Communiqué

Décision n° 2021-927 QPC du 14 septembre 2021 - Communiqué de presse

Ligue des droits de l'homme [Transmission de rapports particuliers par les procureurs à leur autorité hiérarchique]
Conformité

Le Conseil constitutionnel écarte des critiques de constitutionnalité invoquées contre les dispositions du code de procédure pénale relatives à la transmission de rapports particuliers par les procureurs généraux au ministre de la justice

L'objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 juin 2021 par le Conseil d'État d'une QPC relative notamment au troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale.

En application de ces dispositions, le ministre de la justice peut être rendu destinataire de rapports particuliers par lesquels les procureurs généraux, à sa demande ou à l'initiative de ces derniers, lui communiquent des informations pouvant porter sur certaines procédures judiciaires en cours dans les juridictions de leur ressort.

Les critiques formulées contre ces dispositions

Il était notamment reproché à ces dispositions par l'association requérante et par les parties intervenantes de permettre la communication au ministre de la justice de rapports particuliers portant sur des procédures judiciaires en cours. Faute d'encadrer ces transmissions d'informations, ces dispositions lui permettraient d'intervenir dans le déroulement de ces procédures et d'exercer une pression sur les magistrats du parquet, à l'égard desquels il détient un pouvoir de nomination et de sanction. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'indépendance de l'autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs, en raison notamment de l'atteinte ainsi portée au libre exercice de l'action publique par les magistrats du parquet.

Le contrôle des dispositions faisant l'objet de la QPC

Citant les termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 20 de la Constitution, des premier et quatrième alinéas de l'article 64 de la Constitution et des quatrième à septième alinéas de l'article 65 de la Constitution, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la Constitution consacre l'indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu'elle n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève que, d'une part, il résulte des travaux parlementaires que les dispositions contestées ont pour seul objet de permettre au ministre de la justice, chargé de conduire la politique pénale déterminée par le Gouvernement, de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice au regard, notamment, de la nécessité d'assurer sur tout le territoire de la République l'égalité des citoyens devant la loi. Ce faisant, elles mettent en œuvre les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution.

D'autre part, le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale dispose que le ministre de la justice ne peut adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. Cette interdiction s'applique y compris lorsqu'il sollicite ou se voit transmettre des rapports particuliers.

Le Conseil constitutionnel relève que, au surplus, en vertu de l'article 31 du même code, le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi, dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu. En application de l'article 33, il développe librement les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice. Il résulte en outre des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 que, devant toute juridiction, la parole des magistrats du parquet à l'audience est libre. L'article 39-3 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la mission de veiller à ce que les investigations de police judiciaire tendent à la manifestation de la vérité et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Enfin, conformément à l'article 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République décide librement de l'opportunité d'engager des poursuites.

De l'ensemble de ce qui précède, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs. Le Conseil constitutionnel les juge donc conformes à la Constitution.