Décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025 - Communiqué de presse
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Non conformité partielle - réserve
Saisi de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le Conseil constitutionnel censure deux des articles contestés, assortit de réserves d’interprétation la déclaration de conformité à la Constitution d’un troisième article et censure pour des motifs de procédure douze autres de ses articles.
Par sa décision n° 2025-875 DC du 28 février 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dont il avait été saisi par un recours émanant de plus de soixante députés.
* Était notamment contesté par les députés requérants comme n’ayant pas sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale son article 51 réformant l’organisation du service du contrôle médical de l’assurance maladie.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, selon le premier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions adoptées en méconnaissance de la règle de procédure prévue aux articles L.O. 111-3-2 à L.O. 111-3-8 du code de la sécurité sociale qui déterminent le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
Au regard du cadre constitutionnel ainsi rappelé, le Conseil constitutionnel relève que l’article 51 de la loi déférée permet le transfert aux caisses primaires d’assurance maladie et aux caisses générales de sécurité sociale des contrats de travail des personnels administratifs et des praticiens-conseils du service du contrôle médical relevant de la caisse nationale d’assurance maladie.
Il juge que ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne constituent pas des dispositions qui, modifiant les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes, ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées aux articles L.O. 111-3-6 à L.O. 111-3-8 du code de la sécurité sociale. Dès lors, ces dispositions ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
* Était également contesté l’article 52 prévoyant qu’une pénalité peut, dans certaines conditions, être mise à la charge du patient qui n’honore pas un rendez-vous médical.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles.
Examinant à cette aune les dispositions contestées, qui prévoient qu’un établissement de santé, un service de santé, un centre de santé ou un professionnel de santé exerçant à titre libéral peut exiger du patient le paiement d’une pénalité lorsque ce dernier ne se présente pas à une consultation ou lorsqu’il annule le rendez-vous qu’il avait pris sans respecter un délai raisonnable, le Conseil constitutionnel juge, en premier lieu, que, en les adoptant, le législateur a entendu dissuader les comportements de patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux et améliorer ainsi la possibilité pour les professionnels de santé de prendre en charge l’ensemble des patients en temps utile. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.
Toutefois, en s’abstenant de définir lui-même la nature de la pénalité susceptible de s’appliquer en vertu des dispositions contestées et d’encadrer son montant ainsi que les conditions de sa mise en œuvre, le législateur a privé de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil constitutionnel juge que, dès lors, s’il serait loisible au législateur d’instituer un dispositif visant à inciter les patients à honorer les rendez-vous médicaux, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, l’article 52 est contraire à la Constitution.
* Était en outre contesté l’article 48 de la loi déférée, relatif à l’accompagnement à la pertinence des prescriptions.
Selon ces dispositions, la prise en charge de produits de santé et prestations associées, d’actes réalisés par un professionnel de santé ou de transports de patient peut être subordonnée, lorsqu’elle est particulièrement coûteuse pour l’assurance maladie ou en cas de risque de mésusage, à la présentation par le patient d’un document, établi par le prescripteur, indiquant que celui‑ci a préalablement consulté son dossier médical partagé ou que sa prescription respecte les indications ouvrant droit au remboursement. En l’absence de ce document ou lorsque ce document indique que ces conditions n’ont pas été respectées, le professionnel appelé à exécuter la prescription recueille l’accord du patient pour délivrer le produit ou pour réaliser les actes et les prestations ne faisant pas l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie.
Les députés requérants reprochaient notamment à ces dispositions de faire dépendre du respect par le prescripteur de ses obligations la prise en charge par l’assurance maladie de certains soins nécessaires au regard de l’état de santé du patient, ce qui pourrait conduire, selon eux, le patient à renoncer à ces soins pour des raisons indépendantes de sa volonté, en méconnaissance des exigences découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles.
Au regard de ce cadre constitutionnel, le Conseil constitutionnel relève en premier lieu que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir les risques de mésusage liés à la prescription de certains produits, prestations ou actes de soins et maîtriser l’évolution des dépenses de santé. Ce faisant, il a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et entendu satisfaire à l’exigence de valeur constitutionnelle qui s’attache à l’équilibre financier de la sécurité sociale.
En deuxième lieu, les dispositions contestées ont pour seul objet de subordonner la prise la charge de certains soins à la présentation par le patient d’un document établi par le prescripteur permettant de vérifier que ce dernier a préalablement consulté le dossier médical partagé du patient ou que sa prescription respecte les indications ouvrant droit au remboursement. Par une première réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel juge que, toutefois, il reviendra au prescripteur d’informer préalablement le patient de l’absence de prise en charge de ces soins s’il ne présente pas un tel document au professionnel appelé à exécuter la prescription.
En dernier lieu, le Conseil constitutionnel juge, par une seconde réserve d’interprétation que, en l’absence d’un tel document ou si le document indique que ces conditions n’ont pas été remplies, ces dispositions doivent être interprétées comme imposant au prescripteur, lorsqu’il a prescrit au patient un soin qui aurait dû ouvrir droit à une prise en charge, d’établir ou de modifier ce document dans des délais adaptés à l’état de santé du patient et sans qu’il ne puisse en résulter des frais supplémentaires pour ce dernier.
Sous ces deux réserves, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ni aucune autre exigence constitutionnelle.
* Le Conseil constitutionnel censure par ailleurs d’office comme « cavaliers sociaux », c’est-à-dire comme ne relevant pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale, les articles 34, 36, 42, 44, 49, 50, 53, 58, 60, 74, 84 et 94.
La censure de ces différentes dispositions ne préjuge pas de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles. Il est loisible au législateur, s’il le juge utile, d’adopter à nouveau de telles mesures, dont certaines apparaissent au demeurant susceptibles d’être déployées sans attendre son éventuelle intervention.