Communiqué

Décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017 - Communiqué de presse

M. Sofiyan I. [Assignations à résidence dans le cadre de l'état d'urgence II]
Non conformité partielle - réserve

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 janvier 2017 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, d'une part, des onzième à quatorzième alinéas de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence dans sa rédaction résultant de la loi du 19 décembre 2016 prorogeant l'application de l'état d'urgence et, d'autre part, du paragraphe II de l'article 2 de cette même loi du 19 décembre 2016.

Ces dispositions déterminent les conditions dans lesquelles les assignations à résidence décidées dans le cadre de l'état d'urgence peuvent être renouvelées au-delà d'une durée totale de douze mois.

Le Conseil constitutionnel s'est d'abord prononcé sur le dispositif qui subordonne la prolongation d'une assignation à résidence au-delà de douze mois à une autorisation préalable du juge des référés du Conseil d'État.

Le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions attribuent en réalité au Conseil d'État la compétence d'autoriser, par une décision définitive et se prononçant sur le fond, une mesure d'assignation à résidence sur la légalité de laquelle il pourrait devoir se prononcer ultérieurement comme juge de dernier ressort.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, dans ces conditions, la partie des dispositions contestées qui prévoit l'autorisation préalable du Conseil d'État pour prolonger une mesure d'assignation à résidence au-delà de douze mois méconnait le principe d'impartialité et le droit à exercer un recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel a donc procédé, sur ce point, à une censure partielle des dispositions contestées.

Le Conseil constitutionnel a ensuite statué sur le reste des dispositions contestées selon lesquelles, d'une part, la durée d'une mesure d'assignation à résidence ne peut en principe excéder douze mois et, d'autre part, au-delà de cette durée, une telle mesure ne peut être renouvelée que par période de trois mois.

Le Conseil a formulé une triple réserve d'interprétation pour admettre qu'une mesure d'assignation à résidence puisse ainsi être renouvelée au-delà de douze mois par périodes de trois mois sans qu'il soit porté une atteinte excessive à la liberté d'aller et de venir :
- d'une part, le comportement de la personne en cause doit constituer une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ;
- d'autre part, l'administration doit être en mesure de produire des éléments nouveaux ou complémentaires de nature à justifier la prolongation de la mesure d'assignation à résidence ;
- enfin, il doit être tenu compte, dans l'examen de la situation de la personne concernée, de la durée totale de son placement sous assignation à résidence, des conditions de cette mesure et des obligations complémentaires dont celle-ci a été assortie.

La déclaration d'inconstitutionnalité du Conseil constitutionnel prend effet à compter du 16 mars 2017.

Par conséquent, à compter de cette date, il revient au ministre de l'intérieur de se prononcer sur une éventuelle prolongation des mesures d'assignation à résidence dont la durée excède celle prévue par les dispositions contestées jugées conformes à la Constitution. Sa décision, qui doit tenir compte des réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel, peut être soumise, le cas échéant en référé, au contrôle du juge administratif en application de l'article 14-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.