Communiqué

Décision n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Communiqué de presse

Loi organique pour la confiance dans la vie politique
Non conformité partielle - réserve - déclassement organique

Par ses décisions nos 2017-753 DC et 2017-752 DC du 8 septembre 2017, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi organique et la loi ordinaire pour la confiance dans la vie politique, dont il avait été saisi respectivement, d'une part, par le Premier ministre en application des articles 46 et 61, alinéa 1er, de la Constitution et, d'autre part, par plus de soixante députés en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution.

Ces deux lois comprennent plusieurs séries de mesures visant à renforcer la transparence de la vie politique, l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants et à moderniser le financement de la vie politique.

Outre la totalité des 27 articles de la loi organique qu'il lui revenait d'examiner en application de la Constitution, le Conseil constitutionnel a examiné les 13 articles de la loi ordinaire qui étaient contestés par le recours des députés. Il s'est également saisi d'office de deux articles de cette loi.

1 ° S'agissant de la loi organique

Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions de la loi organique imposant aux candidats à l'élection présidentielle de lui remettre une déclaration d'intérêts et d'activités, rendue publique au moins quinze jours avant le premier tour de l'élection présidentielle. Il en va de même de celles prévoyant que la déclaration de situation patrimoniale établie avant le terme de ses fonctions par le Président de la République est rendue publique, assortie d'un avis de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique appréciant la variation de sa situation patrimoniale au cours du mandat.

Le Conseil constitutionnel juge constitutionnelles les dispositions organiques instituant une procédure de contrôle de la régularité de la situation fiscale des membres du Parlement, susceptible de le conduire, en certaines hypothèses, à déclarer le parlementaire ayant méconnu ses obligations inéligible à toutes les élections pour une durée maximale de trois ans et démissionnaire d'office de son mandat.

Il juge que le législateur organique a pu, sans porter une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, ajouter à la liste des éléments devant figurer dans la déclaration d'intérêts et d'activités des membres du Parlement leurs participations directes ou indirectes leur donnant le contrôle d'une entité dont l'activité consiste principalement dans la fourniture de prestations de conseil.

Il juge que la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur et l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts justifie, eu égard aux risques spécifiques de conflits d'intérêts liés à ces activités, le choix du législateur organique d'exclure l'exercice par un parlementaire de la profession de représentant d'intérêts et de restreindre la possibilité d'exercer la profession de conseil.

Tout en déclarant conformes à la Constitution les dispositions organiques portant suppression de la pratique dite de la « réserve parlementaire », laquelle revient pour le Gouvernement à lier envers le Parlement sa compétence en matière d'exécution budgétaire, le Conseil constitutionnel juge qu'elles ne sauraient s'interpréter comme limitant le droit d'amendement du Gouvernement en matière financière. En revanche, il censure, au motif notamment qu'il porte atteinte à la séparation des pouvoirs, l'article 15 de la loi organique portant suppression de la pratique dite de la « réserve ministérielle », qui relève des seules prérogatives du Gouvernement.

2 ° S'agissant de la loi ordinaire

Le Conseil constitutionnel juge que ne méconnaît ni le principe de légalité des délits et des peines, ni le principe d'individualisation des peines, l'article 1er de la loi ordinaire instituant une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité à l'encontre de toute personne coupable de crime ou de l'un des délits énumérés par le même article. Il admet que cette disposition est nécessaire au regard de l'objectif du législateur visant à renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants. Il juge cependant que ces dispositions ne sauraient être interprétées comme entraînant de plein droit, en matière délictuelle, l'interdiction ou l'incapacité d'exercer une fonction publique. En outre, il censure comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression les dispositions de cet article prévoyant que l'inéligibilité est obligatoirement prononcée pour certains délits de presse punis d'une peine d'emprisonnement.

S'agissant des conditions d'embauche et de nomination des collaborateurs du Président de la République, des membres du Gouvernement, des parlementaires et des titulaires de fonctions exécutives locales, le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions des articles 11, 14, 15, 16 et 17 de la loi ordinaire prévoyant des interdictions pour les responsables publics concernés d'employer des personnes avec lesquelles ils présentent un lien familial ou l'obligation de déclarer à la Haute autorité précitée ou, pour les membres du Parlement, au bureau et à l'organe chargé de la déontologie parlementaire de l'assemblée à laquelle ils appartiennent, des collaborateurs recrutés parmi des proches.

En revanche, faisant application de la jurisprudence par laquelle il avait énoncé une réserve d'interprétation sur les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, le Conseil constitutionnel censure, comme méconnaissant notamment la séparation des pouvoirs, les dispositions habilitant la Haute autorité à adresser aux personnes concernées une injonction, rendue publique, tendant à mettre fin à leurs fonctions en cas de conflit d'intérêts.

En matière de financement de la vie politique, le Conseil constitutionnel juge conforme aux exigences de l'article 38 de la Constitution l'article 30 de la loi ordinaire habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnance les mesures nécessaires pour que les candidats, partis et groupements politiques puissent, à compter du 1er novembre 2018 et en cas de défaillance avérée du marché bancaire, obtenir les prêts, avances ou garanties requises pour financer les campagnes électorales nationales ou européennes, dès lors notamment que sont définis avec précision par le législateur la finalité et le domaine d'intervention des mesures envisagées.

En revanche, le Conseil constitutionnel censure comme contraire à la séparation des pouvoirs l'article 23 de la loi imposant au Premier ministre de prendre un décret sur la prise en charge des frais de représentation et de réception des membres du Gouvernement.

Il censure également les dispositions de la loi organique et de la loi ordinaire donnant à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique un droit de communication de certains documents ou renseignements reconnu précédemment à l'administration fiscale, faute que la communication de données de connexion permise par ces dispositions, qui est de nature à porter atteinte au respect de la vie privée de la personne intéressée, soit assortie de garanties suffisantes.

3 ° Le Conseil constitutionnel censure en outre comme « cavaliers législatifs », au motif qu'ils ne présentaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial, l'article 2 de la loi organique relatif à la durée pendant laquelle un ancien membre du Gouvernement peut percevoir une indemnité, les dispositions de l'article 16 de la loi organique relatives à la déclaration de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature, l'article 23 de la même loi relatif au référendum local et l'article 7 de la loi ordinaire prévoyant la remise au Parlement d'un rapport sur le remboursement des indemnités perçues par certains fonctionnaires au cours de leur scolarité.