Décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel juge contraire à la Constitution l'absence de dispositions spécifiques de nature à assurer la validité du consentement des majeurs protégés faisant l'objet d'une perquisition dans le cadre d'une enquête préliminaire
- L'objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 octobre 2020 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 706-113 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Les dispositions contestées, qui prévoient l'information du curateur ou du tuteur d'un majeur protégé lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales ou de certaines alternatives aux poursuites, ainsi que l'information du juge des tutelles, ne s'appliquent pas aux perquisitions réalisées dans le cadre d'une enquête préliminaire.
- Les critiques formulées contre ces dispositions législatives
Le requérant reprochait à ces dispositions de méconnaître les droits de la défense et le droit à un procès juste et équitable en ce qu'elles ne prévoient pas, lorsqu'une perquisition est envisagée au domicile d'un majeur protégé dans le cadre d'une enquête préliminaire, que son curateur ou son tuteur en soit préalablement averti. Selon lui, en l'absence de cette garantie, le majeur protégé risquait, s'il n'est pas assisté de son curateur ou de son tuteur, de donner son assentiment à la perquisition et, ainsi, d'exercer ses droits sans discernement.
- Le cadre constitutionnel
Rappelant que, selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression », le Conseil constitutionnel affirme que la liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de l'inviolabilité du domicile.
- Le contrôle des dispositions législatives faisant l'objet de la QPC
Le Conseil constitutionnel relève que, en application de l'article 76 du code de procédure pénale, une perquisition ne peut en principe être effectuée au domicile d'un majeur protégé, comme de toute autre personne, sans que son assentiment exprès ait été recueilli par les enquêteurs. Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait pas écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment.
Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, au préalable, si la personne au domicile de laquelle la perquisition doit avoir lieu fait l'objet d'une mesure de protection juridique et d'informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l'objet. Or, selon le degré d'altération de ses facultés mentales ou corporelles, le majeur protégé, s'il n'est pas assisté par son représentant, peut être dans l'incapacité d'exercer avec discernement son droit de s'opposer à la réalisation d'une perquisition à son domicile.
Le Conseil constitutionnel en déduit que, en ne prévoyant pas que l'officier de police judiciaire ou l'autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle est réalisée la perquisition soit, en principe, tenu d'avertir le représentant d'un majeur protégé lorsque les éléments recueillis au cours de l'enquête préliminaire font apparaître que la personne fait l'objet d'une mesure de protection juridique révélant qu'elle n'est pas en mesure d'exercer seule son droit de s'opposer à la réalisation de cette opération, le législateur a méconnu le principe d'inviolabilité du domicile. Il déclare en conséquence contraire à la Constitution le premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale.
Considérant que l'abrogation immédiate des dispositions inconstitutionnelles aurait notamment pour effet de supprimer une garantie offerte aux majeurs protégés dans le cadre d'autres procédures pénales, le Conseil constitutionnel juge qu'il y a lieu de reporter au 1er octobre 2021 la date de l'abrogation de ces dispositions.