Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mars 2017 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L.1111-4 du code de la santé publique (CSP), dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Les dispositions contestées sont relatives à l'accompagnement médical de la fin de vie.
Les trois articles contestés portent ainsi, pour le premier (article L. 1110-5-1 du CSP), sur le principe d'un arrêt des traitements en cas d'obstination thérapeutique déraisonnable, pour le deuxième (article L. 1110-5-2 du CSP), sur les cas où une sédation profonde et continue provoquant la perte de conscience peut être administrée en même temps que des traitements de maintien en vie sont arrêtés et, pour le dernier (article L. 1111-4 du CSP), sur la prise en compte de la volonté du patient pour l'administration des traitements médicaux, y compris lorsqu'il est hors d'état d'exprimer sa volonté.
Chacun de ces articles évoque la mise en œuvre d'une procédure collégiale dont l'association requérante contestait les modalités.
L'article L. 1110-5-1 prévoit une telle procédure uniquement lorsqu'un arrêt des traitements est envisagé au titre du refus de l'obstination déraisonnable, pour un patient hors d'état de s'exprimer.
L'article L. 1110-5-2 l'impose, que le patient soit en mesure ou non d'exprimer sa volonté, afin que l'équipe médicale examine si les conditions médicales requises pour mettre en œuvre une sédation profonde et continue, simultanément à l'arrêt des traitements, sont réunies.
L'article L. 1111-4 rappelle l'exigence d'une procédure collégiale dans le cas prévu à l'article L. 1110-5-1.
L'association requérante reprochait à ces dispositions de méconnaître le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a rejeté cette argumentation en se fondant sur les éléments suivants.
En premier lieu, le médecin doit préalablement s'enquérir de la volonté présumée du patient. Il est à cet égard tenu, en vertu de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, de respecter les directives anticipées formulées par ce dernier, sauf à les écarter si elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient. En leur absence, il doit consulter la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, sa famille ou ses proches.
En deuxième lieu, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conditions dans lesquelles, en l'absence de volonté connue du patient, le médecin peut prendre, dans une situation d'obstination thérapeutique déraisonnable, une décision d'arrêt ou de poursuite des traitements. Lorsque la volonté du patient demeure incertaine ou inconnue, le médecin ne peut cependant se fonder sur cette seule circonstance, dont il ne peut déduire aucune présomption, pour décider de l'arrêt des traitements.
En troisième lieu, la décision du médecin ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale destinée à l'éclairer. Cette procédure permet à l'équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d'arrêt des soins et de mise en œuvre, dans ce cas, d'une sédation profonde et continue, associée à une analgésie.
En dernier lieu, la décision du médecin et son appréciation de la volonté du patient sont soumises, le cas échéant, au contrôle du juge.
Le Conseil constitutionnel a en outre apporté les compléments suivants, en statuant sur le fondement du droit à un recours juridictionnel effectif :
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d'une part, une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté doit être notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile ;
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d'autre part, une telle décision doit pouvoir faire l'objet d'un recours aux fins d'obtenir sa suspension, examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente.
Après avoir apporté ces précisions, le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré conformes à la Constitution, les mots « et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire » figurant au premier alinéa de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique, le cinquième alinéa de l'article L. 1110-5-2 du même code et les mots « la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et » figurant au sixième alinéa de l'article L. 1111-4 du même code.