Décision n° 2020-808 DC du 13 novembre 2020 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution plusieurs dispositions de la nouvelle loi relative à la crise sanitaire
Par sa décision n° 2020-808 DC du 13 novembre 2020, le Conseil constitutionnel s'est prononcé, sur le recours de plus de soixante députés et le recours de plus de soixante sénateurs, sur l'article 1er et plusieurs dispositions des articles 2, 5 et 10 de la loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.
* S'agissant de l'article 1er, portant prorogation jusqu'au 16 février 2021 de l'état d'urgence sanitaire déclaré par décret du 14 octobre 2020, le Conseil constitutionnel a rappelé que la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence sanitaire. Il appartient au législateur, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.
Au regard de ces exigences constitutionnelles, le Conseil a relevé tout d'abord qu'il n'y avait pas lieu de remettre en cause l'appréciation du législateur selon laquelle, d'une part, l'épidémie de covid-19 se répand à une vitesse élevée contribuant, compte tenu par ailleurs des capacités actuelles de prise en charge des patients par le système de santé, à un état de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population et selon laquelle, d'autre part, cet état devrait perdurer au moins durant les quatre mois à venir. Il a jugé en effet que cette appréciation, corroborée par les avis des 19 et 26 octobre 2020 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, n'était pas manifestement inadéquate au regard de la situation présente de l'ensemble du territoire français.
Le Conseil constitutionnel a relevé ensuite que les mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne peuvent en tout état de cause être prises qu'aux seules fins de garantir la santé publique. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s'assurer que de telles mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent.
Enfin, il a rappelé que, quand la situation sanitaire le permet, il doit être mis fin à l'état d'urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l'expiration du délai fixé par la loi.
Pour l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur a pu, sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle, proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021.
* S'agissant des dispositions de l'article 2 de la loi déférée prorogeant jusqu'au 1er avril 2021, dans les territoires où l'état d'urgence sanitaire n'est pas en cours d'application, le régime transitoire organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire prévu par l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020, le Conseil constitutionnel a notamment rappelé que, par ce régime de sortie, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Par les dispositions contestées, celui-ci a dès à présent estimé qu'un risque important de propagation de l'épidémie persisterait au-delà de la période d'application de l'état d'urgence sanitaire, jusqu'au 1er avril 2021. Compte tenu des éléments relatifs à la situation sanitaire précédemment mentionnés, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur n'a pas, en l'état des connaissances, procédé à une appréciation manifestement inadéquate au regard de la situation présente.
* S'agissant des dispositions de l'article 5 de la loi déférée prolongeant au 1er avril 2021 la mise en œuvre du traitement et du partage de données relatives à la santé des personnes atteintes par le virus responsable de la covid-19 et des personnes en contact avec elles, le Conseil constitutionnel a tout d'abord rappelé les termes de sa décision du 11 mai 2020 par laquelle il a jugé que, par le système d'information alors créé, le législateur a entendu renforcer les moyens de lutte contre l'épidémie de covid-19 par l'identification des chaînes de contamination. Le législateur a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Comme il ressort de cette décision du 11 mai 2020, les données à caractère personnel qui font l'objet du système de traitement et de partage sont les seules données strictement nécessaires à la poursuite des finalités propres à ce système.
À propos des dispositions de l'article 5 de la loi déférée ouvrant l'accès à ces données aux professionnels de santé figurant sur une liste prévue par décret et habilités à la réalisation des examens de dépistage virologique ou sérologique, le Conseil constitutionnel a relevé que, en les adoptant, le législateur a visé les personnels qui participent à l'établissement du diagnostic et à l'identification des chaînes de contamination. De plus, ces professionnels ne peuvent avoir accès qu'aux seules données nécessaires à leur intervention et dans la stricte mesure où leur intervention sert les finalités poursuivies par le système d'information.
Par ailleurs, si les dispositions contestées prévoient que les organismes qui assurent l'accompagnement social des personnes infectées ou susceptibles de l'être peuvent recevoir les données contenues dans ce système, cette communication est subordonnée au recueil préalable du consentement des intéressés. En outre, cette communication ne peut porter que sur les données strictement nécessaires à l'exercice de la mission de ces organismes.
Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé que l'appréciation du législateur, qui a estimé qu'un risque important de propagation de l'épidémie persistait jusqu'au 1er avril 2021 et a prévu que le dispositif en cause pourra être appliqué au plus tard jusqu'à cette date, n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente. Sous des réserves déjà formulées dans sa décision du 11 mai 2020, il a jugé conformes à la Constitution les différentes dispositions contestées de l'article 5.
* S'agissant, enfin, de l'article 10 de la loi déférée habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures tendant à prolonger, rétablir ou adapter certaines dispositions elles-mêmes précédemment adoptées par voie d'ordonnance pour remédier aux conséquences de la crise sanitaire, le Conseil constitutionnel a jugé que l'habilitation ainsi conférée au Gouvernement ne vise pas à permettre la prolongation ou le rétablissement des précédentes habilitations prévues par des lois du 23 mars et du 17 juin 2020, mais seulement à autoriser la prolongation ou le rétablissement, sous réserve de certaines modifications, des mesures adoptées, par voie d'ordonnances, sur le fondement de ces habilitations. L'ensemble de ces mesures est suffisamment défini par le renvoi, dans la loi déférée, aux dispositions des deux lois précitées qui prévoyaient lesdites habilitations.
En outre, l'unique objet des ordonnances ainsi adoptées ne peut être que de remédier aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des décisions prises pour limiter cette propagation. Dès lors, les finalités de l'habilitation contestée sont, elles aussi, suffisamment définies.
Le Conseil constitutionnel a jugé, enfin, qu'il appartiendra au Gouvernement qui mettra en œuvre l'habilitation contestée de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle. Le cas échéant, le Conseil constitutionnel pourra ultérieurement être saisi des ordonnances prises sur le fondement de cette habilitation, une fois le délai d'habilitation expiré ou leur ratification intervenue, pour examiner leur conformité aux exigences constitutionnelles.