, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.3. Contrôle de l'activité gouvernementale et évaluation des politiques publiques en séance et en commission
  • 10.4.3.1. Contrôle en séance publique
  • 10.4.3.1.2. Questions

Aux termes de l'article 48, deuxième alinéa, de la Constitution, la faculté de poser des questions orales au Gouvernement appartient aux " membres du Parlement ", ce qui exclut de laisser cette même faculté aux organes du Parlement. Le président d'une commission ne peut donc poser une question orale qu'en vertu du droit qu'il tient de sa qualité de membre du Parlement, et non à la suite d'une décision spéciale de la commission et au nom de celle-ci.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 6, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.4. Autres procédures de contrôle et d'information
  • 10.4.4.3. Pétitions
  • 10.4.4.3.2. Suite donnée aux pétitions

La suite donnée par les ministres aux pétitions qui leur sont transmises relève de leur compétence exclusive car le droit de pétition, dans son fondement et dans sa nature, ne saurait être considéré comme mettant en cause les principes constitutionnels qui régissent les rapports du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il n'appartient donc pas aux règlements des assemblées parlementaires d'imposer des délais aux ministres en cette matière.

(69-37 DC, 20 novembre 1969, cons. 7, Journal officiel du 30 novembre 1969, page 11682)
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