Décision

Décision n° 69-18 PDR du 17 mai 1969

Décision du 17 mai 1969 portant sur une réclamation présentée par M. DUCATEL contre l'établissement de la liste des candidats à la Présidence de la République
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution, et notamment ses articles 6 et 7 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n°62-1292 du 6 novembre relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, et notamment son article 3 ;

Vu la loi du 31 mars 1928 sur le recrutement de l'armée, et notamment son article 7 ;

Vu l'ordonnance n°58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, et notamment son article 3 ;

Vu le décret n°64-231 du 14 Mars 1964 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée, et notamment son article 7 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel en date du 15 mai 1969 arrêtant la liste des candidats à l'élection du Président de la République ;

Vu la réclamation présentée par M. Louis DUCATEL, demeurant 40, avenue Foch, à Paris (XVIe), ladite réclamation enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 17 mai 1969, et dirigée contre l'établissement de la liste des candidats à la Présidence de la République arrêtée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 mai 1969 ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que la réclamation de M. DUCATEL tend à contester la régularité de la candidature de M. Alain KRIVINE à la Présidence de la République en raison de sa situation militaire ;

2. Considérant que toute limitation à l'exercice d'un droit civique ne peut s'interpréter que restrictivement ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3-II de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel « les opérations électorales sont organisées selon les règles fixées par les articles 1er à 52 du Code électoral » ; que selon l'article L.44 dudit Code « Tout Français et toute Française ayant vingt-trois ans accomplis peuvent faire acte de candidature et être élus, sous réserve des cas d'incapacité ou d'inéligibilité prévus par la loi » et que le seul cas d'inéligibilité prévu par la loi et relatif à la situation militaire des candidats fait l'objet de l'article L.45 du même Code, qui dispose que « nul ne peut être élu s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations de la loi sur le recrutement de l'armée » ;

4. Considérant que l'article L.45 précité du Code électoral codifie les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 mars 1928 relative au recrutement de l'armée, aux termes duquel « nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par la présente loi », laquelle couvre l'ensemble des obligations militaires dues par les citoyens ; qu'il résulte de cette disposition que le législateur a entendu subordonner l'accès à ces fonctions électives à la condition que les intéressés aient rempli les obligations militaires correspondant à leur âge et à leur situation au regard de la loi sur le recrutement ; que cette condition est donc remplie par ceux qui, étant appelés sous les drapeaux pour accomplir leur service actif, ont déféré à cet appel ; que tel est le cas de M. Alain KRIVINE ;

5. Considérant que, si les dispositions de l'article 3 de l'ordonnance n°58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires subordonnent l'éligibilité aux assemblées parlementaires au fait d'avoir définitivement satisfait aux prescriptions légales concernant le service militaire actif, la différence de situation qui en résulte avec les dispositions précitées de l'article L.45 ne saurait, pour surprenante qu'elle soit, autoriser le Conseil constitutionnel à ajouter une condition d'éligibilité à celles exigées par les dispositions législatives sus-rappelé concernant l'élection du Président de la République.

Décide :
Article premier :
La réclamation susvisée de M. DUCATEL est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République Française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 1969, où siégeaient : MM Gaston PALEWSKI, président, CASSIN, MONNET, WALINE, ANTONINI, SAINTENY, DUBOIS, CHATENET et LUCHAIRE.

Journal officiel du 18 mai 1969, page 4975
Recueil, p. 78
ECLI : FR : CC : 1969 : 69.18.PDR

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.2. Candidatures
  • 8.2.2.1. Éligibilité
  • 8.2.2.1.1. Situation des candidats au regard des obligations du service national

Toute limitation à l'exercice d'un droit civique ne peut s'interpréter que restrictivement. Il résulte de l'article 7 de la loi du 31 mars 1928, aux termes duquel " nul ne peut être investi de fonctions publiques même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées " par la loi sur le recrutement de l'armée, que le législateur a entendu subordonner l'accès à ces fonctions électives à la condition que les intéressés aient rempli les obligations militaires correspondant à leur âge et à leur situation au regard de la loi sur le recrutement. Cette condition est remplie par ceux qui, étant appelés sous les drapeaux pour accomplir leur service actif, ont déféré à cet appel. La différence de situation qui résulte de ces dispositions au regard de celles s'appliquant à l'élection des parlementaires (l'article 3 de l'ordonnance organique n° 58-998 du 24 octobre 1958 subordonne l'éligibilité aux assemblées parlementaires au fait d'avoir définitivement satisfait aux prescriptions légales concernant le service militaire actif) ne saurait autoriser le Conseil constitutionnel à ajouter une condition d'éligibilité supplémentaire aux dispositions applicables à l'élection du Président de la République.

(69-18 PDR, 17 mai 1969, cons. 4, Journal officiel du 18 mai 1969, page 4975)
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