Décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023 - Communiqué de presse
Loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes
Non conformité partielle
Saisi de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, le Conseil constitutionnel admet, par une décision de 123 paragraphes, la conformité à la Constitution de plusieurs dispositions mais censure pour tout ou partie dix de ses articles comme cavaliers législatifs ou contraires à la séparation des pouvoirs
Saisi de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, le Conseil constitutionnel admet, par une décision de 123 paragraphes, la conformité à la Constitution de plusieurs dispositions mais censure pour tout ou partie dix de ses articles comme cavaliers législatifs ou contraires à la séparation des pouvoirs
Par sa décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dont il avait été saisi par plus de soixante députés.
* Était notamment contesté l’article 7 de cette loi qui détermine le champ d’application des mesures spécifiques, prévues par le titre II de cette loi, visant à accélérer les procédures liées à la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité de sites nucléaires existants.
Au nombre des reproches adressés par les députés requérants à ces dispositions, figuraient, d’une part, celui de prévoir que ces mesures pourront s’appliquer à la réalisation des réacteurs électronucléaires pour lesquels une demande d’autorisation de création aura été déposée dans les vingt ans qui suivent la promulgation de la loi déférée et, d’autre part, de ne pas déterminer le nombre maximal de réacteurs susceptibles d’être autorisés durant cette période. Selon eux, le législateur avait ainsi retenu une durée d’application manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’accélération de la transition énergétique et n’aurait pas préservé la faculté pour les générations futures de modifier les conditions de production de l’électricité décarbonée. Il en résultait selon eux une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er et 6 de la Charte de l’environnement.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.
À cette aune, le Conseil constitutionnel relève, d’une part, qu’il résulte des travaux préparatoires que, en adoptant des mesures propres à accélérer la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Le Conseil constitutionnel rappelle, à cet égard, qu’il ne lui appartient pas de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs.
D’autre part, les dispositions contestées, qui se bornent à déterminer le champ d’application des mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée, n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires auxquels ces mesures s’appliqueront du respect des dispositions du code de l’environnement instituant le régime légal applicable aux installations nucléaires de base en raison des risques ou inconvénients qu’elles peuvent présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou pour la protection de la nature et de l’environnement.
Le Conseil constitutionnel juge que, par ailleurs, au regard des objectifs qu’il a poursuivis et compte tenu du délai nécessaire à la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur, qui n’était pas tenu de fixer un nombre maximal de réacteurs susceptibles d’être construits durant cette période, a pu prévoir que les mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée s’appliqueront à la réalisation des réacteurs pour lesquels la demande d’autorisation de création sera déposée au cours des vingt ans qui suivront la promulgation de la loi.
Par ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit donc être écarté.
* Au nombre des éléments des mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée, que contestaient également les députés requérants, figurait le paragraphe I de l’article 9 qui prévoit que la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme est vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur et qui dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme les constructions, aménagements, installations et travaux liés à cette réalisation.
Les députés requérants soutenaient notamment que, en ne limitant pas dans le temps et en ne réservant pas à certaines situations la dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme prévue pour cette réalisation, ces dispositions méconnaissaient les exigences résultant des articles 1er, 3 et 6 de la Charte de l’environnement et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Selon eux, eu égard aux conséquences qu’elles auraient sur la possibilité d’exercer certains recours, ces dispositions méconnaissaient également le droit à un recours juridictionnel effectif.
Le Conseil constitutionnel juge que si le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 dispense le porteur d’un projet de constructions, aménagements, installations et travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire de solliciter les autorisations prévues par le code de l’urbanisme, telles que les déclarations préalables, les permis de démolir et de construire, il n’a ni pour objet ni pour effet de le dispenser de présenter une demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création d’un réacteur électronucléaire, à l’occasion de laquelle la conformité de cette réalisation aux règles d’urbanisme applicables sera appréciée par l’autorité administrative compétente. Par ces motifs, il juge que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit être écarté.
Il juge en outre que les dispositions contestées, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de priver les justiciables de la possibilité de contester devant le juge administratif les autorisations délivrées dans ce cadre, ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.
* En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré pour tout ou partie dix articles de la loi déférée comme cavaliers législatifs, c’est-à-dire comme irrégulièrement introduits dans la loi au regard de l’article 45 de la Constitution.
Soit sur l’invitation des députés requérants soit en soulevant d’office ce grief, il en a jugé ainsi, et sans préjuger de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles :
- de l’article 3 modifiant plusieurs dispositions du code de l’énergie afin de prendre en compte l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.
- de l’article 4 modifiant le contenu de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique
- de certaines dispositions de l’article 9 relatives à la prise en compte, au sein des documents de planification et d’urbanisme, de l’artificialisation des sols et de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des grands projets d’envergure nationale ;
- de l’article 19 prévoyant la remise au Parlement d’un rapport relatif aux besoins humains et financiers de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection
- de l’article 24 permettant à l’Autorité de sûreté nucléaire d’employer certains fonctionnaires et de recruter des agents contractuels de droit public et de droit privé ;
- de l’article 25 modifiant les règles de parité applicables à la composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire ;
- de l’article 26 aggravant le quantum des peines réprimant certaines atteintes aux règles relatives à la protection des installations nucléaires contre les intrusions ;
- de l’article 27 prévoyant que le rapport annuel établi par l’Autorité de sûreté nucléaire comporte un compte rendu de l’activité de la commission des sanctions de cette autorité
- de l’article 29 prévoyant la remise au Parlement d’un rapport sur les recettes fiscales liées aux réacteurs électronucléaires qui sont perçues par les collectivités territoriales.
Enfin, soulevant d’office ce grief, le Conseil constitutionnel a censuré d’office comme contraire à la séparation des pouvoirs l’article 17 de la loi déférée qui subordonnait le dépôt d’un projet de loi à l’établissement de certains documents par le Gouvernement.