Décision

Décision n° 68-551 AN du 19 décembre 1968

A.N., Hautes-Alpes (1ère circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le Code électoral ;

Vu la requête présentée par M. Bernard Givaudan demeurant boulevard Lamartine à Gap, M. Pierre Bini, demeurant à Laragne, M. Alban Palpant, demeurant à Aspremont, M. Roger Santelli, demeurant à Rosans, M. Louis Martin, demeurant à Serres, M. Paul Abel, demeurant à Laragne, M. Jean Bona, demeurant à Chabanas, M. Victor Rosanvallon demeurant à Veynes, M. Edouard Roux, demeurant à Gap, ladite requête enregistrée à la préfecture des Hautes-Alpes le 11 juillet 1968 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 23 et 30 juin 1968 dans la première circonscription des Hautes-Alpes pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense présenté pour M. Emile Didier, député, ledit mémoire enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 27 août 1968 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. Givaudan, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 12 septembre 1968 ;

Vu le mémoire en duplique présenté pour M. Didier, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 25 octobre 1968 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur le moyen tiré d'irrégularités de propagande :

1. Considérant que les requérants n'établissent pas qu'un véhicule couvert de panneaux « votez Didier » ait circulé le jour du scrutin à Aspremont et à Aspres-sur-Buech ;

Sur les moyens tirés d'irrégularités dans le déroulement du scrutin :

2. Considérant, en premier lieu, que si, à Ribiers, les enveloppes se trouvaient sur une table, à l'extérieur de la salle de vote, cette circonstance n'a pas été en l'espèce de nature à vicier les résultats du scrutin dès lors que ladite table se trouvait en haut de l'escalier permettant d'accéder à la salle de vote ;

3. Considérant, en second lieu que, si à plusieurs reprises, certains membres du bureau de vote de la commune de Chabestan se sont absentés de la salle de vote, il n'est pas établi que cette irrégularité ait eu pour but ni pour effet de fausser la sincérité du scrutin ;

4. Considérant, enfin, que les requérants invoquent diverses irrégularités qui auraient entaché le déroulement du scrutin dans les bureaux de vote de la commune de Gap ; mais que, d'une part, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'un sourd-muet ait été empêché d'accomplir son devoir électoral le 30 juin ; que, d'autre part, si l'article L. 62 du Code électoral dispose que dans chaque bureau de vote il y a un isoloir pour trois cents électeurs inscrits ou par fraction, et s'il est constant que les isoloirs installés dans les différents bureaux de vote de Gap ne répondaient pas à ces prescriptions, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cette circonstance ait eu pour conséquence d'empêcher des électeurs de voter ou de les obliger à voter sans faire usage desdits isoloirs ; qu'enfin, en admettant même que les bulletins de vote aient été uniquement déposés dans les isoloirs, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance ait été de nature à fausser les résultats du scrutin ; qu'il n'est pas établi, notamment, que des électeurs aient été empêchés de voter en faveur de M. Arrighi de Casanova, faute de bulletins au nom de celui-ci ; que, par ailleurs, il résulte de l'examen des bulletins annulés que dans l'ensemble des bureaux de vote de la commune de Gap, un seul bulletin au nom de M. Arrighi de Casanova a été annulé, parce qu'il était déchiré ; que les requérants n'établissent pas que ledit bulletin ait été frauduleusement déchiré dans l'isoloir ni qu'un électeur ait été ainsi amené, malgré lui, à émettre un suffrage nul ;

Sur les moyens tirés d'irrégularités dans les opérations de dépouillement et de décompte des bulletins :

5. Considérant, en premier lieu, que si, dans la commune du Saix l'une des clés de l'urne se trouvait entre les mains du secrétaire de mairie au moment de l'ouverture de ladite urne, ce fait tient uniquement à ce qu'elle lui avait été confiée par le membre du bureau qui la détenait, pour la transmettre au président du bureau de vote ; que par suite cette irrégularité n'a pu fausser la sincérité du scrutin ;

6. Considérant, en second lieu, que, si l'examen des procès-verbaux de la commune de Saint-Etienne-le-Laus fait apparaître que le chiffre des émargements excède d'une unité le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne, les requérants ne soutiennent pas qu'une enveloppe ait été irrégulièrement retirée des urnes ; que, dès lors, en l'absence d'éléments prouvant l'irrégularité de certains votes, les résultats du scrutin dans la commune doivent être tenus pour réguliers ;

7. Considérant enfin, que les irrégularités alléguées par les requérants en ce qui concerne trois des votes par correspondance effectués à Montjay ne sont pas établies par les pièces du dossier ;

Sur les moyens tirés d'irrégularités affectant certains procès-verbaux :

8. Considérant, d'une part, que si dans huit communes, treize bulletins nuls ou blancs n'ont pas été joints aux procès-verbaux des opérations électorales, les requérants n'établissent pas que cette omission ait eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; que, par ailleurs, aucune disposition du code électoral n'impose l'obligation d'annexer au procès-verbal des opérations électorales les enveloppes réglementaires vides trouvées dans l'urne ;

9. Considérant, d'autre part, que s'il est constant que le procès-verbal des élections de la ville de Gap n'a été transmis que le lendemain de l'élection à dix heures, alors que la commission de recensement siégeait depuis 9 heures, il n'est pas établi que ce retard, pour irrégulier qu'il soit, ait été à l'origine de manoeuvres frauduleuses ; que, notamment, il ne résulte pas des pièces du dossier que des bulletins au nom de M. Arrighi de Casanova aient été, pendant la nuit du 30 juin 1968, raturés ; qu'enfin, si les requérants allèguent qu'un bulletin en faveur de M. Arrighi de Casanova, annulé pour déchirure le 30 juin au soir, portait en outre le lendemain des traits de crayon, ils ne contestent pas que ledit bulletin ait été annulé à bon droit lors des opérations de dépouillement ;

10. Considérant, par ailleurs, que deux bulletins au nom de M. Arrighi de Casanova, qui avaient été déclarés nuls par le bureau de vote de la commune d'Orpierre, au motif qu'ils comportaient un signe de reconnaissance, sous la forme de papillons annexés auxdits bulletins, ont été déclarés réguliers par la commission, par le motif que les signes de reconnaissance n'apparaissaient pas sur les bulletins ; qu'il résulte de l'instruction que ces papillons se trouvaient à l'intérieur de l'enveloppe électorale et portaient aussi atteinte au secret du vote ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'annuler lesdits bulletins ;

11. Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que M. Didier doit être regardé comme ayant obtenu 12.929 voix contre 12.926 à M. Arrighi de Casanova ; que les requérants ne sont pas fondés dès lors à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la première circonscription des Hautes-Alpes ;

Décide :
Article premier :
La requête susvisée de MM. Givaudan et autres est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 décembre 1968, où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, CASSIN, MONNET, WALINE, ANTONINI, SAINTENY, DUBOIS, CHATENET et LUCHAIRE.

Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190
Recueil, p. 161
ECLI : FR : CC : 1968 : 68.551.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.1. Organisation matérielle du scrutin
  • 8.3.6.1.3. Organisation matérielle des bureaux de vote

Isoloirs en nombre insuffisant. Circonstance dont il n'est pas établi qu'elle ait été de nature à fausser les résultats du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 4, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.2. Bureaux de vote
  • 8.3.6.2.2. Composition des bureaux de vote
  • 8.3.6.2.2.1. Exercice de leurs fonctions par les membres du bureau

Membres d'un bureau de vote s'absentant de la salle de vote. Circonstances n'étant pas de nature, en l'espèce, à vicier les résultats du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 3, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.6. Mise à disposition des électeurs des bulletins et des enveloppes
  • 8.3.6.4.6.1. Bulletins

Enveloppes déposées sur une table à l'extérieur de la salle de vote. Bulletins de vote uniquement déposés dans les isoloirs. Circonstances n'étant pas de nature, en l'espèce, à modifier le sens du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 2, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.6. Mise à disposition des électeurs des bulletins et des enveloppes
  • 8.3.6.4.6.2. Enveloppes

Dans une commune, enveloppes déposées sur une table à l'extérieur de la salle de vote, bulletins de vote uniquement déposés dans les isoloirs. Circonstance n'étant pas de nature, en l'espèce, à modifier le sens du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 2, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.7. Isoloirs

Isoloirs en nombre insuffisant. Circonstance dont il n'est pas établi qu'elle ait été de nature à fausser les résultats du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 4, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.11. Urnes de vote

Clé d'une urne ne se trouvant plus entre les mains d'un membre du bureau de vote au moment de l'ouverture de ladite urne. Irrégularité sans influence en l'espèce.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 5, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.1. Organisation du dépouillement

Clé d'une urne ne se trouvant plus entre les mains d'un membre du bureau de vote au moment de l'ouverture de ladite urne. Irrégularité sans influence en l'espèce.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 5, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.2. Commission de recensement général des votes

Procès-verbal transmis à la commission de recensement dans la matinée suivant le jour du scrutin. Pas de manœuvres frauduleuses prouvées alors que les requérants n'allèguent pas que des bulletins aient été raturés pendant la nuit ou annulés à tort.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 9, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
  • 8.3.6.8.3.4. Marques

Papillons annexés à 2 bulletins de vote se trouvant à l'intérieur des enveloppes. Bulletins déclarés réguliers par la commission de recensement, les signes de reconnaissance n'apparaissant pas sur les bulletins. Annulés par le Conseil constitutionnel.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 10, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
  • 8.3.6.8.5.1. Jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988

Il n'y a pas lieu d'opérer de rectification à raison de l'excédent du nombre des émargements par rapport au nombre des enveloppes trouvées dans l'urne dans un bureau, dès lors qu'il n'est pas allégué que des enveloppes auraient été retirées des urnes.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 6, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.9. Établissement des procès-verbaux et de leurs annexes
  • 8.3.6.9.3. Pièces annexes : bulletins nuls et enveloppes vides

Bulletins nuls et enveloppes vides non joints aux procès-verbaux. Circonstances n'étant pas de nature à entraîner une annulation, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 8, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)

Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose l'obligation d'annexer au procès-verbal les enveloppes vides réglementaires trouvées dans l'urne.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 8, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.2. Preuve
  • 8.3.10.2.2. Affirmation des parties qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve

Le requérant n'établit ni la réalité des faits allégués par lui, ni que ces faits eussent été de nature à influencer les résultats de l'élection. Requête mal fondée.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 3, 4, 7, 8, 9, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.1. Irrégularités dont il n'est pas établi qu'elles aient permis des fraudes
  • 8.3.11.1.1.3. Opérations électorales

Membres d'un bureau de vote s'absentant de la salle de vote. Circonstances n'étant pas de nature, en l'espèce, à vicier les résultats du scrutin.

(68-551 AN, 19 décembre 1968, cons. 3, Journal officiel du 25 décembre 1968, page 12190)
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