Proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans
Le Conseil constitutionnel juge que ne porte pas sur une « réforme » relative à la politique sociale de la nation, au sens de l’article 11 de la Constitution, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans.
Il statuera le 3 mai 2023 sur la nouvelle initiative référendaire dont il a été saisi hier.
Par sa décision n° 2023-4 RIP du 14 avril 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé, en application du quatrième alinéa de l'article 11 et du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, sur la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans, dont il avait été saisi le 20 mars 2023, et qui avait été signée par 252 députés et sénateurs.
* Cette proposition de loi est la quatrième à avoir été soumise au Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure dite du « référendum d’initiative partagée », instituée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cette procédure est régie par les troisième à sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution et précisée par la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution.
Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a jugé par sa décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 relative à cette loi organique, le constituant a entendu, par cette procédure, rendre possible, à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, l’organisation d’un référendum sur une proposition de loi soutenue par un dixième des électeurs. Il a ainsi réservé aux membres du Parlement le pouvoir d’initiative d’une telle proposition de loi et reconnu à tous les électeurs inscrits sur les listes électorales le droit d’apporter ensuite leur soutien à cette proposition. Le constituant a enfin entendu que le Président de la République soumette au référendum la proposition de loi si elle n’a pas été examinée par l’Assemblée nationale et le Sénat dans un délai fixé à six mois par la loi organique.
Dans le cadre ainsi défini, le constituant a confié au Conseil constitutionnel la mission, d’une part, de contrôler la conformité à la Constitution de la proposition de loi et, d’autre part, de veiller au respect des conditions prévues par le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution pour l’organisation d’un tel référendum.
Il appartenait donc au Conseil constitutionnel, suivant les termes de l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de vérifier, en premier lieu, que la proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, en deuxième lieu, que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution et, si ces conditions étaient satisfaites, qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution.
* Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel a vérifié le respect de ces exigences constitutionnelles et organiques.
En premier lieu, le Conseil a constaté que la proposition de loi a été présentée par plus d'un cinquième des membres du Parlement à la date d'enregistrement de sa saisine.
En second lieu, il a examiné si, à cette même date, l’objet de la proposition de loi respectait les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution. Comme le rappelle la décision, le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution prévoit en particulier que « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».
À cette aune, le Conseil constitutionnel avait déjà eu à se prononcer sur ce qu’est une « réforme » au sens de l’article 11 de la Constitution, à la lumière des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 4 août 1995 qui est à l’origine de l’extension du champ de l’article 11 aux « réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services public qui y concourent ». Il avait ainsi considéré, dans sa décision du 9 mai 2019, que constituait une réforme de la politique économique de la nation une proposition qui visait à ériger en service public national l’exploitation d’Aéroports de Paris. En revanche, dans sa décision du 25 octobre 2022, il avait jugé que ne présentait pas ce caractère une proposition qui visait uniquement à abonder le budget de l’État en augmentant le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés.
En l’espèce, le Conseil constitutionnel a constaté que l’article unique de la proposition de loi qui lui était soumise dispose que l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale applicable aux assurés du régime général, à l’article L. 732 18 du code rural et de la pêche maritime applicable aux assurés du régime des personnes non salariées des professions agricoles, ainsi qu’au 1 ° du paragraphe I de l’article L. 24 et au 1 ° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite applicables aux fonctionnaires civils, ne peut être fixé au-delà de soixante-deux ans.
Or, ainsi que l’a relevé le Conseil, à la date à laquelle il a été saisi de cette proposition de loi, l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale fixe déjà l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionné à ces mêmes dispositions à soixante-deux ans.
Ainsi, à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit.
En outre, le législateur peut toujours modifier, compléter ou abroger des dispositions législatives antérieures, qu’elles résultent d’une loi votée par le Parlement ou d’une loi adoptée par voie de référendum. Ainsi, ni la circonstance que ses dispositions seraient adoptées par voie de référendum ni le fait qu’elles fixeraient un plafond contraignant pour le législateur ne permettent davantage de considérer que cette proposition de loi apporte un changement de l’état du droit.
Le Conseil constitutionnel en a déduit que, dès lors, elle ne porte donc pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une « réforme » relative à la politique sociale.
Après avoir constaté que la proposition de loi ne porte sur aucun des autres objets mentionnés au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel juge donc qu’elle ne satisfait pas aux conditions fixées par le troisième alinéa de ce même article et le 2 ° de l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.