Rencontre du 15 décembre 2022 entre le Président Fabius et la Conférence des doyens des Facultés de droit et de science politique
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Rencontre du 15 décembre 2022 entre le Président Fabius et la Conférence des doyens des Facultés de droit et de science politique

Le Président du Conseil constitutionnel, Monsieur Laurent FABIUS, a convié le jeudi 15 décembre 2022 à une rencontre la Conférence nationale des doyens des Facultés de droit et de science politique afin d'échanger, notamment, sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et son enseignement dans les parcours universitaires.

Le Président FABIUS a évoqué à cet égard le projet QPC 360 ° développé par le Conseil Constitutionnel, en relation avec les deux ordres de juridiction et avec la contribution de la profession d'avocat, afin de rendre accessibles les décisions QPC de l'ensemble des juridictions en offrant des fonctionnalités de recherche jurisprudentielle par principe invoqué ou par disposition contestée, notamment.

Pour Madame la Professeure Jeanne-Marie TUFFERY-ANDRIEU, vice-présidente de la Conférence des doyens des facultés de droit et science politique, « dans le nouveau contexte de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, au regard de l'activité doctrinale, on comprend donc tout l'enjeu de la question et l'intérêt certain de ce portail qui va permettre une meilleure connaissance de la QPC et, en conséquence, une approche critique, au sens académique du terme, plus exhaustive au service du droit ».


Rencontre du 15 décembre 2022 entre le Président Fabius et la Conférence des doyens des Facultés de droit et de science politique
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Rencontre du 15 décembre 2022 entre le Président Fabius et la Conférence des doyens des Facultés de droit et de science politique

Consultez l'intégralité de la communication de Madame la Professeure Jeanne-Marie TUFFERY-ANDRIEU :


Monsieur le Président,

La Conférence des doyens des Facultés de droit et de science politique souhaite vous adresser sa profonde reconnaissance. Votre aimable invitation l'honore. Elle exprime toute l'attention que le Conseil constitutionnel porte au monde académique.

Depuis plusieurs années, en effet, vous formulez cette ambition de consolider la place du Conseil constitutionnel dans la culture judiciaire française et vous souhaitez, dans ce mouvement, pleinement associer l'Université. Ainsi, celle-ci est désormais représentée dans le service juridique du Conseil. Encore les Facultés de droit sont-elles mobilisées dans le cadre des audiences délocalisées que vous tenez, comme vous l'avez fait encore récemment à Montpellier. Comment aussi ne pas évoquer cette Nuit du Droit appelée de vos vœux dès 2017 et qui, chaque année, mobilise la communauté étudiante de nos 64 facultés, souvent en partenariat avec les gens de justice et du droit « em>pour célébrer le droit dont la Constitution est la clef de voûte » [1]. Concours oratoires, d'éloquence ou de plaidoirie, ateliers, débats, quizz, conférences ou spectacles d'improvisation visent ainsi à créer un lien entre juriste et quidam.

Cet après-midi, Monsieur le Président, vous avez convié la doctrine pour lui présenter le « Portail QPC 360 ° - Portail de la Question Prioritaire de Constitutionnalité ». Votre démarche vient reconnaître d'une part le rôle de celle-ci dans la réflexion sur ce qui, bien plus qu'un outil, est devenu un objet d'études, d'autre part la mission qui est la sienne dans la diffusion qu'elle est susceptible d'en faire.

La doctrine mène, de longue date, une réflexion sur la question de l'inconstitutionnalité des lois et de son contrôle. L'ordonnance de 1814 sur le repos dominical en est sans doute une belle illustration. Celle-là va susciter, dès 1830, en 1848 ensuite puis, à fortiori, en 1870, un débat considérable sur la constitutionnalité du texte.

Par la suite - est-il nécessaire de le rappeler ici ? - la doctrine déploie son activité autour de l'idée d'un contrôle d'inconstitutionnalité des lois par les juges. En 1899, Gény en dévoile les contours. A sa suite, la doctrine poursuit la démarche grâce à Esmein, Larnaude, Duguit, Hauriou ou Berthélémy. Plus tard, l'affaire Ratier confirme l'intérêt de la problématique que s'approprie la doctrine incarnée alors notamment par Mestre ou Rolland. En 1928, la communication de Kelsen, la réplique de Carré de Malberg mais aussi, en 1929, la parution de la contribution de Paul Duez aux Mélanges Hauriou ou la note de Charles Eisenmann sous l'Arrêt Arrighi, prolongent le propos [2]. Certes la doctrine ne suffit pas à transformer le droit, mais elle lance sans doute les jalons de son évolution.

Dans le nouveau contexte de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, au regard de l'activité doctrinale, on comprend donc tout l'enjeu de la question et l'intérêt certain de ce portail qui va permettre une meilleure connaissance de la QPC et, en conséquence, une approche critique, au sens académique du terme, plus exhaustive au service du droit.

Ces réflexions doctrinales ont aussi vocation à être diffusées.

Assurément, d'abord dans les amphithéâtres et salles de cours, auprès des étudiantes et étudiants. Nul doute que, dans ce cadre, la QPC trouve toute sa place comme objet d'étude. Certes, dès la 1ère année, dans l'enseignement de droit constitutionnel mais aussi, tout au long de leur cursus académique, par exemple en droit pénal, en droit fiscal, en droit social, en droit civil ou encore en droit commercial. « Avec la QPC, en effet, les perspectives ont changé et l'état de la jurisprudence judiciaire notamment d'une part montre l'élargissement des normes constitutionnelles appliquées avec désormais des références explicites aux décisions du conseil constitutionnel et d'autre part témoigne d'une véritable appropriation en l'espèce par la Cour de cassation de la dimension constitutionnelle du droit privé »[3].

Voici que les plus de 220.000 étudiantes et étudiants inscrits dans les Facultés de droit[4], découvrent et approfondissent les enjeux que souligne la doctrine. Le portail, ainsi mis en place selon les décrets du 13 octobre 2022, va donc certainement permettre aux facultés, dans le cadre de la formation initiale ou encore de la formation continue, de porter à la connaissance d'un grand nombre de futurs praticiens et universitaires, les décisions du Conseil.

Au-delà de la Faculté, la doctrine s'adresse aussi à la Cité. Les Facultés de droit se veulent attentives à maintenir leur vocation particulière d' « universitas », dans laquelle les diverses disciplines, selon leur manière propre, sont envisagées comme des parties d'un unum plus vaste. Les études académiques permettent aux étudiantes et étudiants de promouvoir certes une maturation intellectuelle mais aussi une réflexion éthique et civile. En ces temps incertains, notre société éprouve un besoin urgent de ce savoir que la communauté des Facultés de droit et science politique peut lui apporter. Dès lors, l'action mise en œuvre pour la Cité, et en lien avec elle, se fonde sur le respect de la dignité de la personne humaine comme sur celui des libertés publiques.

Les étudiantes et étudiants sont aussi des citoyens dans la Cité attachée à l'Etat de droit. Celui-ci constitue, aux côtés du respect des droits de l'homme et de la démocratie pluraliste, l'une des valeurs fondatrices de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. La QPC participe de ce mouvement qui vise à garantir le respect de la hiérarchie des normes, l'égalité devant la loi ou encore l'indépendance de la justice. Le portail ainsi mis à la disposition de la doctrine et, par voie, dont vous rendez bénéficiaires du contenu les étudiantes et étudiants, citoyens appelés à devenir acteurs dans la Cité, va aussi leur permettre de connaitre et de promouvoir le contrôle de la constitutionnalité de la loi. L'enjeu est considérable, il y va de la garantie du respect du droit par la loi.

C'est précisément parce que la doctrine qui vit dans les 64 Facultés de droit, attache une grande importance à l'initiative que vous portez, Monsieur le Président, qu'il m'est possible, au nom de la Conférence des facultés et de son Président, de vous dire que les sites univ-droit et l'UNJF, abrités par la fondation Ius et Politia à l'académie des sciences morales et politiques, pourront aussi contribuer à la diffusion du Portail QPC 360. Cette proposition atteste de toute l'attention que la doctrine porte à ce projet devenu réalité. Elle nous conduit, en son nom, à vous renouveler notre gratitude.

Je vous remercie.

Pour la Conférence des doyens des facultés de droit et science politique, le 15 décembre 2022

Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu

Vice-Présidente


[1] L. FABIUS, Nuit du Droit 2022.

[2] J.-L. HALPERIN « La question prioritaire de constitutionnalité : une révolution dans l'histoire du droit français », in Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 28 (Dossier : l'histoire du contrôle de constitutionnalité), juillet 2010.

[3] A. LACABARATS, « L'influence de la question prioritaire de constitutionnalité sur le droit social », in Nouveaux cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 45 (Dossier : Le Conseil constitutionnel et le droit social), octobre 2014.

[4] Note flash du SIES, n° 12, juin 2022. Effectifs universitaires en 2021-2022.