Décision n° 2022-3 RIP du 25 octobre 2022 - Communiqué de presse
Proposition de loi portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises
Non conformité
Le Conseil constitutionnel juge que la proposition de loi portant création d'une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises ne remplit pas les conditions constitutionnelles et organiques d'ouverture de la phase de recueil des soutiens des électeurs au titre de la procédure dite du « référendum d'initiative partagée »
Par sa décision n° 2022-3 RIP du 25 octobre 2022, le Conseil constitutionnel s'est prononcé, en application du quatrième alinéa de l'article 11 et du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, sur la proposition de loi portant création d'une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, dont il avait été saisi le 26 septembre 2022, et qui avait été signée par 242 députés et sénateurs.
* Cette proposition de loi est la troisième à avoir été soumise au Conseil constitutionnel et à avoir atteint ce premier stade de la procédure dite du « référendum d'initiative partagée », instituée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cette procédure est régie par les troisième à sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution et précisée par la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution.
Ainsi que le Conseil constitutionnel l'avait jugé par sa décision n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 relative à cette loi organique, le constituant a entendu, par cette procédure, rendre possible, à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, l'organisation d'un référendum sur une proposition de loi déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et soutenue par un dixième des électeurs. Il a ainsi réservé aux membres du Parlement le pouvoir d'initiative d'une telle proposition de loi. Il a reconnu à tous les électeurs inscrits sur les listes électorales le droit d'apporter leur soutien à cette proposition. Il a entendu que le Président de la République soumette au référendum la proposition de loi si elle n'a pas été examinée par l'Assemblée nationale et le Sénat dans un délai fixé à six mois par la loi organique.
Enfin, le constituant a entendu, d'une part, que le Conseil constitutionnel contrôle la conformité à la Constitution de la proposition de loi et, d'autre part, qu'il veille au respect des conditions prévues par le troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution pour l'organisation d'un tel référendum.
Il appartenait ainsi au Conseil constitutionnel, suivant les termes de l'article 45-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de vérifier, en premier lieu, que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, en deuxième lieu, que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution et, en dernier lieu, qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution.
* Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel a vérifié le respect de ces exigences constitutionnelles et organiques.
Le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 11 de la Constitution : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».
À cette aune, il juge que cette proposition de loi, qui vise à instituer une « contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises », a exclusivement pour objet d'augmenter, à compter de son entrée en vigueur et jusqu'au 31 décembre 2025, l'imposition de la fraction des bénéfices supérieurs à 1,25 fois la moyenne des résultats imposables au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 des sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros.
Relevant que cette proposition de loi a ainsi pour seul effet d'abonder le budget de l'État par l'instauration jusqu'au 31 décembre 2025 d'une mesure qui se borne à augmenter le niveau de l'imposition existante des bénéfices de certaines sociétés, le Conseil constitutionnel juge qu'elle ne porte donc pas, au sens de l'article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique économique de la nation.
Après avoir constaté que la proposition de loi ne porte sur aucun des autres objets mentionnés au premier alinéa de l'article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel juge donc qu'elle ne satisfait pas aux conditions fixées par le troisième alinéa de ce même article et le 2 ° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.