Communiqué

Décision n° 2020-856 QPC du 18 septembre 2020 - Communiqué de presse

Mme Suzanne A. et autres [Allocations pour les enfants de mineurs licenciés pour faits de grève en 1948 et 1952]
Non conformité totale

Le Conseil constitutionnel juge inconstitutionnelles car contraires au principe d'égalité devant la loi des dispositions subordonnant à certaines conditions le versement d'allocations réparant des atteintes portées aux droits de mineurs licenciés abusivement pour des faits de grève intervenus en 1948 et 1952.

L'objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 juin 2020 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 100 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

Cet article reconnaît le caractère discriminatoire et abusif du licenciement des mineurs ayant participé aux grèves de 1948 et 1952 et crée en particulier deux allocations au titre des atteintes portées à leurs droits fondamentaux et des préjudices causés par leur licenciement. D'une part, une allocation forfaitaire de 30 000 euros est accordée à ces mineurs ou, s'ils sont décédés, à leur conjoint survivant. Cette allocation est, le cas échéant, répartie entre le conjoint survivant et les précédents conjoints et, si l'un d'eux est décédé, la part qui devait lui revenir est répartie entre les enfants nés de son union avec le mineur. D'autre part, une allocation spécifique de 5 000 euros est allouée aux enfants des mineurs licenciés pour fait de grève.

En application des deuxième et septième alinéas de cet article, le versement des allocations ne peut intervenir que si une demande de prestations de chauffage et de logement a été formée par le mineur ou son conjoint survivant jusqu'au 1er juin 2017 auprès de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) et instruite par celle-ci en application de l'article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

Les critiques formulées contre ces dispositions

Il était reproché à ces dispositions de subordonner le bénéfice des allocations qu'elles instituent en faveur des mineurs et de leurs enfants à une double condition. En effet, comme il a été indiqué, d'une part, une demande de prestations de chauffage et de logement, formée par le mineur ou son conjoint survivant, doit avoir été préalablement instruite par l'ANGDM. D'autre part, les allocations forfaitaire et spécifique devaient avoir été demandées au plus tard le 1er juin 2017. Selon les requérants, il en résultait, en violation du principe d'égalité devant la loi, une différence de traitement inconstitutionnelle pour les enfants de mineurs licenciés, selon que leurs parents ont procédé ou non à une telle demande en temps utile.

Le cadre constitutionnel

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle, sur le fondement de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

Le contrôle des dispositions législatives faisant l'objet de la QPC

Au regard de cette exigence constitutionnelle, le Conseil constitutionnel relève que, si le bénéfice des prestations prévues par les dispositions contestées pouvait être sollicité jusqu'à la date limite de présentation des demandes de versement de l'allocation forfaitaire, les précédents conjoints des mineurs ainsi que leurs enfants ne peuvent prétendre au versement de cette allocation lorsque le mineur et son conjoint survivant sont décédés avant l'entrée en vigueur des dispositions contestées sans avoir demandé à bénéficier de ces prestations. Ce faisant, ces dispositions opèrent, pour le bénéfice de cette allocation, une différence de traitement entre les personnes admises à venir en représentation du mineur ou de son conjoint survivant selon que ces derniers ont pu solliciter ou non, de leur vivant, le bénéfice des prestations de chauffage et de logement.

D'autre part, une autre différence de traitement est instaurée pour le bénéfice de l'allocation spécifique réservée aux enfants des mineurs, selon que ces mineurs ou leurs conjoints survivants ont sollicité ou non pour eux-mêmes le bénéfice des prestations de chauffage et de logement.

Or, ces différences de traitement sont sans rapport avec l'objet de la loi, qui visait à réparer certains préjudices subis par les mineurs licenciés pour faits de grève en 1948 et 1952 et par leur famille.

Le Conseil constitutionnel juge, par conséquent, que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi. Elles sont donc déclarées contraires à la Constitution. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à la date de ce jour et est applicable dans les toutes les affaires non jugées définitivement à cette même date.

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Communiqué de presse
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