Communiqué

Décision n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Communiqué de presse

Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias
Non conformité partielle

Par sa décision n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

Le Conseil constitutionnel était saisi de trois articles par les députés et sénateurs requérants.

L'article 4 de la loi contestée modifiait le régime actuel de protection du secret des sources des journalistes, qui permet de porter atteinte à ce secret seulement si un motif prépondérant d'intérêt public le justifie.

Le cumul de plusieurs difficultés constitutionnelles ont conduit le Conseil constitutionnel, tout en soulignant la valeur constitutionnelle de la liberté d'expression et de communication, à censurer l'article 4.

D'une part, cet article interdisait qu'il soit porté atteinte au secret des sources pour la répression d'un délit, quels que soient sa gravité, les circonstances de sa commission, les intérêts protégés ou l'impératif prépondérant d'intérêt public qui s'attache à cette répression.

D'autre part, l'immunité pénale qu'il instituait était trop largement définie, tant pour les personnes protégées que pour les délits couverts.

L'ensemble des collaborateurs de la rédaction, dont la profession ne présente qu'un lien indirect avec la diffusion d'informations au public, étaient protégés par cette immunité.

En outre, cette immunité interdisait les poursuites pour recel de violation du secret professionnel et pour atteinte à l'intimité de la vie privée, délits pourtant punis de cinq ans d'emprisonnement et visant à réprimer des comportements portant atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances. Elle interdisait également les poursuites pour recel de violation du secret de l'enquête et de l'instruction, délit puni de la même peine et protégeant la présomption d'innocence et la recherche des auteurs d'infractions.

Le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur n'avait pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la liberté d'expression et de communication et, d'autre part, plusieurs autres exigences constitutionnelles, en particulier le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances, la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et la recherche des auteurs d'infractions.

Le Conseil constitutionnel a donc déclaré contraire à la Constitution l'article 4 de la loi.

Il est important de souligner que la protection du secret des sources des journalistes continuera d'être garantie par la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources. Celle-ci prévoit qu'il ne peut être porté atteinte à ce secret que si deux conditions cumulatives sont réunies : l'atteinte doit être justifiée par un impératif prépondérant d'intérêt public ; les mesures envisagées doivent être strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a, en revanche, déclaré conformes à la Constitution les deux autres articles contestés.

L'article 1er instaure un droit d'opposition qui permet à un journaliste de refuser d'accomplir un acte qui lui serait imposé par son employeur et qui heurte sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de l'entreprise qui l'emploie. Cet article précise les modalités de négociation et de conclusion des chartes déontologiques.

Le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, que cet article ne modifie pas le régime de responsabilité qui s'applique au directeur de publication et, d'autre part, que le législateur a suffisamment défini les critères du droit d'opposition. Il l'a donc déclaré conforme à la Constitution.

L'article 6 est relatif aux missions du conseil supérieur de l'audiovisuel. Il prévoit, d'une part, que le conseil supérieur de l'audiovisuel garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent. Il énonce, d'autre part, que ce même conseil veille à ce que les conventions conclues avec les éditeurs de services de télévision et de radio garantissent le droit d'opposition créé par l'article 1er.

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle et les a donc déclarées conformes à la Constitution.

Enfin, le Conseil constitutionnel a censuré comme adopté suivant une procédure irrégulière (« cavalier législatif ») l'article 27 de la loi, qui modifiait les compétences de la commission des droits d'auteur des journalistes.

Le Conseil constitutionnel a également précisé dans sa décision qu'il ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions de la loi.