Communiqué

Décision n° 2022-838 DC du 17 mars 2022 - Communiqué de presse

Loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte
Conformité - réserve

Le Conseil constitutionnel admet la conformité à la Constitution de la loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte, sous une réserve d'interprétation.

Par sa décision n° 2022-838 DC du 17 mars 2022, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte, dont le Premier ministre l'avait saisi conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution.

* Le Conseil constitutionnel a examiné, tout d'abord, les dispositions de l'article 1er de cette loi organique qui étendent la compétence du Défenseur des droits à l'égard des personnes signalant une alerte en le chargeant, d'une part, de les informer et de les conseiller et, d'autre part, de défendre leurs droits ainsi que ceux des personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte.

Tout en rappelant que, en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, il n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive, le Conseil constitutionnel relève que l'article 20 de la directive 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 est relatif aux mesures de soutien apportées aux seules personnes qui signalent des violations du droit de l'Union et que cet article ne détermine pas l'autorité compétente pour mettre en œuvre ces mesures.

Dès lors, le Conseil constitutionnel juge qu'il est compétent pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 1er de la loi organique en ce qu'elles chargent le Défenseur des droits d'informer et de conseiller les personnes signalant toute alerte ainsi que de défendre leurs droits et ceux des personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte.

Sur le fond, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions de l'article 71-1 de la Constitution permettent au Défenseur des droits d'aider toute personne s'estimant victime d'une discrimination à identifier les procédures adaptées à son cas. Il est donc loisible au législateur organique, qui a estimé que les lanceurs d'alerte ainsi que les personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte courent le risque d'être discriminés par l'organisme faisant l'objet du signalement, d'investir le Défenseur des nouvelles prérogatives précitées.

* S'agissant de l'article 2 de la loi organique prévoyant qu'un adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte est placé auprès du Défenseur des droits, le Conseil constitutionnel relève que cet adjoint, nommé sur proposition du Défenseur des droits et placé sous son autorité, peut recevoir certaines délégations dans son domaine de compétence. Ces délégations n'ont pas pour effet de dessaisir le Défenseur des droits de ses attributions.

Le Conseil constitutionnel relève en outre que, en vertu de l'article 11 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits sur proposition de ce dernier. Il juge que ces dispositions assurent l'indépendance du Défenseur des droits. Cette indépendance implique que le Premier ministre mette également fin aux fonctions de l'adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte sur la proposition du Défenseur des droits.

Sous cette réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution cet article 2.

* S'agissant enfin de l'article 3 de la loi organique prévoyant notamment que le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne pour rendre un avis sur sa qualité de lanceur d'alerte, le Conseil constitutionnel juge que le législateur organique a pu donner compétence au Défenseur des droits pour exercer cette compétence.

Il relève en outre que les dispositions de l'article 3 n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter le pouvoir reconnu aux juridictions pour apprécier la qualité de lanceur d'alerte, non plus que de priver une personne du droit de former un recours contre l'avis du Défenseur des droits dans le cas où cet avis aurait des effets notables ou une influence significative sur sa situation.