Décision n° 67-407 AN du 12 juillet 1967
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Pierre Lelong, demeurant 18, rue de la Glacière, à Paris (13e), ladite requête enregistrée le 20 mars 1967 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 5 et 12 mars 1967 dans la 4e circonscription du Finistère pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. Roger Prat, député, lesdits mémoires enregistrés les 30 mars et 13 avril 1967 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les mémoires en réplique présentés par M. Pierre Lelong, lesdits mémoires enregistrés comme ci-dessus les 21, 24 et 26 avril 1967 ;
Vu le mémoire en duplique présenté par M. Roder Prat, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 3 mai 1967 ;
Vu le mémoire en triplique présenté par M. Pierre Lelong, ledit mémoire enregistré comme ci-dessus le 5 mai 1967 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le député élu ;
En ce qui concerne la régularité de la campagne électorale :
1. Considérant qu'il n'est pas établi qu'avant le second tour du scrutin, un nombre appréciable d'affiches électorales en faveur de M. Lelong aient été lacérées ;
Sur le grief relatif aux votes par correspondance :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les documents nécessaires à l'exercice du vote par correspondance, dans les communes de Locquenolé et Saint-Pol-de-Léon, ont été envoyés en temps utile pour que les électeurs puissent exercer leur droit de vote ;
3. Considérant qu'il n'est établi, ni que, dans la commune de Plougasnou, les enveloppes relatives au vote par correspondance ont été recueillies et postées par des tiers ni que, dans la commune de Plougonven (bureau de Kermeur), les votes par correspondance ont été collectés au domicile des électeurs et remis par des tiers au bureau de vote ;
4. Considérant que le moyen tiré de ce qu'un électeur aurait été compté comme ayant voté par correspondance à Plougonven alors qu'il se serait en réalité abstenu, manque en fait ;
5. Considérant enfin qu'il n'est pas établi que les pensionnaires des hospices de Lanmeur et de Huelgoat ont été admis à voter par correspondance dans des conditions irrégulières et que, dans la commune de Plouigneau, ont été inscrits sur la liste des électeurs des personnes résidant dans la région parisienne et n'ayant aucun titre à voter par correspondance ;
En ce qui concerne les opérations de dépouillement du scrutin :
6. Considérant que s'il est constant que les bulletins comptés comme nuls par les bureaux de vote des communes de Mespaul, Locmaria-Berrien et Locquirec ne sont parvenus à la préfecture que le 14 mars 1967, il résulte de l'instruction que, d'une part, le nombre desdits bulletins correspond aux chiffres portés sur les procès-verbaux et que, d'autre part, ce retard ne constitue pas une manoeuvre destinée à faire obstacle au contrôle de la sincérité du scrutin ;
7. Considérant qu'il résulte des procès-verbaux de recensement des votes que les opérations de dépouillement du scrutin auquel il a été procédé dans le deuxième bureau de la commune de Scrignac, ont fait apparaître que le total des suffrages exprimés était de 320 alors que le nombre des émargements était seulement de 319 ; que, de même, dans le premier bureau de la commune de Plouigneau, le nombre des suffrages exprimés était de 849, alors que le nombre des émargements était seulement de 843 ; qu'il convient, en conséquence, de retenir pour chacun de ces bureaux de vote le moins élevé des deux nombres et de diminuer corrélativement le nombre des votants, celui des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé ; qu'après cette réduction, M. Prat conserve 23 291 voix, chiffre supérieur de 42 unités à celui des voix recueillies par le requérant ;
8. Considérant que si M. Lelong soutient, en outre, que l'écart constaté entre le nombre des émargements et celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne du premier bureau de la commune de Plouigneau n'était pas de 6 ainsi qu'il est indiqué au procès-verbal, mais de 28 voix, les témoignages produits à l'appui de ce grief n'établissent pas que les mentions du procès-verbal soient inexactes ;
Sur les autres moyens de la requête :
9. Considérant que, par ses mémoires enregistrés les 21 et 24 avril 1967, M. Lelong a expressément abandonné les griefs énoncés dans sa requête introductive d'instance et tirés de ce que les résultats du scrutin ne pouvaient être tenus pour certains dans la commune de Plougonven en raison d'une panne de courant qui se serait produite au moment du dépouillement des votes et de ce que, dans la commune de Plouegat-Gerrand, certains électeurs auraient voté sans présenter leur carte d'électeur ; qu'ainsi, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces deux griefs ;
10. Considérant que les moyens tirés :
- de ce que des feuilles d'émargement et de pointage auraient manqué dans plusieurs bureaux de vote ;
- de ce que des pressions auraient été exercées sur les électeurs dans certains bureaux de vote ;
- de ce qu'un électeur, frappé d'une incapacité, aurait voté dans la commune de Morlaix ;
- de ce que des électeurs se trouvant dans l'incapacité de se déplacer auraient néanmoins été comptés comme votants dans certains bureaux de vote ne sont pas établis ;
11. Considérant, enfin, que le requérant n'a soulevé qu'après l'expiration du délai de recours les moyens relatifs au décompte des suffrages dans la commune de Plouezoch, à l'irrégularité qui aurait été commise par le maire de Plouigneau en conservant les deux clefs de l'urne pendant la durée du scrutin ainsi qu'à la participation aux opérations de dépouillement du vote, dans la même commune, d'une personne n'ayant pas atteint la majorité d'âge ; qu'eu égard à la nature des griefs énoncés dans le délai du recours, les moyens susanalysés ont le caractère de griefs nouveaux et ne sont, dès lors, pas recevables ;
Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Lelong est rejetée ;
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 1967, où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, Cassin, DESCHAMPS, MONNET, WALINE, ANTONINI, GILBERT-JULES, MICHARD-PELLISSIER ET LUCHAIRE.
Journal officiel du 22 juillet 1967, page 7383
Recueil, p. 173
ECLI : FR : CC : 1967 : 67.407.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.9. Établissement des procès-verbaux et de leurs annexes
8.3.6.9.3. Pièces annexes : bulletins nuls et enveloppes vides
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.9. Contentieux - Griefs
- 8.3.9.3. Griefs nouveaux
8.3.9.3.1. Existence
Griefs invoqués pour la première fois dans un mémoire déposé après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et présentant le caractère de griefs nouveaux. Griefs irrecevables.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.2. Preuve
8.3.10.2.2. Affirmation des parties qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
8.3.10.3.2. Grief abandonné
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
8.3.10.3.5. Non-lieu à statuer