Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution certaines dispositions des articles 34, 44, 56, 131, 132 et 142 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique mais censure 26 de ses articles comme « cavaliers législatifs »
Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dont il avait été saisi par plus de soixante députés.
* Le Conseil constitutionnel s'est notamment prononcé sur l'article 34 de la loi déférée aménageant les conditions d'application des règles et prescriptions en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. Les auteurs de la saisine critiquaient ces dispositions au regard notamment des articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement.
Le Conseil constitutionnel relève que d'une part, elles écartent l'application des prescriptions techniques susceptibles d'être fixées par arrêté ministériel aux installations classées existantes ainsi qu'aux projets en cours d'instruction ayant fait l'objet d'une demande d'autorisation complète à la date de publication de l'arrêté, lorsqu'elles concernent le gros œuvre. Elles permettent, d'autre part, d'appliquer aux autres projets en cours d'instruction les délais et conditions de mise en conformité, fixés par arrêté, dont bénéficient les installations existantes. Dans les deux cas, la demande est présumée complète lorsqu'elle répond aux conditions de forme prévues par le code de l'environnement.
Le Conseil constitutionnel juge, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que celles-ci ne sont pas applicables lorsqu'y fait obstacle un motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l'Union européenne.
En deuxième lieu, en étendant aux projets en cours d'instruction les délais et conditions de mise en conformité accordés aux installations existantes, les dispositions contestées se bornent à reporter la mise en œuvre des règles et prescriptions protectrices de l'environnement fixées par l'arrêté ministériel et à aligner leurs modalités d'application sur celles retenues pour les installations existantes. Elles ne dispensent donc nullement les installations prévues par ces projets de respecter ces règles et prescriptions. En outre, les dispositions contestées relatives au gros œuvre ont pour seul effet d'éviter que certaines nouvelles prescriptions, uniquement relatives à la construction, par leur application rétroactive, aient des conséquences disproportionnées sur des installations déjà existantes et sur des projets en cours d'instruction ayant déjà fait l'objet d'une demande d'autorisation complète.
Enfin, la demande d'autorisation n'est présumée complète, au sens des dispositions contestées, que lorsqu'elle répond aux conditions de forme prévues par le code de l'environnement. Le Conseil constitutionnel juge, par ailleurs, que lorsqu'il se prononce sur cette demande, le préfet doit prendre en compte l'ensemble des règles de fond prévues par le code de l'environnement au regard desquelles cette autorisation peut être délivrée.
Par l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées, qui, en tout état de cause, n'entraînent pas de régression de la protection de l'environnement, sont conformes à la Constitution.
* Etaient également critiqué l'article 56 de la loi déférée qui permet au préfet d'autoriser l'exécution anticipée de certains travaux de construction avant la délivrance de l'autorisation environnementale.
Le Conseil constitutionnel relève, au regard des mêmes exigences constitutionnelles, que l'autorisation préfectorale ne peut concerner que les travaux dont la réalisation ne nécessite pas l'une des décisions exigées au titre des législations spéciales couvertes par l'autorisation environnementale. Parmi ses décisions figurent l'autorisation pour l'émission de gaz à effet de serre, l'autorisation de défrichement, la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats ou encore l'absence d'opposition au titre du régime d'évaluation des incidences Natura 2000.
En outre, cette autorisation ne peut être accordée au pétitionnaire qu'après que le préfet a eu connaissance de l'autorisation d'urbanisme. Il s'y ajoute qu'elle peut être contestée devant le juge administratif dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir ou d'un référé-suspension. À cet égard, cette autorisation ne peut intervenir qu'après que la possibilité de commencer les travaux, avant la délivrance de l'autorisation environnementale, a été portée à la connaissance du public dans le cadre de la procédure de consultation prévue à l'article L. 181-9 du code de l'environnement ou en application du paragraphe I de l'article L. 181-10 de ce même code. La décision spéciale, qui doit être motivée et désigner les travaux dont l'exécution peut être anticipée, ne peut elle-même être prise avant l'expiration du délai courant à partir de la fin de cette procédure de consultation et fait l'objet des mêmes modalités de publicité que l'autorisation environnementale.
Le Conseil constitutionnel en déduit que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent ni l'article 1er ni l'article 3 de la Charte de l'environnement et ne méconnaissent pas davantage le droit à un recours juridictionnel effectif.
* Par la décision de ce jour, le Conseil constitutionnel écarte également les critiques de procédure et de fond formulées à l'encontre d'articles de la loi déférée modifiant le code de la commande publique.
* Enfin, le Conseil constitutionnel censure d'office comme ayant le caractère de « cavaliers législatifs », c'est-à-dire comme n'ayant pas leur place dans la loi déférée, faute d'avoir un lien avec les dispositions initiales du projet de loi, 26 articles introduits en première lecture.
La censure de ces dispositions, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ne préjuge pas de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles.