Décision n° 2019-811 QPC du 25 octobre 2019 - Communiqué de presse
Le législateur n'a pas méconnu la Constitution en prévoyant que, pour les élections au Parlement européen, seules les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sont admises à la répartition des sièges
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er août 2019 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité concernant la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 3 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, dans sa rédaction résultant de la loi du 25 juin 2018.
Ces dispositions définissent les conditions dans lesquelles sont élus au Parlement européen les représentants des citoyens de l'Union européenne résidant en France. Elles prévoient que cette élection a lieu, dans le cadre d'une circonscription nationale unique, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne. Seules les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sont admises à la répartition des sièges.
Les requérants contestaient ce seuil de représentativité de 5 %. Celui-ci n'aurait selon eux aucune justification, dès lors notamment que l'objectif de dégager une majorité stable et cohérente au sein du Parlement européen ne pourrait être atteint par la seule élection, en France, d'un nombre limité de députés européens. En outre, ce seuil aurait des conséquences disproportionnées en ce qu'il empêcherait l'accès au Parlement européen de mouvements politiques importants et priverait un grand nombre d'électeurs de toute représentation au niveau européen. Il en résultait selon eux une méconnaissance des principes d'égalité devant le suffrage et de pluralisme des courants d'idées et d'opinions.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il résulte du principe de l'égalité devant le suffrage garanti par le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que du principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions garanti par l'article 4 de la Constitution que, s'il est loisible au législateur, lorsqu'il fixe les règles électorales, d'arrêter des modalités tendant à favoriser la constitution de majorités stables et cohérentes, toute règle qui, au regard de cet objectif, affecterait l'égalité entre électeurs ou candidats dans une mesure disproportionnée, méconnaîtrait le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions.
Il relève que, en instituant un seuil pour accéder à la répartition des sièges au Parlement européen, le législateur a, dans le cadre de la participation de la République française à l'Union européenne prévue à l'article 88-1 de la Constitution, poursuivi un double objectif. D'une part, il a entendu favoriser la représentation au Parlement européen des principaux courants d'idées et d'opinions exprimées en France et ainsi renforcer leur influence en son sein. D'autre part, il a entendu contribuer à l'émergence et à la consolidation de groupes politiques européens de dimension significative. Ce faisant, il a cherché à éviter une fragmentation de la représentation qui nuirait au bon fonctionnement du Parlement européen. Le Conseil constitutionnel en déduit que, même si la réalisation d'un tel objectif ne peut dépendre de l'action d'un seul État membre, le législateur était fondé à choisir des modalités d'élection tendant à favoriser la constitution de majorités permettant au Parlement européen d'exercer ses pouvoirs législatifs, budgétaires et de contrôle.
Rappelant qu'il ne lui appartient pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi, le Conseil constitutionnel juge que, en fixant à 5 % des suffrages exprimés le seuil d'accès à la répartition des sièges au Parlement européen, le législateur a retenu des modalités qui n'affectent pas l'égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée et qui ne portent pas une atteinte excessive au pluralisme des courants d'idées et d'opinions.
Ce seuil de représentativité de 5 % est donc conforme à la Constitution.