Communiqué

Décision n° 2020-890 QPC du 19 mars 2021 - Communiqué de presse

Association SOS praticiens à diplôme hors Union européenne de France et autres [Dispositif dérogatoire et temporaire d'accès aux professions médicales et pharmaceutiques ouvert aux praticiens titulaires de diplômes étrangers]
Non conformité totale

Le Conseil constitutionnel censure comme contraires au principe d'égalité des dispositions n'ouvrant qu'à certains praticiens titulaires de diplômes étrangers une voie d'accès dérogatoire aux professions médicales et pharmaceutiques

L'objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 décembre 2020 par le Conseil d'État d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du B du paragraphe IV et du paragraphe V de l'article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Toute personne qui souhaite exercer en France la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien doit être titulaire du diplôme français correspondant ou d'un titre équivalent délivré par un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Les praticiens titulaires d'un diplôme délivré par d'autres États doivent obtenir une autorisation de plein exercice qui est, en principe, délivrée à l'issue d'une procédure définie aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique.

Les dispositions du B du paragraphe IV et celles du paragraphe V de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006 prévoient un dispositif dérogatoire qui permet à ces praticiens titulaires d'un diplôme délivré hors de l'Union européenne, lorsqu'ils ont exercé en France une profession de santé quelconque pendant au moins deux ans depuis le 1er janvier 2015 et pendant au moins une journée entre le 1er octobre 2018 et le 30 juin 2019, de déposer une telle demande d'autorisation d'exercice.

Les critiques formulées contre ces dispositions

Les requérants reprochaient à ces dispositions de réserver la possibilité de déposer une demande d'autorisation d'exercice en France, aux seuls praticiens à diplôme étranger qui ont exercé une profession de santé au sein d'un établissement de santé et d'en exclure ainsi les praticiens à diplôme étranger qui ont exercé cette même profession de santé dans un établissement social ou médico-social. Les requérants soutenaient que cette différence de traitement était contraire au principe d'égalité devant la loi.

Le contrôle des dispositions faisant l'objet de la QPC

Par la décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions législatives contestées prévoient que l'exercice de la profession de santé nécessaire pour bénéficier du dispositif dérogatoire permettant le dépôt d'une demande d'autorisation d'exercice en France doit avoir eu lieu au sein d'un établissement de santé. Il juge que, ce faisant, elles instituent une différence de traitement entre les praticiens titulaires de diplômes étrangers selon qu'ils ont exercé une profession de santé au sein d'un établissement de santé ou au sein d'un établissement social ou médico-social. Seuls les premiers peuvent déposer, dans le cadre de ce dispositif dérogatoire, une demande d'autorisation d'exercice en France de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien.

Toutefois, d'une part, comptent au nombre des professions de santé dont l'exercice est requis pour bénéficier de ce dispositif les professions médicales, pharmaceutiques, d'auxiliaire médical, d'aide-soignant, d'auxiliaire de puériculture, d'ambulancier ou d'assistant dentaire. D'autre part, l'objet de la procédure est d'obtenir une autorisation d'exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien. Or, au regard de la diversité des professions de santé dont l'exercice est requis pour bénéficier de ce dispositif, la circonstance que l'une de ces professions soit exercée au sein d'un établissement de santé ou au sein d'un établissement social ou médico-social ne permet pas de rendre compte d'une différence de situation au regard de l'objet de la loi.

Le Conseil constitutionnel en déduit que la différence de traitement contestée, qui n'est pas non plus justifiée par un motif d'intérêt général, méconnaît le principe d'égalité devant la loi. Il déclare en conséquence les dispositions contestées contraires à la Constitution. Cette déclaration d'inconstitutionnalité intervient à la date de publication de la présente décision et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à ce stade.